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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Version de concert de Fidelio de Beethoven sous la direction de Daniel BarenboĂŻm au festival de Salzbourg 2009.
Salzbourg 2009 (4) :
Un Fidelio de crise
Triste été lyrique salzbourgeois pour l’amateur de grand répertoire, pour qui la seule contribution de cette année, un Fidelio pas même présenté en version scénique, s’avère sous la baguette molle et instable de Daniel Barenboïm d’une médiocrité indigne de la réputation du festival et surtout du prix des places toujours aussi mirobolant.
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À l’annonce officielle du programme 2009 du festival de Salzbourg, il était difficile de ne pas ressentir une forme de disette devant les titres proposés. On n’a d’ailleurs toujours pas compris ce que viennent faire des ouvrages comme Theodora de Haendel ou Moïse et Pharaon de Rossini en tête d’affiche, alors que le festival, dont la spécialité est Mozart, Richard Strauss et la musique du XXe siècle, n’offre rien d’autre que la fin de la trilogie Da Ponte conçue par l’ancien directeur, et pas l’ombre d’un Strauss depuis cinq ans.
La seule production vraiment digne du lieu reste Al gran sole carico d’amore de Nono, bien dans la veine de l’identité de Salzbourg. Car les amateurs de grand répertoire n’ont cette année que Fidelio – et encore, en version de concert – à se mettre sous la dent. Et sans même repenser aux casts légendaires entendus dans la ville de Mozart sous Furtwängler ou Karajan, on ne peut que se désoler du niveau de la nouvelle « production » affichée cette année.
Sans vouloir paraître offensant face à un acte humaniste qui mérite en soi le respect, le West-Eastern Divan Orchestra de Barenboïm, qui fait jouer à de jeunes musiciens juifs et musulmans réunis les grands chefs-d’œuvre du patrimoine musical occidental, n’est pas vraiment du niveau de ce qu’on est en droit d’attendre à Salzbourg, où le Philharmonique de Vienne officie d’ordinaire en fosse.
Sonorité éteinte, cordes anémiées, cors foireux et trombones peu portés sur la discrétion, la formation ne surnage que par un pupitre de bois d’une belle couleur – à quelques attaques de basson près. Tant pis ou tant mieux, car Barenboïm conçoit Fidelio comme un immense ouvrage horizontal pour les vents, s’extasiant à tout bout de champ sur les tenues et transitions, occultant le commentaire des cordes, délaissant le tranchant vertical qui est la marque de fabrique beethovénienne, pour accoucher au final d’une lecture dévitalisée et molle, en rien dramatique, constellée de tempi flottants et d’effets dans le mystère tout à fait téléphonés.
Pire pour la cohérence globale de la soirée, les dialogues, plus que jamais l’occasion du théâtre en version de concert, ont été supprimés au profit d’une narration fragmentée et lacunaire par l’héroïne, l’exécution débutant par une Leonore III poussive, suivie de l’air de Marzelline, puis du duo qui le précède normalement.
Quant au plateau, il subit lui aussi les effets de la crise. Entre une Marzelline bien verte et le nez plongé dans la partition, un Jaquino on ne peut plus ordinaire, un joli Fernando qui n’a que trois poils au menton et un Pizarro appelé à la rescousse d’un Peter Mattei dépassé par un refroidissement, on sombre dans l’anonymat le plus total.
Rocco écarlate, John Tomlison, en voix défaite et inapte à la nuance – les sons sortent tous forte, droits et blanchâtres en guise de piano, encombrés d’un monumental vibrato dans la dynamique – impose au moins un ton et un personnage, fussent-ils démesurément noirs et puissants, renvoyant Pizarro et Fernando au rayon de pâles subalternes sans la moindre autorité.
La Leonore ardente de Waltraud Meier
Reste le couple principal, le seul à la hauteur de l’enjeu. Waltraud Meier, que Leonore limite un peu dans le pouvoir d’envoûtement par rapport à ses grands rôles wagnériens, prodigue des instants magiques comme elle en a le secret, notamment dans un Komm Hoffnung d’une ardeur murmurée qui n’appartient qu’aux légendes de la scène. La tessiture souvent tendue du rôle l’a toujours dépassée dans l’aigu, mais elle n’hésite pas ce soir à projeter coûte que coûte, aux dépens de la rondeur et de la justesse.
En Florestan, Simon O’Neill, avec les particularités d’une émission héroïque haut perchée qui donnerait au timbre une couleur un peu ingrate dans le grave, dispense de magnifiques nuances et triomphe de toutes les embûches d’un rôle réputé inchantable, avalant même la dernière page de son air avec un aigu libre et magnifiquement conquérant. Le point de convergence idéal entre vigueur et délicatesse.
Mais à l’heure du bilan – deux chanteurs à sauver et des chœurs formidables dans un Fidelio entier –, on ne peut s’empêcher de penser que c’est vraiment la crise à Salzbourg !
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 15/08/2009 Yannick MILLON |
| Version de concert de Fidelio de Beethoven sous la direction de Daniel BarenboĂŻm au festival de Salzbourg 2009. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fidelio, opéra en deux actes op. 72 (1816)
Livret de Josef Sonnleithner, Stephan von Breuning et Georg Friedrich Treitschke d’après la pièce Léonore ou l’amour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly
Waltraud Meier (Leonore)
Simon O’Neill (Florestan)
John Tomlinson (Rocco)
Terje Stensvold (Don Pizarro)
Viktor Rud (Don Fernando)
Adriana Kucerova (Marzelline)
Stephan RĂĽgamer (Jaquino)
Franz Gruber (1. Gefangener)
Johannes Giesser (2. Gefangener)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
West-Eastern Divan Orchestra
direction : Daniel BarenboĂŻm | |
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