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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Traviata de Verdi mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia et sous la direction de Myung-Whun Chung aux Chorégies d’Orange 2009.
Orange 2009 (1) :
Drame intimiste dans un cadre grandiose
Patrizia Ciofi (Violetta)
Prima la musica aux Chorégies d’Orange, où le couple idéal formé par la délicate Violetta de Patrizia Ciofi et l’ardent Alfredo de Vittorio Grigolo, révélation de la soirée, permet à la Traviata de triompher devant plus de huit-mille spectateurs enthousiastes. Pari gagné pour ce drame intimiste qu’on pouvait juger mal adapté au théâtre antique.
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Programmer La Traviata à Orange est un défi de chaque instant tant au niveau musical et vocal que théâtral. Certes, l’opéra le plus populaire de Verdi attire les foules et permet de faire le plein du Théâtre antique deux soirées : une excellente raison pour l’afficher ! En revanche, son caractère résolument intimiste est peu compatible avec les dimensions d’un lieu qui, sans avoir la démesure des Arènes de Vérone, se prête davantage au grandiose qu’à la demi-teinte.
S’il n’a pas totalement résolu les problèmes insurmontables liés aux exigences de l’ouvrage et du lieu, le spectacle qui a inauguré les Chorégies 2009 a d’évidence fait l’unanimité d’un public enthousiaste, conquis par le couple quasiment idéal réuni par Raymond Duffaut, le directeur général de la manifestation.
En osant la plus délicate et la plus fragile des rares grandes Violetta du moment, le patron des Chorégies a pris des risques. Il n’était pas évident que la voix de Patrizia Ciofi, sans doute la toute première soprano belcantiste actuelle, passe à Orange : la Traviata n’est pas Lucia di Lammermoor, où la diva transalpine s’était imposée en 2006 aux côté de Rolando Villazón.
Dans le registre dramatique, le rôle est à la limite d’une musicienne authentique qui excelle dans l’élégie et les vocalises du Bel Canto romantique ou dans Mozart, et dont la virtuosité instrumentale se situe à l’opposé des effets racoleurs. On avait peur que cette Traviata parfaite pour une salle comme la Fenice de Venise soit un peu perdue ici. D’autant que suite au Mistral qui s’était déchaîné pendant la générale, la soprano souffrait d’un refroidissement.
Cette fois encore, on constate que la miraculeuse acoustique du lieu favorise les voix bien placées, et finalement, à Orange, c’est le raffinement qui paye ! Après un premier acte prudent dont elle triomphe grâce à une technique exceptionnelle, Ciofi impose une Violetta en demi-teintes, dont la musicalité et la subtilité séduisent un auditoire particulièrement attentif et silencieux, suspendu au souffle de cette Traviata jamais glamoureuse, d’emblée maladive, brisée et sans espoir. L’humanité, la sincérité et la sobriété de son jeu sont en accord avec la pureté et la délicatesse de son chant jusqu’à un Addio del passato anthologique.
Avec son physique irrésistible de beau ténébreux, le jeune ténor italien Vittorio Grigolo (32 ans) conquiert par son jeu passionné et sa voix richement timbrée. Lui aussi chante avec goût et élégance. Cela dit, le soudain engouement et la déferlante de superlatifs qu’il déchaîne trop vite sont la preuve évidente de l’inconstance de notre futile époque où l’on passe au suivant comme on change de chemise et des dangers qui menacent déjà cette nouvelle coqueluche. Auprès de ce couple à la fois complémentaire et parfaitement assorti, on aurait souhaité un Germont moins terne que le routinier Marzio Giossi.
Une direction pudique
A la tête d’un Orchestre Philharmonique de Radio France irréprochable, la direction attentive et pudique de Myung-Whun Chung est plutôt une bonne surprise : non seulement il ne submerge jamais le plateau mais il ménage sa Violetta par un accompagnement d’une prévenance de chaque instant. Certes, il abuse parfois de tempi tantôt trop lents (l’air de Germont), tantôt trop rapides. On souhaiterait, surtout, plus de souffle et de dynamique, une véritable expressivité dramatique, mais pour l’essentiel, lui aussi rend justice à Verdi.
Pour sa première production in loco, Frédéric Bélier-Garcia se tire honorablement d’une épreuve d’autant plus difficile que son expérience opératique est récente : il vient du théâtre où il a gagné sa réputation. À son actif, un très habile enchaînement des lieux et des actes par le glissement de meubles emblématiques (table de réception, fauteuils) sur une sorte de tapis roulant traversant le plateau avec des personnages figés qui s’animent soudain, ou un lit omniprésent mais qui change de place et de symbolique.
Pour autant, le metteur en scène n’évite pas les poncifs (les espagnolades du III) et le spectacle souffre d’éclairages indigents. Surtout, on est choqué par Violetta recevant, à la campagne, en tenue provocante de cocotte de luxe, le père noble venu lui donner une leçon de morale. Comment peut-elle exiger son respect alors que son luxueux peignoir Art nouveau, style Beardsley, est ouvert découvrant sa nuisette et ses jambes gainées jusqu’aux cuisses dans des bas noirs ? Indépendamment du fait que tous les autres costumes sont résolument XIXe !
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Théâtre antique, Orange Le 11/07/2009 Monique BARICHELLA |
| Nouvelle production de la Traviata de Verdi mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia et sous la direction de Myung-Whun Chung aux Chorégies d’Orange 2009. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata, opéra en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piave d’après la pièce d’Alexandre Dumas, la Dame aux Camélias
Chœurs de l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse, de l’Opéra de Toulon Provence-Méditerranée, de l’Opéra de Tours
Ensemble Vocal des Chorégies d’Orange
Orchestre Philharmonique de Radio France
direction : Myung-Whun Chung
mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia
décors : Jacques Gabel
costumes : Catherine Leterrier
éclairages : Franck Thévenun
Avec :
Patrizia Ciofi (Violetta), Vittorio Grigolo (Alfredo), Marzio Giossi (Giorgio Germont), Laura Brioli (Flora), Christine Labadens (Annina), Stanislas de Barbeyrac (Gastone) Nicolas Courjal (Il Dottore Grenvil). | |
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