












|
 |
CRITIQUES DE CONCERTS |
08 février 2025 |
 |
Gabriel Garrido dirige le Couronnement de Poppée au Fesival de Beaune, France.
Le deuxième sacre de Poppée
Gabriel Garrido
Après son Couronnement de Poppée brillantissime à la cité de la musique de Paris puis à Aix, Marc Minkowski a placé si haut le flambeau Monteverdien qu'il semblait hors d'atteinte. Samedi dernier à Beaune, Gabriel Garrido a pourtant relevé le défi. Non sans réussite.
|
 |
L’Or de la tech
Avec ou sans enfant ?
La grâce et le sacrifice
[ Tous les concerts ]
|
Face à la vision d'excellence de Marc Minkowski et de ses Musiciens du Louvre - reprise, ces jours-ci, à Aix-en-Provence - la version de concert que Gabriel Garrido et ses troupes latino-américaines d'Elyma viennent de faire vibrer à Beaune, aura pu paraître moins accomplie sur plus d'un point. D'abord à l'orchestre, généreux, enfiévré même - Garrido comme Minkowski y transgresse les pratiques réductrices des théâtres vénitiens des années 1640 pour les colorer d'un " concert " de cornetti et sacqueboute - mais entaché d'approximations qu'on chercherait en vain chez son rival. Ensuite aux voix, ardentes, spontanées, mais souvent sans apprêts et plus ou moins soucieuses d'une démarche musicologique. À cet égard, ni la Poppée incandescente, mais parfois à la peine dans l'aigu, de Guillemette Laurens, ni le Néron de Flavio Oliver ne peuvent rivaliser en virtuosité vocale avec le tandem Mireille Delunsch-Anne Sofie von Otter, atout magique de la distribution aixoise.
Et pourtant, puisant dans cet apparent handicap des ressources qu'on ne soupçonnait pas, Garrido s'implique à fond dans l'urgence et la tension dramatique jusqu'à surpasser l'engagement de Minkowski. Et c'est ici que le choix d'un Néron masculin se fait avantage déterminant, permettant au jeu théâtral de se déployer dans toute sa vraisemblance (alors que le recours à un travesti est immanquablement générateur de " distanciation " psychologique).
Jugée sous cet angle, la caractérisation atypique que réussit le contre-ténor de Flavio Oliver dans le rôle fait l'événement de la soirée : un Néron amateur de femmes (et pour tout dire, un brin " macho ") qui dessine le personnage d'un trait virulent et tranchant, peu enclin au tendre abandon. En tout cas, cet archétype du Latin lover ouvre des perspectives stimulantes à un emploi le plus souvent dévolu à une interprétation féminine surtout à l'aise dans la mouvance voluptueuse.
À sa suite, les compositions heureuses abondent dans la distribution réunie par le chef argentin, privilégiant toutes le rapport naturel à la langue et la touche d'humanité. Désignons l'Octavie noblement affligée de Gloria Banditelli, jusqu'à la fracture d'un A Dio Roma d'anthologie ; la Drusilla transparente d'innocence d'Emanuela Galli ; la désopilante Arnalte de Martin Oro (par ailleurs toujours respectueux d'une ligne belcantiste) ; la Nourrice d'Alicia Borges qui fait de son aria Il Giorno femminile un formidable " show " dansé, avec la complicité d'un instrumentarium livré au vertige des rythmes ; le Valet virevoltant d'Elena Cecchi Fedi. Et n'oublions pas le Sénèque d'Ivan Garcia, reflet d'une force morale en marche, ni Furio Zanasi, Mario Cecchetti et Philippe Jaroussky, artistes inattaquables dans une guirlande de petits rôles. Cependant que Gabriel Garrido apporte la caution de son savoir-faire, avec cet intime entendement du verbe, du canto, des affetti qu'il ne partage - Savall excepté - avec aucun autre monteverdien de l'heure.
|  | |

|
Cour des Hospices, Beaune Le 22/07/2000 Roger TELLART |
 | Gabriel Garrido dirige le Couronnement de Poppée au Fesival de Beaune, France. | Ensemble Elyma
Studio di Musica Antica Antonio Il Verso
Direction : Gabriel Garrido
Avec Guillemette Laurens (Poppée), Flavio Oliver (Néron), Gloria Banditelli (Octavie), Fabian Schofrin (Othon), Ivan Garcia (Sénèque), Emanuela Galli (Drusilla), Martin Oro (Arnalte), Alicia Borges (la Nourrice), Elena Cecchi Fedi (le Valet), etc. |  |
|  |
|  |  |
|