En écoutant un concert de la qualité de celui que viennent de donner ces artistes qui méritent absolument leur immense réputation, on saisit d’emblée tout ce qui sépare un vrai travail de fond et un talent sans failles de toutes les approximations hasardeuses qui se réclament du mouvement baroque.

Avec une musique aussi pure, sans doute la plus pure qui soit avant Mozart, impossible de truquer. Il ne faut rien de trop ni rien de moins, car tout se joue sur la pointe extrême de la sensibilité et pas une note n’est indifférente. Tout truquage ou toute approche autre que par le cœur de la musique et de l’âme engendre une perte de sens.

Avec Jaroussky comme avec Scholl, que l’on sait aussi capables d’un abattage virtuose pour un autre répertoire, on entre d’emblée dans un univers musical où tout est centré sur l’essentiel, où tout superflu est éliminé. Avec ces voix d’une qualité de timbre et d’une limpidité bouleversantes, la vérité de Purcell se révèle dans toute sa lumière, dans toute sa vérité, avec sa magie si particulière.

D’autant que la partie instrumentale, tenue par les incroyables musicien d’Artaserse, a elle aussi de quoi convaincre les plus réticents de l’intérêt et de l’enrichissement que présente ce type de proposition vocale et instrumentale pour ce répertoire.

Alors, qu’il s’agisse d’airs aussi célèbres que O solitude, Sweeter than roses ou Music for a while, ou de duos ou airs moins connus, on plonge s’emblée dans le rêve de cette musique chargée de toute la culture élisabéthaine, avec sa poésie, ses fantasmes, sa folie si savamment codifiée qu’elle en paraît simple et raisonnable.

La voix plus sombre et plus douce de Scholl, celle plus claire et plus rayonnante de Jaroussky, détaillent solos et duos avec un goût, une exactitude stylistique et surtout une générosité d’âme qui font de ce concert un des moments les plus authentiquement musicaux vécus depuis longtemps à Paris.

Le public acclame, forcément, et quelques bis, tour à tour émouvants ou enjoués, complètent ce deuxième volet de la Carte Blanche donnée à Jaroussky, figure sans conteste majeure de la vie musicale actuelle.