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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Nouvelle production d’Ali Baba d’après Cherubini dans une mise en scène de Markus Bothe et sous la direction de Vincent Monteil à l’Opéra national du Rhin.

Opéra, ouvre-toi !
© Alain Kaiser

Enjeu majeur pour les théâtres d’opéra, et ouverture sur un futur paraît-il incertain : le jeune public. La démarche de l’Opéra du Rhin, qui présente pour les fêtes une version abrégée d’Ali Baba de Cherubini, est à bien des égards exemplaire. Mais les actions pédagogiques ne devraient-elles pas plutôt prendre pour cible les parents ? Preuve par un – mauvais ? – exemple, le mien.
 

Théâtre municipal, Colmar
Le 17/12/2010
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Permettez, puisqu’il est question d’enfance et d’opĂ©ra, que je retire le masque du critique et, renonçant Ă  l’autoritĂ© anonyme et soi-disant modeste du nous, que je vous parle d’abord de moi. Je, donc, suis nĂ©, ai Ă©tĂ© Ă©levĂ© dans le culte de la voix chantĂ©e, plus particulièrement celle de Maria Callas, que dĂ©jĂ  j’écoutais, sans doute, dans le ventre de ma mère. Dès quatre ou cinq ans, je roulais sur ma cuisse, Ă  la stupĂ©faction amusĂ©e de nos visiteurs, la cigarette de Carmen, un torchon autour de la taille, susurrant d’un timbre innocent la plus aguicheuse des Habaneras.

    Puis ma mère m’offrit un ouvrage sobrement intitulé les Grands opéras, dont les titres les plus fameux étaient interprétés par la troupe de l’OPR, l’Opéra des Petits Rats. Je ne le quittai plus, et le consulte encore. Enfin, à l’âge de onze ans, elle m’emmena voir à l’Opéra de Tours une représentation de Turandot de Puccini, qui se métamorphosa bien vite en obsession – mes jouets même furent mis à contribution ; j’étais metteur en scène.

    M’avait-on jamais trainé voir des opéras pour enfants ? Mes parents s’étaient simplement contentés de me transmettre un goût, imperméables à ce précepte, fondé sur une paresseuse antinomie, qui voudrait que l’opéra, lieu des passions humaines hypertrophiées, noyées dans des flots de larmes et de sang, soit trop long, trop fort, trop… tout en somme, pour des enfants – ces mêmes chères têtes blondes qui désormais s’infligent, par l’entremise du virtuel, des violences autrement plus barbares.

    Le constat n’en relève pas moins de La Palice : les enfants d’aujourd’hui sont le public – et les critiques –, sinon les artistes, de demain. Il convient donc de les attirer au théâtre, pour mieux les éduquer – mais ne sont-ce pas d’abord les parents qu’il faut convaincre, à force de pédagogie ?

    Suite au succès d’Aladdin et la lampe merveilleuse de Nino Rota, présenté la saison passée et primé par le Syndicat de la critique, Marc Clémeur, directeur de l’Opéra national du Rhin, a décidé de faire de Colmar, où est basé l’Opéra Studio, un centre de production d’opéras pour enfants. Pour la saison 2010-2011, son choix s’est porté sur un autre conte des Mille et Une Nuits, Ali Baba ou les Quarante Voleurs dans la version pour le moins déroutante d’Eugène Scribe et Anne Honoré Joseph Duveyrier (Mélesville), mise en musique par Luigi Cherubini.

    Si l’ultime tragédie lyrique du vénérable directeur du Conservatoire fit un four à la salle Le Peletier le 22 juillet 1833, elle connut une certaine fortune en Allemagne. Sans doute parut-elle désuète au public qui venait de goûter Guillaume Tell et Robert le Diable. D’autant qu’il n’y a dans l’œuvre, pochade orientalisante ornée des sentiments les plus conventionnels, rien de bien tragique. C’est à n’y rien comprendre d’ailleurs, dès lors que le héros n’est plus le héros éponyme, mais le jeune et pauvre Nadir, amant de sa fille.

    L’arrangement de Pierre Thilloy, qui a réduit la partition à une heure vingt, ne peut certes faire d’une œuvre mineure le petit bijou de fantaisie que l’on espérait, mais l’orchestration la tire avec pertinence vers les cartoons américains des années 1960, dans un esprit très Hanna-Barbera renforcé par la présence d’ondes Martenot. Hormis la présence improbable de l’Inspecteur Clouseau – que les enfants ont légitimement pris pour son homologue Gadget – et d’un crocodile, la mise en scène de Markus Bothe reste en deçà de cette adaptation musicale ingénieuse, avec son décor fonctionnel, mais finalement sans surprise.

    À l’exception d’Eve-Maud Hubeaux, dont le timbre de mezzo semble prêt à développer sa singularité dans des emplois plus exigeants que l’épisodique Morgiane, et de l’Ali Baba en bonne voix du baryton Yuriy Tsiple, les membres de l’Opéra Studio se montrent ici meilleurs acteurs que chanteurs. Ainsi, Hanne Roos, qui réalisait dans Is it Love ?, adaptation à destination du jeune public de l’Enlèvement au sérail de Mozart présentée à l’Opéra de Flandre, une authentique performance, ne trouve pas tout à fait ses marques dans l’écriture de Cherubini.

    Sous la direction de Vincent Monteil, l’Ensemble orchestral du Conservatoire de Strasbourg rĂ©vèle plus d’enthousiasme que de cohĂ©sion, face au travail exemplaire de la MaĂ®trise de l’OpĂ©ra national du Rhin, menĂ© par Philippe Utard. Nul doute que les enfants qui remplissaient le Théâtre municipal de Colmar se soient identifiĂ©s Ă  ces deux fois vingt petits voleurs. Ă€ l’énoncĂ© du fameux SĂ©same, l’un d’entre eux, bousculant les conventions du genre, ne s’est-il pas Ă©criĂ© : « Ouvre-toi Â» ?




    Prochaines représentations :
    Strasbourg, Auditorium de la Cité de la musique et de la danse, du 3 au 7 janvier 2011
    Mulhouse, La Sinne, du 28 au 30 janvier 2011
    Paris, L’Athénée, Théâtre Louis Jouvet, du 27 au 30 avril 2011




    Théâtre municipal, Colmar
    Le 17/12/2010
    Mehdi MAHDAVI

    Nouvelle production d’Ali Baba d’après Cherubini dans une mise en scène de Markus Bothe et sous la direction de Vincent Monteil à l’Opéra national du Rhin.
    Luigi Cherubini (1760-1842)
    Ali Baba ou les Quarante Voleurs, tragédie lyrique en quatre actes avec prologue (1833)
    Livret d’Eugène Scribe et Anne Honoré Joseph Duveyrier (Mélesville)
    Arrangement et orchestration de Pierre Thilloy

    Maîtrise de l’Opéra national du Rhin
    direction : Philippe Utard
    Ensemble orchestral du Conservatoire de Strasbourg
    direction : Vincent Monteil
    mise en scène : Markus Bothe
    décors : Alexandre Corazzola
    costumes : Sabine Blickenstorfer

    Avec :
    Yuriy Tsiple (Ali Baba), Hanne Roos (en alternance avec Émilie Brégeon, Délia), Eve-Maud Hubeaux (Morgiane), John Pumphrey (en alternance avec Mark Van Arsdale, Nadir), Dimitri Pkhaladze (Aboul-Hassan), Jean-Gabriel Saint-Martin (Ours-Khan), Mickaël Guedj (Thamar), Anne Deroo (le crocodile).

     


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