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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 janvier 2025 |
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Romeo et Juliette de Gounod à l'Opéra du Rhin, Strasbourg.
Juliette s'en balance
Héros shakespearien dans le milieu de la finance contemporaine : on ne peut rêver approche plus à la mode pour l'opéra de Gounod. Avec tous les poncifs du jour, le spectacle, en grande partie ridicule, est sauvé par sa réalisation musicale.
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Transposer dans le temps, pourquoi pas, mais à condition que cela ait un sens. Malgré un Enlèvement au sérail réalisé à Salzbourg en 1997, François Abou Salem paraît trop peu à l'aise dans le monde de l'opéra pour réussir un tel pari. Dans un très vilain décor en forme de piste de cirque cernée de barreaux et des costumes pour la plupart d'un goût exécrable, voire parodiques, il tente de raconter l'histoire la plus mythique de toute la littérature scénique dans les termes contemporains les plus branchés et les plus galvaudés. On s'en doutait déjà un peu, Roméo et Juliette sont dans une prison, d'où les barreaux. On peut certes imaginer aussi la rivalité des deux familles n'importe où et n'importe quand. Cela a déjà été fait, et fort bien, au cinéma notamment. Mais ici, on frise constamment le ridicule. Cette accumulation de poncifs, écrans de télévision, projections, gorilles à lunettes noires, arrivée de Juliette en balançoire du haut des cintres, Tybalt en loubard cuir, acrobates, danseurs, Capulet déguisé en Napoléon pour le bal, tout cela ne sert à rien d'autre que détourner l'attention, alors que l'essentiel n'est pas traité par une direction d'acteurs totalement indigente, les chanteurs venant tout chanter face à la rampe quand l'agitation inutile qui les entoure se calme. C'est d'autant plus regrettable que lorsqu'au dernier tableau, il ne reste quasiment rien du décor et plus aucun accessoire, l'image dépouillée prend soudain une vraie force dramatique. Heureusement qu'à l'exception du très mauvais comte Capulet de George Fortune dont la voix part dans tous les sens sauf le bon, le niveau musical et vocal est élevé. Emmanuel Joël mène fosse et plateau avec précision et sait alterner grands élans lyriques et sentiment plus retenu dans une belle couleur d'ensemble. La Danoise Henriette Bonde-Hansen a bien le physique et la voix de Juliette, avec un timbre agréable et une grande aisance technique. Son Roméo est le ténor cubain Reinaldo Macias, voix puissante, sonore, timbre riche, très à l'aise scéniquement, mais manquant de subtilité. Son interprétation caractérise mal le personnage. Les autres rôles sont tenus de façon très adéquate, ce qui fait regretter encore plus la laideur et la sotte prétention des images qui nous agressent pendant les trois quarts du spectacle.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 21/06/2000 Gérard MANNONI |
| Romeo et Juliette de Gounod à l'Opéra du Rhin, Strasbourg. | Romeo et Juliette de Charles Gounod
Orchestre Symphonique de Mulhouse, Choeurs de l'Opéra National du Rhin, enfants de la Manécanterie de Schiltigheim.
Emmanuel Joël (direction musicale),
François Abou Salem (mise en scène),
Noëlle Ginefri (décors et costumes)
Avec Henriette Bonde-Hansen (Juliette), Caroline Fèvre (Stephano), Marie-Thérèse Keller (Gertrude), Reinaldo Macias (Romeo), Mark Duffin (Tybalt), Ludovic Tezier (Mercutio), José de Lima (Benvolio), Ivan Ludlow (comte Pâris), Jean-Philippe Emptaz (Grégorio), George Fortune (comte Capulet), René Schirrer (Frère Laurent), Mario Brazitzov (le Duc).
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