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CRITIQUES DE CONCERTS 17 avril 2024

Intégrale des symphonies de Beethoven par la Philharmonie de Vienne sous la direction de Christian Thielemann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

Les frais de la succession

Fièrement autoproclamé dernier héraut de la grande tradition germanique, Christian Thielemann présentait au public parisien son intégrale à contre-courant des symphonies de Beethoven sur quatre concerts, à la tête des prestigieux Wiener Philharmoniker. Chronique d’un cycle pour le moins inégal, à la tête d’un orchestre qu’on peine à reconnaître.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 28/11/2010
Yannick MILLON
 



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  • Le concert mise en bouche d’il y a juste un an l’avait assez nettement laissĂ© prĂ©sager. On voulait pourtant croire que sur un cycle complet, on parviendrait mieux Ă  dĂ©gager les lignes de force du Beethoven de Christian Thielemann. Mais Ă  l’issue de quatre copieux concerts, et malgrĂ© quelques moments oĂą la mayonnaise a semblĂ© prendre, on cherche toujours en vain une colonne vertĂ©brale dans ce Beethoven entachĂ© de scories.

    On n’attend pas du chef berlinois une relecture, quand bien même d’autres maestros de tradition comme Bernard Haitink ont su réinventer leur Beethoven depuis la révolution Harnoncourt. Le problème est ailleurs, car si Thielemann ne s’enlisait pas, au regard de la tenue architecturale, de la maîtrise intellectuelle, dans la succession d’un Karajan ou d’un Böhm, son approche serait tout aussi valable que les meilleures expérimentations philologiques.

    Admettons donc que Thielemann ne jure que par le tapis de cordes, délaissant littéralement l’harmonie, cantonnée au remplissage. Admettons qu’il parvienne à insuffler par delà les phrasés toujours trop longs du quintette l’énergie rythmique vitale qui est l’élément moteur, la force primaire du langage beethovénien. Admettons encore l’idée d’un vrai rubato au sein de la rectitude classique du Maître de Bonn.

    Seulement, pour commencer, le principe même du rubato nécessite que le temps dérobé soit restitué à un moment ou à un autre. Or, après un départ de belle énergie et un excellent tempo au début de l’Héroïque, le chef allemand se noie dans des appuis de plus en plus lourds et une totale perte de contrôle de son tactus de base pour ne jamais retrouver sa vélocité initiale.

    Et pourquoi, dans la Quatrième Symphonie qui ouvrait le cycle, sans doute le moment le plus critique des quatre soirées, notamment dans deux premiers volets d’une insoutenable torpeur – l’introduction lente initiale, monument de vacuité ; un mouvement lent interminable de répétitions embourbées –, souligner de manière aussi ralentie l’arrivée sur les seconds thèmes ? Exemples parmi tant d’autres.

    ArrĂŞts sur image

    Quand Thielemann s’essaie à la vivacité, il sabote lui-même son travail par d’arbitraires arrêts sur image – l’arrivée symptomatique sur le Finale de la Cinquième, où après une transition au crescendo avorté, il déclame le thème principal dans une largeur brucknérienne, comme une parenthèse hors du temps, avant une ruade dans les brancards qui, en guise d’impression de vitesse, laisse surtout un sentiment de confusion.

    De même, après des épisodes contrapuntiques bien menés, pourquoi diable ruiner l’architecture entière du Finale de l’Héroïque en imprimant une lenteur aussi tétanisante au Poco andante transitoire, dont l’apogée sonne littéralement éléphantesque, après un interminable silence ne répondant à aucune nécessité ?

    De manière gĂ©nĂ©rale, ce Beethoven « hĂ©naurme Â» manque du fondement des grandes interprĂ©tations traditionnelles : la rigueur, notamment dans les transitions oĂą le Kapellmeister semble souvent patauger. Un manquement que pourrait compenser un certain ludisme, voire une dose d’humour – fĂ»t-ce celui, pour le moins pince-sans-rire, d’un Böhm ! – ou une expressivitĂ© bonhomme, ici jamais de mise dans ces lectures hautaines et dĂ©shumanisĂ©es Ă  force de volontĂ© de grandeur.

    Dès lors, en marge de plages d’un ennui caractérisé – la Huitième Symphonie, les développements d’un Adagio très bien débuté dans la Neuvième – ou de réels ratages – le Scherzo de la Neuvième, véritable coquille vide, l’orage poisseux et juste effleuré de la Pastorale, la Quatrième Symphonie dans son ensemble – seuls quelques rares moments demeureront : le premier mouvement de la Cinquième, puissamment articulé, l’Allegretto tragique et sans distension de la Septième et son Finale sans doute par trop apocalyptique mais au moins d’une vraie rage, le Finale au très beau souffle de la Neuvième, par ailleurs porté par des solistes masculins et un Chœur de Radio France en splendeur, et étrangement la plupart des Scherzos, bien vifs, quand leur trio n’est pas prétexte à un ramollissement généralisé.

    Quant au Philharmonique de Vienne, formation internationale que nous suivons le plus, souvent chérie dans ces colonnes, force est de constater qu’il est apparu méconnaissable par sa raideur, sa fragilité, son opacité saturée, et, plus étonnant encore, sa brutalité, alors que, suprême paradoxe, ses timbales n’auront jamais été si calfeutrées.

    Pour un tapis de cordes charnu, typique des orchestres germaniques, il aura fallu se satisfaire de quantité d’imprécisions, chez des premiers violons souvent acides voire approximatifs – Finale de la Quatrième –, et, nettement plus étonnant, chez des vents capricieux d’un bout à l’autre du cycle, entre attaques de cors volontiers à côté et bois mal équilibrés – la flûte en perte de vitesse de Wolfgang Schulz – une Septième pas loin de l’empêtrement –, en mal de justesse de Dieter Flury – introduction de la Quatrième.

    Reste à savoir si les concerts donnés au Musikverein, filmés pour une édition de l’intégrale au DVD, afficheront des Wiener plus fidèles à leur réputation, car on était, cette semaine au TCE, bien loin de l’excellence de la formation de légende qu’on entend chaque été à Salzbourg. Quant à Thielemann, on retournera vite à ses Bruckner, à ses Strauss, compositeurs dont il sert tellement mieux le langage et le style.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 28/11/2010
    Yannick MILLON

    Intégrale des symphonies de Beethoven par la Philharmonie de Vienne sous la direction de Christian Thielemann au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Intégrale des symphonies
    23 novembre :
    Symphonies n° 4 et 5
    24 novembre :
    Symphonies n° 6 et 7
    27 novembre :
    Symphonies n° 1, 2 et 3
    28 novembre :
    Symphonies n° 8 et 9
    Annette Dasch, soprano
    Mihoko Fujimura, mezzo-soprano
    Piotr Beczala, ténor
    Robert Holl, basse
    Chœur de Radio France
    préparation : Matthias Brauer

    Wiener Philharmoniker
    direction : Christian Thielemann

     


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