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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Kristjan Järvi au Théâtre du Châtelet, Paris.
Paris latino
Après la déferlante Gustavo Dudamel, c'est au tour de l'Orchestre de Paris d'offrir un concert d'une prodigieuse énergie, sous la direction spectaculaire de Kristjan Järvi. Avec une pléiade d'invités prestigieux, voilà une soirée populaire qui rend justice à un répertoire latino-américain encore trop méconnu dans nos contrées.
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Cela fait plaisir d'entendre l'Orchestre de Paris jouer ainsi ! Il faut dire que les œuvres au programme laissaient planer un fort parfum de liesse annonciatrice : Ginastera, Piazzola et la somptueuse Noche de los Mayas de Revueltas, c'était la promesse de rythmes chaloupés, de déhanchements barbares et d'un voyage en Amérique latine, de l'Argentine au Mexique. Surprise de taille, l'Orchestre de Paris, formation sérieuse s'il en est, attrape à bras-le-corps ce répertoire et le transfigure avec une précision et une puissance rarement entendues.
La soirée commence dans un Théâtre du Châtelet archicomble avec les quatre danses euphorisantes du ballet Estancia d'Alberto Ginastera. Sur l'estrade, Kristjan Järvi en fait, il faut bien avouer, des tonnes : il danse sur l'estrade, se retourne pour faire une œillade à la fin de la première danse, si bien que le public applaudira tout au long du concert à la fin de chaque mouvement.
L'exercice a ses limites avec la deuxième pièce au programme, la Suite pour guitare à sept cordes du compositeur brésilien Mauricio Carrilho. Cette soupe néo-classique, qui ferait passer Michel Legrand pour du Bruckner, est populaire, mais dans la mauvaise acception du terme : tout le monde peut en effet l’écouter sans que personne puisse jamais s'y investir.
On ne remettra pas en cause la virtuosité du soliste, le guitariste star Yamandu Costa, allures de diva, longue écharpe sur l'épaule, mais la bonhomie affichée par les musiciens et le chef paraît soudain sonner artificiellement creux. Les réserves s'éloignent dès le bis proposé par Costa, qui livre une ébouriffante prestation solo, témoignant d'une virtuosité et d'un sens du show absolument renversants.
D'un fond rouge, la scène du Châtelet passe au noir, idéal pour les couleurs tango du Concerto pour bandonéon d'Astor Piazzolla. Son soliste, Richard Galliano, a bien connu l'immense compositeur argentin, et son bandonéon, qui semble expirer entre ses bras, délivre une interprétation à la fois tragique et enfiévrée de cette œuvre où éclate le talent d'orchestrateur, le génie de la forme et la grande variété d'humeurs de Piazzolla.
Les cordes de l'Orchestre de Paris impressionnent par leur densité et leur sensibilité. Signe d'une soirée généreuse, deux bis offerts par l'accordéoniste français, le premier seul, le second rejoint par Yamandu Costa pour un bœuf jazz, dans une ambiance résolument débridée.
Feu d'artifice enfin, et preuve de la richesse inouïe du répertoire sud-américain : la Noche de los Mayas du Mexicain Silvestre Revueltas. Il n'y a bien qu’Amériques de Varèse et le Sacre du printemps de Stravinski qui puissent se comparer à ce déluge de rythmes qui nécessite en fond de scène une rangée entière de quatorze percussionnistes.
Kristjan Järvi est passé maître dans cette pièce où il allie sauvagerie et précision. Cette nuit des mayas, qui était à l'origine la musique d'un film, boucle ce qui constitue peut-être le concert le plus enthousiasmant et le plus mémorablement populaire qu'ait donné l'Orchestre de Paris depuis longtemps !
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Théatre du Châtelet, Paris Le 27/10/2009 Laurent VILAREM |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Kristjan Järvi au Théâtre du Châtelet, Paris. | Alberto Ginastera (1916-1983)
Estancia, danses du ballet
Mauricio Carrilho (*1957)
Suite pour guitare à sept cordes
Yamandu Costa, guitare
Astor Piazzolla (1921-1992)
Aconcagua, concerto pour bandonéon et orchestres de cordes et percussions
Richard Galliano, bandonéon
Silvestre Revueltas (1889-1940)
La Noche de los Mayas
Orchestre de Paris
direction: Kristjan Järvi | |
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