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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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RĂ©cital du pianiste Jorge Luis Prats dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris.
Retrouvailles positives
Remplaçant de dernière minute de Nelson Freire la saison dernière, le pianiste cubain Jorge Luis Prats avait fait sensation sans pour autant séduire totalement en raison d’une certaine brutalité permanente du toucher. Impression beaucoup plus positive pour ce deuxième concert parisien où l’on ne peut qu’admirer un jeu éblouissant à tous égards.
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Peut-être le contexte d’un remplacement au pied levé n’était-il pas aussi favorable que ce récital programmé normalement à l’avance ? Avec un professionnel aussi éprouvé que Jorge Luis Prats, on pourrait en douter, si ce n’est qu’à l’évidence, le comportement scénique du virtuose paraît infiniment plus convivial et décontracté cette fois. Son approche incontestablement magistrale d’un programme lourd et varié a de quoi faire regretter aux absents trop nombreux, et peut-être eux aussi sous l’impression mitigée du précédent concert, d’être restés chez eux.
Passons sur la pièce d’entrée, transcription par Liszt du Prélude et fugue en do mineur de Bach. Les pianistes aiment toujours ce genre de morceau qui nécessite un large déploiement de moyens, mais ce n’est pas là que le génie de Liszt s’exprime le mieux. Cela aura eu du moins le mérite de rappeler que nous entamons bien trop discrètement une année Liszt qui s’annonce semble-t-il bien moins ravageuse que l’année Chopin qui fut aussi, de manière très étouffée, une année Schumann.
Vient ensuite la splendide et très épineuse Sonate n° 28 de Beethoven, terrain de tous les dangers pour qui n’a pas les doigts ni la cervelle adaptés à de pareils chefs-d’œuvre. Avec une facilité digitale déconcertante qui se confirmera tout au long de la soirée, Jorge Luis Prats donne une leçon de sensibilité beethovénienne comme on en reçoit rarement. De la couleur mais avec bien des ombres, du lyrisme, mais jamais loin de l’angoisse, une maîtrise absolue des structures, sur l’ensemble des quatre mouvements et à l’intérieur de chacun d’entre eux.
Si l’on avait pu l’an dernier remarquer voire déplorer une certaine tendance à pratiquer un piano à la russe, plus à la Berman qu’à la Gilels, dans le sens où le clavier prenait parfois trop de coups, rien de tel cette fois, mais au contraire une sensualité qui pour être discrète se fait très sensible, apportant une humanité supplémentaire à la richesse de l’écriture.
Gaspard de la nuit de Ravel termine la première partie du programme, dans un éblouissement absolu, tant pour la qualité du son ravélien que pour l’incroyable ruissellement des notes qui parviennent à rester distinctes les une des autres dans un flot pourtant continu, ponctué des accents et des changements de rythmes superposés qui rendent en particulier Scarbo presque injouable.
La technique, bien sûr, a de quoi couper le souffle, mais encore plus la vision globale du piano selon Ravel dans ces pages qui prennent ici toute leur ampleur visionnaire et poétique. Un très grand moment de piano, qui fait paraître un peu moins exaltants les Goyescas de Granados joués en deuxième partie, univers pourtant très proche de la sensibilité atavique de l’interprète.
Et en premier bis, rien de moins que la Valse de Ravel, retour à cet hommage somptueux au piano orchestral, qui pourrait d’ailleurs lui aussi être dédié à Liszt.
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Salle Pleyel, Paris Le 01/02/2011 GĂ©rard MANNONI |
| RĂ©cital du pianiste Jorge Luis Prats dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Prélude et fugue en do mineur (transcription Liszt)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 28 en la majeur op. 101
Maurice Ravel (1875-1937)
Gaspard de la nuit
Enrique Granados (1867-1916)
Goyescas
Jorge Luis Prats, piano | |
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