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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Huitième symphonie de Mahler par l’Orchestre du Mariinski sous la direction de Valery Gergiev à la salle Pleyel, Paris.

Mahler décanté
© Marco Borggreve

Interprétation contrastée de la monumentale Huitième de Mahler par les forces du Théâtre Mariinski en préambule à l’année Mahler : c’est ce qu’offre la salle Pleyel dans une version qui n’emplit pas l’espace sonore mais offre quelques instants de pure joie vocale et la démonstration du talent de Valery Gergiev à transcender ses forces chaque soir.
 

Salle Pleyel, Paris
Le 08/09/2010
Pierre FLINOIS
 



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    Si l’Orchestre national et Daniele Gatti ont étendu leur hommage chronologique sur trois ans, Pleyel, qui entendra aussi, entre autres, les interprétations de la Neuvième Symphonie par Gustavo Dudamel et Claudio Abbado, programme sur la saison qui commence sa propre intégrale des symphonies sous la baguette de Valery Gergiev, avec son Orchestre du Mariinski – et le London Symphony pour trois derniers concerts.

    Le chef ossète ouvre le bal, en tournée européenne (après Rotterdam et Bâle), avec la fameuse Huitième, la Symphonie des mille, la plus rarement jouée, car la plus difficile à monter, elle qui demande un effectif considérable et appelle l’exception.

    Premier constat, simplement numérique, avec quatre-vingts choristes, et son chœur d’enfants, avec un grand orchestre de cent onze musiciens, Gergiev nous offre une version à guère plus de deux cents, qui sera donc paradoxalement une version parfois intimiste par rapport à ce que la mémoire a gardé de très grandes interprétations – Bernstein, Solti, gigantesques pour se limiter au seul plan sonore.

    Surprise donc, aux premières mesures du Veni creator, le son n’est pas plein, ne remplit pas, malgré sa force, le volume de Pleyel comme on l’attend. On aura très vite, passé le premier tutti, comme une décantation, une retenue, où l’orchestre utilise ses couleurs un peu aigres pour un jeu inusité des densités.

    Mais il faut bientôt déchanter : dans cette énergie que porte Gergiev, et qu’impose ce délirant premier mouvement si délicat à équilibrer, la phalange et les chœurs, noyant des solistes époumonés, ne convainquent pas : impression de masse indistincte, de fragmentation, d’éléments juxtaposés, qui ici place le tissu plus près du Klagende Lied que des derniers feux du compositeur.

    Avec hélas aussi trop d’imprécision globale, trop de décalages perceptibles. Des éclats scintillants, comme la leçon du premier violon, un tutti final exacerbé ne font pas une évidence. C’est que là encore, la mémoire est plus pernicieuse encore, qui ici fait appel à ce danger qu’est le disque, dont la perfection sonore, l’équilibre fabriqué, le jeu des micros qui fouillent la masse jusque dans le détail pour y construire un propos, font souvent une leçon qui est tout ce qu’on n’a pas entendu ici, hors l’énergie et l’ampleur un peu rabotée. Manque d’impact autant que de finesse, d’ajustage à l’acoustique de la salle ? Reflets d’une arrivée dans une salle inconnue sans y répéter vraiment ?

    Tout change avec le rythme plus étale du Final du Second Faust, dont l’orchestre peint aussitôt les abîmes célestes de façon sensible et descriptive. Et l’on va désormais découvrir une belle brochette de solistes, que dominent un Doctor Marianus de haute volée, Serguei Semishkur, un jeune ténor magnifique, autoritaire mais élégant, moelleux dans la vaillance, stable dans l’éclat, et la Pénitente, celle qui fut autrefois Marguerite, Anastasia Kalagina, un soprano au lyrisme séduisant et généreux, qui peu à peu laisse son chant s’émouvoir dans un aigu charnu et plein.

    Mais en fait, c’est une équipe que le Mariinski impose, non des personnalités, qui ne rivaliseraient de toute façon pas avec les plus brillantes des équipes que l’internationalisme peut rassembler à Berlin, à New York, à Londres à l’occasion – voir celle de Gatti le 10 juin prochain. Et en cela c’est toujours admirable.

    Points faibles cependant, la prononciation générale des chœurs, et l’aigu de leurs sopranos, parfois peu séduisant. En revanche, les enfants, joyeuse bande exubérante, hirsute, avec toute la variété et la fraicheur requises, font des instants de délice. Et l’orchestre affiche sa cohérence, sa flexibilité, sa ductilité, sa luxuriance, surtout quand le chef détaille, raffine et porte de magnifiques élans des bois, des cordes, et offre un vrai sommet, tout admirable de suspension des cordes et des harpes, dans l’admirable intermède avec chœur qui décrit l’arrivée de la Mater dolorosa, hypnotisante de délicatesse.

    La montée finale est tout simplement magnifique d’architecture, tout en s’inscrivant toujours dans cette option caractéristique du juste nombre, presque trop retenu. On aurait aimé cependant qu’avec cette notion quasi chambriste, Gergiev atteigne au mystère de l’émotion, que suggèrent si bien le texte et la partition. Ici, en fait, pas une once. Lecture trop objective alors ? Ou simplement démonstrative ? La Huitième a ce soir montré une part de ses beautés, mais gardé son mystère.




    Salle Pleyel, Paris
    Le 08/09/2010
    Pierre FLINOIS

    Huitième symphonie de Mahler par l’Orchestre du Mariinski sous la direction de Valery Gergiev à la salle Pleyel, Paris.
    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 8 en mib majeur « des Mille Â»

    Viktoria Yastrybeva, soprano
    Anastasia Kalagina, soprano
    Lyudmila Dudinova, soprano
    Nadezhda Serdyuk, mezzo
    Zlata Bulycheva, mezzo
    Sergei Semishkur, ténor
    Vladimir Moroz, baryton
    Vadim Kravets, basse

    Chœur du Théâtre Mariinski
    The Choir of Eltham College
    préparation des chœurs : Andreï Petrenko
    Orchestre du Théâtre Mariinski
    direction : Valery Gergiev

     


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