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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Traviata de Verdi dans une mise en scène de Jean-François Sivadier et sous la direction de Louis Langrée au festival d’Aix-en-Provence 2011.
Aix 2011 (2) :
Le rĂŞve de Natalie
La première Traviata européenne de Natalie Dessay se devait d’être l’événement du festival d’Aix 2011. Une soirée d’opéra comme il en est peu, portée par le rêve de la soprano française devenu réalité dans la mise en scène, ou plutôt la mise à nu, de Jean-François Sivadier, et sous la direction épurée, inspirée de Louis Langrée.
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence
Le 12/07/2011
Mehdi MAHDAVI
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Antoine, s’adressant aux choristes : « Si vous allez voir la Traviata, vous préférez voir des beaux costumes et des gros canapés ou sentir que les gens qui travaillent sur le plateau ont eu du temps pour apprendre à être ensemble. »
Cette citation d’Italienne scène et Orchestre de Jean-François Sivadier comme une note d’intention de sa mise en scène de l’opéra de Verdi. La première Violetta européenne de Natalie Dessay aurait-elle d’ailleurs survécu aux beaux costumes et aux gros canapés ?
Plus loin, Antoine toujours : « C’est la voix le vrai sujet du spectacle […] c’est ÇA qu’il faut mettre en scène, le combat de la voix la grimace nécessaire à la note. » Comme une prémonition du combat que livre Natalie Dessay contre sa voix, la nature de sa voix, pour se prouver qu’elle a les moyens de nature dramatique.
Dès lors, la soprano française est Violetta, non pas une Violetta de rêve, pour le disque, mais une Violetta rêvée, par la rencontre de deux désirs sur le plateau du Théâtre de l’Archevêché, le sien et celui de Jean-François. Pour ne faire plus qu’un.
Désir d’une Traviata possible, comme l’était sur la même scène celle de Mireille Delunsch et Peter Mussbach, au Palais Garnier celle de Christine Schäfer et Christoph Marthaler. Au même degré de bouleversant iconoclasme, mais avec ici ce supplément de nudité, qui rend son souvenir à la fois si diffus et profond. C’est un théâtre en train de se faire, une scénographie qui n’est qu’une aire de jeu, et des accessoires qui ne valent que pour ce qu’ils sont, dans le plus simple appareil, à peine une évocation.
C’est un écrin à l’identification totale d’une interprète, confondue avec son personnage, comme jamais peut-être elle ne l’a été. Violetta la courtisane, qui a brûlé sa vie par les deux bouts, et qui aspire à la rédemption par l’amour véritable, unique. Natalie la colorature, qui a brûlé sa voix par le haut, et qui aspire à la rédemption par la tragédie, les destins brisés, loin de la stratosphère, de la facilité, dans l’effort.
Ce rôle dont elle n’a pas la densité, les couleurs donc, Dessay le chante infiniment mieux que ses récentes Cléopâtre et Mélisande. Parce qu’elle le vit. Et parce que Jean-François Sivadier la guide enfin hors de ce personnage immuable dans lequel, peut-être, Laurent Pelly l’a enfermé.
Le feu follet recouvre sa fragilité, et paradoxe, une forme de légèreté, dans cet emploi qui pourtant pèse, et de toute une légende, de tous les mythes qui l’y ont précédé. Parce que ce n’est qu’un rêve, ou un cauchemar. Parce que la chanteuse se relève, s’est toujours relevée après la mort de Violetta – à peine si elle tombe d’ailleurs –, que nous allons nous réveiller pour l’acclamer : « Nous allons perdre Violetta au centre d’un vide glacial pour l’observer comme un phénomène » (Antoine encore). Pour la retrouver surtout, dans ce rêve dont ont été bannis les beaux costumes et les gros canapés.
Qu’on ne les cherche pas non plus dans la fosse. Louis Langrée fait ce qu’ont fait avant lui Giulini, Kleiber, Cambreling même, il décape la partition de Verdi de toutes ces traditions qui l’ont alourdies de flonflons trop fameux pour être honnêtes. Lui aussi la met à nu, et avec un London Symphony Orchestra qui presque s’efface, impeccablement flegmatique – ce qui n’est pas neutre.
Il le fallait certes, pour que s’y reflète le timbre transparent de Natalie Dessay. Mais à ce point de ténuité sensible, théâtrale, non musique pure. Car dans cette recherche, le chef français ne va jamais contre le mouvement naturel du drame. Bien au contraire, il le retrouve.
Le reste pourrait n’être qu’accessoire. Mais chaque silhouette, chaque voix vont dans le même sens, simplement parce que « les gens qui travaillent sur le plateau ont du temps pour apprendre à être ensemble. » Ludovic Tézier un peu moins sans doute, qui emmitoufle Germont père dans un gros canapé de velours, legato splendide, timbre de bronze.
Mais Charles Castronovo est l’Alfredo qu’il fallait à Dessay, engagé, infiniment beau et soigné de ligne, de l’éclat assombri des regrets. Seulement, nous n’avions d’yeux et d’oreilles que pour Violetta-Natalie, confondues dans un rêve commun.
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence Le 12/07/2011 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de la Traviata de Verdi dans une mise en scène de Jean-François Sivadier et sous la direction de Louis Langrée au festival d’Aix-en-Provence 2011. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata, opéra en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piava d’après la Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils.
Estonian Philharmonic Chamber Choir
London Symphony Orchestra
direction : Louis Langrée
mise en scène : Jean-François Sivadier
scénographie : Alexandre de Dardel
costumes : Virginie Gervaise
éclairages : Philippe Berthomé
Avec :
Natalie Dessay (Violetta Valéry), Charles Castronovo (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont), Silvia de La Muela (Flora Bervoix), Adelina Scarabelli (Annina), Manuel Nuñez Camelino (Gastone, visconte de Letorières), Kostas Smoriginas (Barone Douphol), Andrea Mastroni (Marchese d’Obigny), Maurizio Lo Piccolo (Dottor Grenvil), Mati Turi (Giuseppe). | |
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