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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 octobre 2024 |
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RĂ©cital du pianiste Rafał Blechacz dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris.
Piano vivant
Valeur dĂ©jĂ très affirmĂ©e dans la jeune gĂ©nĂ©ration sur le grand circuit international, Prix Chopin de Varsovie Ă vingt ans, Rafał Blechacz est toujours en pleine Ă©volution. Ce rĂ©cital confirme que c’est une personnalitĂ© forte et attachante qui s’épanouit d’annĂ©e en annĂ©e. Du piano plein de vie et pas seulement virtuose. Passionnant.
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Les concerts organisés par André Furno tiennent depuis plusieurs décennies une place primordiale dans notre vie musicale. Outre la qualité globale des interprètes invités, les fidélités qui se sont dès l’origine créées entre l’organisateur et ceux qui étaient le plus souvent ses découvertes nous a permis de suivre la naissance et l’évolution de bien des carrières de chefs, de pianistes et d’autres instrumentistes parmi les plus grands de l’époque.
Aussi, chaque fois qu’un nouveau nom apparaît dans la programmation de Piano****, sait-on que quasiment à coup sûr, une nouvelle aventure commence, une nouvelle histoire entre un artiste et nous. Cette histoire peut avoir au fil des années des hauts et des bas, avec de manière générale beaucoup plus de hauts que de bas, mais elle a toujours un côté passionnant qui peut tourner d’ailleurs à l’affectif.
Rafał Blechacz, qui a aujourd’hui vingt-six ans, avait forcĂ©ment sa place dans la nouvelle vague qui remplace peu Ă peu les plus anciennes gloires aujourd’hui disparues ou devenues trop rares. Le nouveau rĂ©cital qu’il vient de donner confirme toutes les qualitĂ©s qui lui avaient valu son prix Chopin Ă Varsovie, rĂ©vèle aussi quelques fragilitĂ©s qui subsistent encore.
Contrairement à tant de ses contemporains venus de l’Est, Blechacz n’est pas un pianiste de la force. C’est un pianiste de l’intuition et de la sensibilité. La technique est évidemment somptueuse comme c’est depuis longtemps la règle pour tous ceux qui veulent tenter la carrière internationale, mais elle plus orientée vers la recherche de couleurs, vers la fluidité, vers la subtilité des changements de climats que vers les feux d’artifice des grands monstres sacrés actuels du clavier.
Remarquons au passage qu’à quelques exceptions près, c’est assez la marque des invités de Piano****. Musique avant tout. Pour Blechacz, cela est sensible dès le deuxième numéro du programme, à avoir l’Isle joyeuse de Debussy. Foisonnement de teintes moirées, d’allègres scintillements donnant toute sa valeur à cette sublime écriture pianistique. On admire ce rapport tellement intelligent et sensible avec le clavier.
C’est d’ailleurs pour cela qu’avec les Neuf variations sur Lison dormait de Mozart qui avaient précédé, on était un peu resté sur sa faim. Il ne s’agit certes pas du chef-d’œuvre absolu de Mozart, mais on sait que chez ce compositeur totalement unique et génial, il n’y a jamais une note indifférente. Reconnaissons, puisqu’il a été question de fragilité, que Blechacz n’a pas trouvé là toutes les clés pouvant sortir de ces pages ce qu’elles ont de moins évident. Cela viendra.
Et cela est venu, en fait, toujours en première partie, avec la Sonate en ut mineur op. 8 de Szymanowski, compositeur qui est chez nous quelque peu sorti de l’ombre grâce à la récente production de son Roi Roger à l’Opéra de Paris. D’une écriture pianistique ample, riche, déjà bien tournée vers le XXe siècle naissant, elle a néanmoins besoin d’être défendue, n’égalant pas les sonates de Chopin auxquelles on la compare souvent, sans être pour autant un sous-produit musical comme on ledit parfois aussi.
Le talent de Blechacz consiste justement à avoir trouvé ce qui pouvait rendre le mieux justice à cette musique inspirée et savante, grâce notamment à un toucher miraculeux, toujours moelleux et chatoyant.
La deuxième partie était consacrée à Chopin, avec les Ballades n° 1 et 2, deux polonaises parmi les moins jouées (ut# mineur et mib mineur op. 26) mais du plus grand intérêt quand elles sont abordées avec cette fraîcheur d’esprit, cet enthousiasme, cette sincérité profonde, et quatre mazurkas.
Ce ne sont pas ces dernières qui fascinent le plus, manquant un peu d’imagination dans le choix des tempi, des accents. En revanche, les deux ballades sont traitées dans l’esprit romantique le plus typique de Chopin, alliance de révolte intérieur, de sensibilité à fleur de peau, de tourment profond et de bouillonnements irrésistibles qui alternent avec de vaines accalmies.
Du piano personnel, en mouvance permanente et un artiste dont on sent qu’il a encore bien des aspects de sa personnalité à nous révéler.
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Salle Pleyel, Paris Le 07/06/2011 GĂ©rard MANNONI |
| RĂ©cital du pianiste Rafał Blechacz dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Variations pour piano en ut majeur KV 264
Claude Debussy (1862-1918)
L’Isle joyeuse
Karol Szymanowski (1882-1937)
Sonate pour piano n° 1 en ut mineur op. 8
Frédéric Chopin (1810-1849)
Ballade n° 1 en sol mineur op. 23
Deux Polonaises op. 26
Quatre Mazurkas op. 41
Ballade n° 2 en fa mineur op. 38
Rafał Blechacz, piano | |
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