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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Nouvelle production du Barbier de Séville de Rossini dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia et sous la direction de Giuseppe Grazioli à Angers Nantes Opéra.
Le Barbier par l’absurde
Confiée au directeur du Nouveau Théâtre d’Angers, Frédéric Bélier-Garcia, la nouvelle production du Barbier de Séville qui a ouvert la saison d’Angers Nantes Opéra sur le vaste plateau du Grand T n’assume pas toujours les promesses d’une frénésie poussée jusqu’à l’absurde. Malgré un orchestre peu enthousiaste, la distribution honore la virtuosité spirituelle de Rossini.
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« Si l’on aime le paradoxe, on peut dire que l’enjeu dramaturgique majeur et peut-être parfaitement original du Barbier de Séville de Rossini, c’est de n’en avoir aucun. » Dont acte. Cette affirmation de Frédéric Bélier-Garcia, directeur du Nouveau Théâtre d’Angers, auquel Angers Nantes Opéra a confié la mise en scène du spectacle d’ouverture de sa saison 2010-2011, pourrait facilement passer pour une esquive.
Ou pire encore, une pose d’homme de théâtre confronté à une œuvre vidée des « intentions, [des] humeurs politiques et sociales » de sa source, en l’occurrence la pièce homonyme de Beaumarchais, par un librettiste et un musicien d’abord soucieux de séduire le public – ce que ne manque d’ailleurs pas de souligner la suite du même entretien accordé à La lettre du Grand T, lieu d’accueil de l’opéra durant les travaux du Théâtre Graslin.
Mieux vaut pourtant passer outre ces déclarations de non-intentions, et s’arrêter à la promesse d’une « frénésie » – nous citons toujours – poussée jusqu’à l’« absurde ». Malheureusement, la sauce ne prend pas, ou bien plutôt tarde à prendre, pour, le plus souvent, retomber aussitôt. Parce que Frédéric Bélier-Garcia n’exploite pas suffisamment des situations qui ne manquent pourtant ni de pertinence, ni même d’originalité. Ainsi, son Barbier semble d’abord un peu perdu sur le très large plateau du Grand T, qu’il meuble à coup de figurants et d’actions parasites, quelque part entre aujourd’hui et ce XVIIIe siècle de pacotille qui envahit peu à peu la demeure en construction de Bartolo.
Particulièrement ingénieuse est à cet égard la caractérisation de ce barbon dont on oublie trop souvent qu’il est docteur, et donc se doit d’exercer son office, vêtu d’un tablier de boucher maculé du sang de ses victimes… pardon… de ses patients. Là aussi, pourtant, le metteur en scène s’arrête en chemin : A un dottor della mia sorte face à la table d’opération, instruments de torture en main, aurait pu basculer dans un carnage autrement plus désopilant si Bélier-Garcia s’était révélé moins soucieux, peut-être, de ménager les aptitudes scéniques plus ou moins évidentes de ses chanteurs.
Non qu’il ne les dirige pas – une actrice aussi naturelle que Jeannette Fischer, Berta ensommeillée, en a-t-elle simplement besoin, qui paraît ici par trop désœuvrée ? Il n’en est pas moins vrai que le comédien David Migeot confère au rôle muet d’Ambrogio un supplément de fantaisie qui, sans les écraser, accentue le manque de familiarité de certains avec les planches. Les personnages, et partant l’ensemble du spectacle, n’échappent pas à leurs habits de convention, qu’on espérait voir réduits en lambeaux.
La direction de Giuseppe Grazioli n’est sans doute pas non plus tout à fait étrangère à une certaine pesanteur, à moins que l’Orchestre national des Pays de la Loire, qui vibre ici comme en 1940, ne lui rende pas tout à fait justice, d’une pâte insuffisamment allégée, ordinaire et sans ressort – certaines œuvres font ainsi, dans les pupitres du rang, les frais de leur popularité : n’est-ce pas après tout que du Rossini, bouffe de surcroît, en somme une pochade pour voix spirituelles plus que virtuoses ? Ainsi montait-on les Barbiere à la chaîne dans les années cinquante… avant que certaine Renaissance ne remette les pendules de la délicate horlogerie rossinienne à l’heure du clocher de Pesaro.
La montre de Kevin Greenlaw retarde sans doute encore un peu. À défaut de pétiller, le trait ne savonne pas, mais l’émission manque çà et là d’insolence pour convaincre que ce baryton d’un beau métal est naturellement celui de Figaro – et dans cet emploi plus que dans aucun autre, le naturel prime. S’il est un peu irrégulier dans les agilités, qui pourtant, une fois écarté le redoutable Cessa di più resistere, ne sont rien moins qu’insurmontables, le Comte de Philippe Talbot assume – peut-être mieux qu’il ne tient – une quinte aiguë d’une délectable facilité, sans jamais perdre la séduction du timbre.
Vraie couleur et belle extension de contraltino, avec parfois une charmante pointe d’agitation dans le vibrato, Paola Gardina trouve davantage à exprimer les atouts de sa jeunesse en Rosine que dans son travesti de Lucio Silla la saison passée, qui n’en révélait pas moins une colorature maîtrisée, mieux, phrasée.
À l’inverse de Wenwei Zhang, basse jeune, saine, sonore, qui restitue à Basilio un relief vocal que les vétérans qu’on y distribue habituellement tentent de pallier par un répertoire de grimaces plus ou moins inspirées, Franck Leguérinel contrefait avec son habituelle intelligence des mots et de la scène la basse bouffe de Bartolo, et laisse simplement pantois devant la limpide vélocité d’un sillabato que plus d’un Italien pourrait lui envier.
Prochaines représentations :
Le 5 octobre, Le Grand T, Nantes
Les 13, 15 et 17 octobre, Théâtre Le Quai à Angers
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Le Grand T, Nantes Le 28/09/2010 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production du Barbier de Séville de Rossini dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia et sous la direction de Giuseppe Grazioli à Angers Nantes Opéra. | Gioacchino Rossini (1792-1868)
Il Barbiere di Siviglia, opera buffa en deux actes (1816)
Livret de Cesare Sterbini d'après la comédie de Beaumarchais.
Chœur d’Angers Nantes Opéra
Orchestre National des Pays de la Loire
direction : Giuseppe Grazioli
mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia
décors : Jacques Gabel
costumes : Catherine et Sarah Leterrier
Ă©clairages : Robert Venturi
Avec :
Philippe Talbot (Il Conte d'Almaviva), Franck Leguérinel (Bartolo), Paola Gardina (Rosina), Kevin Greenlaw (Figaro), Wenwei Zhang (Basilio), Éric Vrain (Fiorello, un Ufficiale), Jeannette Fischer (Berta), David Migeot (Ambrogio). | |
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