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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Gianandrea Noseda, avec la participation de la violoniste Viktoria Mullova à la salle Pleyel, Paris.
Déferlement et intériorité
Sous la direction de Gianandrea Noseda, l’Orchestre de Paris a fastueusement conclu sa saison dans un déferlement d’images sonores. Un programme slave, où Borodine et Prokofiev contrastaient avec le Concerto de Sibelius par Viktoria Mullova, l’une des grandes violonistes actuelles qui a choisi de faire rimer expressivité avec intériorité.
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Déferlement de sonorités sous la battue énergique de Gianandrea Noseda. Ce jeune chef italien, dont la notoriété grandissante accompagne la brillante carrière internationale, n’a pas hésité à entraîner l’Orchestre de Paris et son chœur au paroxysme de leurs forces.
L’interprétation martiale du Prince Igor de Borodine, donné dans sa version avec chœur, permet d’entrée aux cuivres d’étinceler, aux voix de donner toute leur puissance. Foin de la légèreté pastorale que vantait le programme. Quant aux célèbres et populaires Danses polovtsiennes du même Borodine et du même opéra qui succèdent à cette prise de pouvoir, elles témoignent de la même vaillance.
C’est bien le terrible Khan Kontchak qu’elles glorifient, sans trop se soucier de danses glissées de jeunes filles » ou de « murmure dans la mer », puisque grâce à l’excellente initiative des surtitres, chacun peut suivre le texte chanté.
De plus en plus rapides, dirigées à bras le corps de tout son corps dans une griserie sans place pour la moindre finesse, elles soulèvent un public physiquement subjugué et quelque peu assourdi, indifférent aux légers décalages entre le chœur et les bois virtuoses notamment – décalages sans doute favorisés par l’éloignement entre chœur et orchestre dans la nouvelle configuration de Pleyel.
Contraste ô combien sensible quand Viktoria Mullova, grande, droite, belle, immobile dans sa tunique blanche, prend son archet pour le Concerto pour violon de Sibelius. Plénitude d’un chant naturellement habité. Profondeur et légèreté d’un jeu aux accents chambristes. L’expressivité y rime avec intériorité.
Noseda s’adapte, respecte les monologues d’une œuvre où soliste et orchestre se succèdent plus qu’ils ne dialoguent, veillant à ne pas couvrir celui-là quand il se fond dans l’orchestre. Peut-être peut-on regretter alors que la violoniste cultive sa sagesse, nous demandant de tendre l’oreille pour mieux l’écouter servir en demi-teintes plus pudiquement tourmentées que fiévreuses l’une des plus troublantes et originales partitions qui soient du catalogue concertant pour violon.
Nous retrouvons après l’entracte les éclats de Prokofiev dans sa cantate Alexandre Nevski, à l’idéologie ô combien combative. Noseda s’enthousiasme à souligner les excès d’une musique aussi tumultueuse qu’efficace, les images du film d’Eisenstein en filigrane derrière ses effets conquérants. On se laisse envahir par l’exaltation générale, seule alternative pour ne pas succomber aux fortissimi tonitruants.
Rudesse et lourdeur de l’ampleur orchestrale et du chœur tonitruant, plutôt confus, où se perdent les voix de femmes, mais virtuosité des pupitres tous à l’honneur, ensemble ou séparément, communiquent leur frénésie contagieuse après une pause magique.
Elena Zhidkova s’était levée devant cet orchestre impressionnant, elle aussi très droite, fine, ravissante, et sa voix étonnamment chaude nous avait aussitôt transportés en Russie. Ce timbre unique des chanteuses russes, ses couleurs, la perfection du phrasé, de la respiration, la mezzo nous en a sobrement bouleversés Sur le champ des morts.
La course ensuite pouvait reprendre pour l’Entrée triomphale d’Alexandre Nevski dans Pskov et susciter les acclamations de la foule ; et du public à ce concert qui concluait fastueusement la saison de l’Orchestre de Paris.
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Salle Pleyel, Paris Le 30/06/2011 Claude HELLEU |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Gianandrea Noseda, avec la participation de la violoniste Viktoria Mullova à la salle Pleyel, Paris. | Alexandre Borodine (1833-1887)
Le Prince Igor, ouverture
Danses polovtsiennes
Jean Sibelius (1865-1957)
Concerto pour violon en ré mineur op. 47
Viktoria Mullova, violon
Serge Prokofiev (1891-1953)
Alexandre Nevski, cantate op. 78
Elena Zhidkova, mezzo-soprano
Chœur de l’Orchestre de Paris
préparation : Simon Phipps
Orchestre de Paris
direction : Gianandrea Noseda | |
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