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CRITIQUES DE CONCERTS 24 avril 2024

Première à l’Opéra national de Lorraine de l’Idomenée de Mozart mis en scène par Yannis Kokkos, sous la direction de Kirill Karabits.

Neptune aveuglé

Marina Rebeka (Elettra)

Munich 1781 ou Vienne 1786 ? L’Idomeneo présenté à Nancy se révèle un curieux hybride, puisqu’un Idamante ténor y chante la version originale. Solution bancale, qui permet cependant d’apprécier le chant élégant de Frédéric Antoun au sein d’une distribution de haut vol. Sous l’œil de Neptune, la mise en scène soporifique de Yannis Kokkos se borne à une idée de décor.
 

Opéra de Lorraine, Nancy
Le 22/06/2009
Mehdi MAHDAVI
 



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  • L’Idomeneo curieusement hybride prĂ©sentĂ© Ă  Nancy pose une nouvelle fois la question de la lĂ©gitimitĂ© de la version viennoise de 1786. ReprĂ©sente-t-elle le dernier Ă©tat d’une partition particulièrement chère au cĹ“ur de Mozart, ou simplement un arrangement de circonstance, destinĂ© Ă  une simple exĂ©cution de concert par des amateurs Ă©clairĂ©s issus de la noblesse ? La balance penche plutĂ´t en faveur de cette seconde proposition si l’on se souvient que le compositeur songeait dès après la crĂ©ation de son groĂźe Oper Ă  une reprise en allemand, avec la basse Ludwig Fischer, premier Osmin de l’Enlèvement au sĂ©rail, dans le rĂ´le-titre.

    Ces désirs resteront lettre morte, puisqu’il se contenta de transposer la partie d’Idamante à l’octave inférieure, avec quelques aménagements dans les ensembles, sans que la tessiture ne paraisse plus confortable au ténor. À cela s’ajoutent l’insertion au début du II d’un rondo avec violon obligé, assurément plus flatteur pour l’archet du comte Hatzfeld que pour le gosier du baron Pulini, ainsi qu’un nouveau duo pour Idamante et Ilia, Spiegarti non poss’io en remplacement de S’io non moro.

    Ni l’un ni l’autre de ces numéros ne sont donnés à Nancy, où un Idamante pourtant ténor chante une version qui s’apparente peu ou prou, n’étaient la coupure de l’Intermezzo et le rétablissement des deux airs d’Arbace – que Jesus Garcia ne parvient pas à justifier, malgré un legato ostentatoire –, au compromis le plus répandu, sans No la morte et Torna la pace donc, mais avec D’Oreste e d’Aiace et l’intégralité de l’accompagnato qui le précède. Dès lors, pourquoi un Idamante ténor ? Pour faire plus moderne, réaliste, moins opera seria ?

    Aussi peu satisfaisante soit-elle – avec ce qu’elle induit de déséquilibres patents dans les ensembles, au profit du rôle-titre –, cette solution permet toutefois de goûter le timbre noble, le chant merveilleusement conduit, le récitatif éloquent de Frédéric Antoun. Douée des mêmes qualités, et plus encore dans le déploiement stylé du phrasé, Judith Van Wanroij est tout simplement l’Ilia qu’on attendait depuis toujours, certes juvénile, mais aussi corsée et galbée, d’une luminosité jamais à court de chair.

    Une Elettra faramineuse de facilité

    Faramineuse de facilité, Marina Rebeka exhibe un timbre d’une richesse presque surdimensionnée pour l’acoustique de l’Opéra de Nancy. Flamboyante sans négligence, elle dessine avec soin, mais d’une dynamique limitée, les lignes aériennes d’Idol moi et Soavi Zeffiri, qui ont fait trébucher plus d’une Elettra de ce format, avec de se jeter à corps perdu et le regard bleu fulminant dans les crucifiantes gammes descendantes de son dernier air.

    L’Idomeneo de Chad Shelton est de la même eau, et plus subtil encore dans l’élégie. Car la technique, supérieure, lui autorise tout, jusqu’aux coloratures de Fuor del mar, même si quelques doubles croches, çà et là, lui échappent. Surtout, le grave sombrement timbré, l’aigu éclatant, la demi-teinte d’une mûre suavité, le format et la couleur en somme, font du ténor américain l’un des rois de Crète les plus complets qui se puissent entendre aujourd’hui – et ils se comptent sur les doigts de la main.

    Fringant, le geste large, démonstratif, Kirill Karabits va aussi loin qu’il est possible dans une esthétique musicale classique, aiguisant une théâtralité incisive, au risque de frôler parfois la précipitation. Qu’importe dès lors que les cordes manquent de transparence, que les cuivres à pistons partagent les défauts d’intonation de leurs ancêtres naturels sans leur fruité singulier, et que le clavecin, dont l’omniprésence semble une concession, exaspérante hors contexte, à la pratique historiquement informée, soit une caricature des plus infâmes boîtes à clous ? Oui, qu’importe, puisque l’orchestre bouillonne ?

    Et pourtant, l’ennui guette. Il s’installe même, et vite. C’est que Yannis Kokkos, l’immense scénographe de Vitez, préposé depuis la disparition du maître à tout ce qui a trait, de près ou de loin, à une Grèce plus ou moins antique, a eu, comme souvent, comme toujours, une idée de décor. L’œil de Neptune donc, déroulant une belle perspective jusqu’à l’iris. Mais après ? Eh bien rien.

    Des parois qui n’en finissent pas de coulisser, des choristes qui, lorsqu’ils ne sont pas relégués en coulisses, d’où ils sont inaudibles – mais il n’est pas absolument certain qu’ils gagnent à être entendus –, n’en finissent pas de déambuler sans but, des solistes qui n’en finissent pas d’être figés dans leur maladresse. Et surtout cette obscurité constante, dans laquelle Patrice Trottier peine à sculpter des ombres. Fallait-il tout ce noir, univoque, impénétrable, pour démontrer que Neptune est aveugle ?




    Opéra de Lorraine, Nancy
    Le 22/06/2009
    Mehdi MAHDAVI

    Première à l’Opéra national de Lorraine de l’Idomenée de Mozart mis en scène par Yannis Kokkos, sous la direction de Kirill Karabits.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Idomeneo, dramma per musica en trois actes K. 366 (1781)
    Livret de Giambattista Varesco d’après Idoménée d’Antoine Danchet.

    Chœur de l’Opéra national de Lorraine et d’Angers Nantes Opéra
    Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
    direction : Kirill Karabits
    mise en scène, décors, costumes : Yannis Kokkos
    dramaturgie : Anne Blancard
    Ă©clairages : Patrice Trottier

    Avec :
    Chad Shelton (Idomeneo), Frédéric Antoun (Idamante), Judith Van Wanroij (Ilia), Marina Rebeka (Elettra), Jesus Garcia (Arbace), Alexandre Swan (Il Gran Sacerdote), Jan Stava (La Voce), Valérie Barbier et Dania Di Nova (Due Cretesi), Tadeuz Szczeblewski et Xavier Szymczak (Due Troiani).

     


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