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CRITIQUES DE CONCERTS 16 avril 2024

Version de concert d’Ariane et Barbe-Bleue de Dukas sous la direction de Jean Deroyer à la salle Pleyel, Paris.

La délivrance inutile ?
© Pierre Johan Laffitte

Ariane et Barbe-Bleue connaît les faveurs grandissantes de notre époque, et il faut s’en réjouir. Mais ainsi massacrée par le plateau, la déclamation française ne rend justice ni à Maeterlinck, ni à Dukas, ni à cette malheureuse Ariane qui s’évertue à libérer ses sœurs d’infortune. Si le public n’en comprend pas un mot, la Délivrance demeure-t-elle bien utile ?
 

Salle Pleyel, Paris
Le 15/04/2011
Yannick MILLON
 



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  • On regrette de devoir revenir Ă  la charge sur l’une des tares majeures de la pratique musicale de notre Ă©poque, mais l’expĂ©rience vĂ©cue ce vendredi soir salle Pleyel ne fait que confirmer qu’il y a vraiment quelque chose de pourri au royaume de la musique française.

    Car avant d’évoquer l’interprétation d’Ariane et Barbe-Bleue ou la Délivrance inutile de Dukas donnée par les forces de Radio France en version de concert, on aimerait rappeler qu’un opéra sur un livret aussi travaillé que celui de Maeterlinck, dans la mise en musique si attentive à la déclamation de Dukas, nécessite comme condition sine qua non qu’on en saisisse le mot à mot.

    Or, l’absence de surtitrage met de nouveau cruellement en lumière un naufrage récurrent en terme d’intelligibilité du français, et il est presque ridicule de voir la salle entière, dans la pénombre, pliée en deux, essayant de lire le livret fourni dans le programme, tourner les pages dans une communion de bruit de papier froissé.

    Car hormis les moments, fort rares, où les voix sont à découvert, on ne distingue pas un traître mot de ce qui se dit sur scène. On pourra accuser la grandeur de la salle, le fait que l’orchestre n’est pas en fosse, que la facture instrumentale a évolué depuis Dukas, voire que l’écriture est parfois maladroite dans son cantonnement de la ligne vocale dans l’aigu : le fond du problème est ailleurs, et jusqu’au début des années 1970, on comprenait le texte dans Ariane et Barbe-Bleue comme dans n’importe quel autre opéra français.

    La situation est d’autant plus incompréhensible que la France, pays de haute tradition littéraire, est sans doute la seule nation de culture savante occidentale à laisser aussi allègrement massacrer son propre patrimoine. On n’imagine pas un instant un théâtre anglais, allemand, tchèque, hongrois, ou encore espagnol sacrifier pareillement son répertoire. À moins qu’il ne s’agisse de la fameuse exception culturelle française !

    Et le problème ne vient pas seulement de l’internationalisation des distributions, mais bel et bien d’émission vocale, car notre compatriote Delphine Haidan, dont la voix rêche et décharnée reste constamment en deçà des exigences du rôle de la Nourrice, compte parmi les moins intelligibles. Encore que la Sélysette d’Andrea Hill, qui ne maîtrise en rien les fondamentaux des voyelles et sombre volontiers dans un sabir inconnu, s’avère vite une dauphine de choix.

    Par chance, c’est sans doute l’Ariane de la Suédoise Katarina Karnéus, appelée à remplacer Jennifer Wilson souffrante, qui s’en tire le moins mal. En termes de typologie, cette voix qui chante les grands mezzos un peu partout mais pourrait sans doute aborder Salomé offre d’ailleurs une magnifique solution à la vocalité meurtrière du rôle-titre, où les vraies voix centrales peinent dans l’aigu, et où les sopranos dramatiques manquent de modulation de la ligne pour pleinement convaincre au niveau expressif. Une remarquable musicienne en tout cas.

    Pour se persuader toutefois que la délivrance de cette Ariane était utile, on se consolera en attestant que l’Orchestre philharmonique de Radio France n’a jamais donné un tel sentiment d’évidence et d’éblouissement que dans cette partition foisonnante, riche d’éclats scintillants, fort d’une discipline, d’une souplesse, d’une franchise des couleurs – les divins bassons français, la netteté des trombones, la houle maîtrisée de la percussion, des cordes chauffées à blanc – absolument idéales dans un ouvrage aussi luxuriant, tenant au moins autant de Ravel et même de Richard Strauss que de la tradition debussyste.

    Un vrai moment de gloire orchestrale qu’a su préparer amoureusement le jeune chef Jean Deroyer, véritable passionné que la pratique de la musique contemporaine a préservé de toute surcharge et tout sentimentalisme facile au profit d’une lecture incandescente, vive, en contrastes fulgurants, capable à la fois de soulever des montagnes et de faire murmurer au Philhar’ la résignation finale d’Ariane avec la plus belle intériorité.




    Salle Pleyel, Paris
    Le 15/04/2011
    Yannick MILLON

    Version de concert d’Ariane et Barbe-Bleue de Dukas sous la direction de Jean Deroyer à la salle Pleyel, Paris.
    Paul Dukas (1865-1935)
    Ariane et Barbe-Bleue ou la DĂ©livrance inutile, conte musical en trois actes (1907)
    Livret de Maurice Maeterlinck

    Katarina Karnéus (Ariane)
    Delphine Haidan (La Nourrice)
    Andrea Hill (SĂ©lysette)
    Emmanuelle de Negri (MĂ©lisande)
    Nicolas Cavallier (Barbe-Bleue)
    Claude Margely (Bellangère)
    Karen Harnay (Ygraine)
    Mark Pancek (Premier Paysan)
    Mathieu Cabanès (Deuxième Paysan)
    Philippe Eyquem (Troisième Paysan)

    Chœur de Radio France
    préparation : Sébastien Boin
    Orchestre philharmonique de Radio France
    direction : Jean Deroyer

     


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