|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
|
Version de concert des Arts Florissants et des Plaisirs de Versailles de Marc-Antoine Charpentier sous la direction de Patrick Cohën-Akenine dans le cadre du Midsummer Festival.
Pépins irréguliers
Deuxième édition du Midsummer Festival, passerelle musicale jetée sur la Manche aux portes du Château d’Hardelot, cette étrange folie néo-tudor bâtie sur les ruines d’une forteresse du XIIIe siècle. À l’heure françoise, comme il se doit, Patrick Cohën-Akenine et son ensemble présentait deux opéras miniatures de Charpentier avec les jeunes pousses de la Pépinière des Voix.
|
|
Lutte des classes
Petits bonheurs au purgatoire
Folle Ă©quipe
[ Tous les concerts ]
|
Sur le modèle du Jardin des Voix de William Christie, dont elle fut l’égérie dans les années 1980, et avec la bénédiction du pape de la musique baroque française, Agnès Mellon a créé sa Pépinière en 2008. Formation préprofessionnelle destinée aux jeunes chanteurs, elle connaît cette année un premier aboutissement en s’associant aux Folies Françoises de Patrick Cohën-Akenine et à la chorégraphe Natalie van Parys pour la production scénique de deux petits opéras de Marc-Antoine Charpentier, les Arts florissants et les Plaisirs de Versailles.
Passage de relais en somme, puisque dans l’un des enregistrements fondateurs de l’ensemble qui porte depuis maintenant plus de trente ans le nom de la première, Agnès Mellon tenait le rôle de la Musique. Génération pionnière, pour ainsi dire spontanée, qui transmet son savoir à ceux qui désirent s’engouffrer dans une brèche d’autant moins expérimentale aujourd’hui qu’elle est quasiment devenue un passage obligé pour les talents en devenir.
Ici huit graines de chanteurs, aux mérites hétéroclites. Pour filer perfidement la métaphore, nous dirions que cette Pépinière des Voix compte une jolie fleur, quelques pousses prometteuses, mais aussi des mauvaises herbes. À entendre des instruments sans tenue ni charme, parfois même à peine éclos, il n’est pas défendu de s’interroger sur la qualité de l’enseignement de la technique vocale dans nos augustes conservatoires, sans pour autant généraliser… Mais là n’est pas notre sujet, et revenons à Charpentier.
Idyle en musique allégorique, dont l’action ne déroge à la Paix des Arts qu’à l’irruption de la Discorde et des Furies, rapidement renvoyées « dans le fond de l’Enfer », les Arts Florissants ont été composés pour l’ensemble d’instrumentistes et de chanteurs de Marie de Lorraine. Sans doute y faut-il, pour soutenir absolument l’intérêt, marquer une forme de préciosité laudative par une déclamation à la grâce emphatique et une fantaisie ornementale à la limite de la surcharge, peut-être, dont la pratique exaltée de la gestuelle baroque serait le prolongement naturel autant que nécessaire.
Le théâtre élisabéthain éphémère du Midsummer Festival, cette Tour Vagabonde à l’exiguïté singulière, et partant redoutable par la proximité entre les artistes et le public, ne pouvait malheureusement contenir la mise en scène de Natalie van Parys, tout au plus une mise en espace. De quoi déstabiliser de jeunes interprètes qui ont œuvré, en un temps record, à allier le geste au chant. Privés de repères corporels, le souffle, le son se cherchent. À peine si l’on remarque, au milieu des Arts, la Peinture de François Pagot, parce que son contre-ténor agréablement timbré siérait davantage à Purcell et Haendel qu’à cette partie de haute-contre, de ténor aigu donc.
Plus encore que Julien Clément, Discorde au verbe tranchant mais au chant débraillé, c’est la Paix d’Adèle Carlier qui attire l’attention, soprano à la rondeur artificielle certes, mais à la couleur lumineuse, dont le style et le tempérament s’épanouissent davantage encore dans les Plaisirs de Versailles, où lui revient d’évidence le rôle de la Musique. L’œuvre elle-même, qui met en scène la querelle entre cette dernière et la Conversation, est plus enjouée, voire comique, et se satisfait d’une malicieuse jactance. « Babillarde divinité », Emmanuelle Campana y épanche, voix aride et poses convenues, un sympathique désir de chocolat.
Si, dans l’ensemble, le travail sur le texte, le style est patent, il n’est pas certain que l’association de ces pépins – pour reprendre le terme, non sans équivoque malgré les guillemets, employé par Patrick Cohën-Akenine dans sa note d’intention – avec l’élite chambriste des Folies Françoises soit des plus fécondes. C’est creuser d’emblée un fossé trop profond entre des voix incertaines, en devenir, et des instrumentistes au faîte de leur virtuosité et de leur pouvoir d’évocation, soutien infaillible bien sûr, mais trop lumineux pour ne pas laisser la Pépinière dans l’ombre.
| | |
|
Château d'Hardelot, Condette Le 13/06/2011 Mehdi MAHDAVI |
| Version de concert des Arts Florissants et des Plaisirs de Versailles de Marc-Antoine Charpentier sous la direction de Patrick Cohën-Akenine dans le cadre du Midsummer Festival. | Marc-Antoine Charpentier (1643-1704)
Les Arts Florissants, H.487 (1685)
Emmanuelle Campana (la Poésie)
Adèle Carlier (la Paix)
Élodie Calloud (la Musique)
Elena Rakova (l’Architecture)
François Pagot (la Peinture)
Julien Clément (la Discorde)
Les Plaisirs de Versailles, H.480 (1682)
Emmanuelle Campana (la Conversation)
Adèle Carlier (la Musique)
Christian Ploix (le Jeu)Jean Ballereau (Comus)
La Pépinière des Voix
préparation des chanteurs : Agnès Mellon
Les Folies Françoises
direction : Patrick Cohën-Akenine | |
| |
| | |
|