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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Crépuscule des dieux de Wagner mise en scène par Stéphane Braunschweig et sous la direction de Sir Simon Rattle au festival d’Aix-en-Provence 2009.
Aix 2009 (1) :
Un magnifique Wagner hédoniste
Point final au Ring d’Aix-en-Provence voulu par Stéphane Lissner et mené à bien par son successeur Bernard Foccroulle, Crépuscule des dieux, admirable soirée de délectation orchestrale et vocale, ouvre en splendeur un festival où Wagner sera quatre étés durant demeuré comme étranger au ton général de la manifestation.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Le 03/07/2009
Pierre FLINOIS
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Le Grand Théâtre de Provence, inauguré voici deux ans exactement, est – mal – installé au bout d’un quartier auquel il ressemble : neuf mais pas moderne, consensuel entre modernité et tradition, et pour l’instant dépourvu d’âme et de vie. La scénographie du Crépuscule des dieux de Stéphane Braunschweig ressemble assez à ce quartier et à cette salle rouge et cylindrique qui a peu inspiré Vittorio Gregotti, son architecte : pas laide, mais sans esprit.
Les décors sont de façon logique les mêmes que dans les précédentes journées du Ring : on retrouve les trois chaises à parures de velours rouge et la petite fenêtre haute de l’Or du Rhin, les arbres nus de Siegfried, les grandes marches mobiles de la Walkyrie, et toute leur nudité soft agrémentée parfois de projections vidéo illustratives.
Élégante sobriété qui ne crée jamais un univers esthétique impressionnant ou seulement mémorable. La scène demeure sans tension, inhabitée par une direction d’acteurs pourtant efficace, mais invisible autrement qu’à la jumelle, tant elle verse dans le minimalisme d’un bon théâtre narratif, lisible, loin des dynamitages intellectuels du Regietheater, des souvenirs toujours présents du lyrisme débordant et inspiré d’un Chéreau, ou des magies de densité spatiale d’un Wieland Wagner.
Un théâtre sans valeur ajoutée, qu’aucun des personnages ne remplit de son ambitus personnel pour habiter soudain la scène vide. Dommage pour une telle œuvre, qui attend plus que des détails raffinés, comme Hagen caressant le Tarnhelm que lui présente Siegfried, ou le contresens des hommes de Hagen qui font ici, raquettes de tennis et clubs de criquet en main, partie de campagne habillée par un bon faiseur. Gageons que l’on prisera mieux tout cela avec la captation diffusée sur France 3 pour le seul dernier acte le 9 juillet, ou sur Mezzo intégralement le 11 juillet.
C’est dire si le charisme de la soirée vient d’ailleurs. La confrontation avec la Philharmonie de Berlin est comme toujours une expérience de haute satisfaction, sur le plan de la qualité musicale, exceptionnelle, du raffinement des timbres, des coloris, de la variété du discours, et de son chatoiement permanent. Trop beaux presque, pour une œuvre dont les élans lyriques jouxtent des moments d’une violence et d’une cruauté manifestes.
Simon Rattle s’est attaché depuis le début à une leçon de clarté et de transparence qui renvoie aux partis allégés du Ring salzbourgeois de Karajan avec le même orchestre majuscule. L’esprit chambriste de Rattle va ici plus loin encore que celui du maestro d’antan, qui pour Crépuscule avait fait quelque peu marche arrière. L’orchestre gronde, explose quand il faut, mais comme en phase avec la mise en scène, se range du côté humain – l’admirable motif de Brünnhilde avant le retour de Siegfried au rocher, entre mille exemples –, et non du côté divin de la narration.
Une distribution de premier plan
Adieu Mythe, donc ! Et bienvenue dans cette beauté hédoniste, attentive, qui sait que le chant du maître de Bayreuth ne pourrait plus aujourd’hui se confronter à des torrents de lave musicale. Cela permet d’apprécier à sa juste mesure une distribution magnifique. Le chant wagnérien va mieux, cela s’entend désormais assez régulièrement. Superlatif, le Siegfried de Ben Heppner, son phrasé, son aisance, sa liberté vocale – à une petite défaillance près juste avant sa mort –, une leçon de chant stylé qui fait oublier un acteur vraiment peu crédible, malgré un capital sympathie irrésistible.
Si Mikhail Petrenko manque de tout ce qui fait une grande basse sombre telle qu’on l’associe au rôle de Hagen – timbre clair, profondeur et puissance relatives – son sens du mot, son articulation parfaite, son don d’acteur font ici merveille, et c’est son visage torturé qui sera le souvenir visuel marquant de ce Ring finissant.
Katarina Dalayman confirme les formidables qualités exposées dans Ariadne à Bruxelles, ou Marie à Paris, et dans Siegfried ici-même l’été passé : une voix pleine, radieuse, chaleureuse, sans la moindre difficulté technique, une prise en charge psychologique profonde, bref, une Brünnhilde éblouissante, comme on n’en a pas entendue depuis des décennies. Anne-Sofie von Otter sauve les apparences – la voix est défaite – dans une belle Waltraute qui n’a pas la projection requise, ni la présence, et le reste de la distribution est parfait, comme les Chœurs de la Radio de Berlin. Le niveau reste donc d’exception, et dépasse largement ce que Bayreuth offre aujourd’hui. Que demander de plus ?
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence Le 03/07/2009 Pierre FLINOIS |
| Nouvelle production de Crépuscule des dieux de Wagner mise en scène par Stéphane Braunschweig et sous la direction de Sir Simon Rattle au festival d’Aix-en-Provence 2009. | Richard Wagner (1813-1883)
Götterdämmerung, troisième journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1876)
Poème et musique de Richard Wagner
Coproduction avec le festival de Pâques de Salzbourg
Rundfunkchor Berlin
Berliner Philharmoniker
direction : Sir Simon Rattle
mise en scène et scénographie : Stéphane Braunschweig
costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Ă©clairages : Marion Hewlett
préparation des chœurs : Simon Halsey
Avec :
Ben Heppner (Siegfried), Gerd Grochowski (Gunther), Mikhail Petrenko (Hagen), Dale Duesing (Alberich), Katarina Dalayman (BrĂĽnnhilde), Emma Vetter (Gutrune), Anne Sofie von Otter (Waltraute), Maria Radner (Norn 1), Lilli Paasikivi (Norn 2), Miranda Keys (Norn 3), Anna Siminska (Woglinde), Eva Vogel (Wellgunde), Maria Radner (Flosshilde). | |
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