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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Spectacle autour des Sept péchés capitaux et de Mahagonny-Song de Kurt Weill et Bertolt Brecht dans une mise en scène de Juliette Deschamps et sous la direction de Jérémie Rhorer au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Sept péchés sauvés par une mezzo
Ils sont bien véniels, les Sept Péchés Capitaux de Kurt Weill et Bertolt Brecht présentés par Juliette Deschamps au Théâtre des Champs-Élysées. On n’y succombe guère tant ils manquent de séduction et ne mènent personne en enfer. Un purgatoire mené par la baguette politiquement correct et qui ne décolle jamais de Jérémie Rhorer.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 12/09/2009
Nicole DUAULT
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Bertolt Brecht et Kurt Weill ouvrent la saison parisienne avec deux spectacles. À partir de mardi, Bob Wilson met en scène le Berliner Ensemble, fondé par Brecht, dans l’Opéra de quat’ sous au Théâtre de la Ville. En parallèle, pour deux soirées, le Théâtre des Champs-Élysées affiche Mahagonny-Songspiel et les Sept péchés capitaux. Un retour pour cette dernière œuvre créée dans ce même théâtre le 7 juin 1933 à la demande de deux des héritiers des Ballets Russes, George Balanchine et Boris Kochno.
Opéra-ballet ou ballet chanté, on n’a jamais très bien su. Créé par Balanchine, il donnait la primauté à la danse avec, dans le rôle d’Anna II, la danseuse Tilly Losch, femme du commanditaire, le milliardaire Edward James, proche des Noailles. Le rôle d’Anna I était tenu par une autre star de l’époque, la chanteuse Lotte Lenya, Madame Weill à la ville.
En fait, l’œuvre se prête, par sa richesse formelle et sa formidable plasticité, à toutes les approches. L’une des dernières productions au Palais Garnier en 2001, dans un hommage à Boris Kochno, était signée Laurent Pelly et Laura Scozzi, avec la mezzo Anne-Sofie von Otter : c’était une merveille d’invention, de drôlerie et de pertinence, mais davantage dans l’optique ballet qu’opéra.
La démarche de la metteuse en scène Juliette Deschamps (fille de Jérôme Deschamps et de Macha Makeïeff) est tout autre. Elle tire cette brève pièce d’une heure vers le musical. Malheureusement, c’est un Broadway cheap où six malheureux interprètes s’agitent et vaticinent sur scène. Des projections vidéo montrent les perversions dans lesquelles est entraînée Anna II. On pense évidemment au travail du vidéaste Bill Viola et notamment à ce qu’il a réalisé pour Tristan et Isolde à la Bastille. Mais n’est pas Bill Viola qui veut ! On ne se consolera jamais de ne pas voir Anna danser.
L’histoire est celle d’un dédoublement de personnalité. Elle met en scène deux jeunes sœurs, l’une danseuse, l’autre chanteuse : elles parcourent les grandes villes des États-Unis afin de gagner l’argent nécessaire à la construction d’une maison familiale en Louisiane. Au cours de leurs pérégrinations, Anna II s’apprête à succomber tour à tour à tous les péchés capitaux. Anna I fait triompher sa sœur des tentations. Mais elle ferme les yeux quand ceux-ci, aussi bien la prostitution, le vol que le chantage, leur permettent de s’enrichir.
Dans cette fable désespérée sur la perversion d’une époque de plaisirs, dans cet affrontement du vice et de la vertu, dans cette contestation du modèle capitaliste, Brecht et Weill sont incisifs et violents. Rien de tel dans ce spectacle d’opérette chic auquel Macha Makeïeff donne les couleurs de ses robes à fleurs.
Le jeune et très talentueux Jérémie Rhorer fait ce qu’il peut à la tête de l’Ensemble Modern. Mais cela ne décolle jamais. Brecht et Weill s’insurgeaient contre ce qu’on nomme aujourd’hui le politiquement correct. Or, on y est en plein. La seule à mettre un peu de fantaisie est la belle Angelika Kirchschlager. Perruque brune à la Louise Brooks, elle est aussi percutante que convaincante dans le rôle d’Anna I comme dans celui de Jessie du Mahagonny-Songspiel qui débute la soirée.
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