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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod dans une mise en scène d’Arnaud Bernard et sous la direction de Luciano Acocella à l’Opéra de Marseille.
La malédiction Gounod
Décidément, Gounod joue de malchance ! Après le fiasco retentissant du Faust de l’Opéra de Paris, le Roméo et Juliette qui ouvre la saison 2011-2012 de l’Opéra de Marseille ne convainc guère. Si la production est le point noir du spectacle, une direction d’orchestre peu idiomatique et un plateau inégal déçoivent également.
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Heureusement, la soirée se termine nettement mieux qu’elle n’a commencé, mais ce Roméo et Juliette marquant l’ouverture de la saison marseillaise se révèle d’autant plus frustrant qu’on en attendait beaucoup. Créée à l’Opéra de Lausanne en mars dernier avec un certain succès, cette coproduction avec Marseille et l’Opéra royal de Wallonie consterne d’emblée par la laideur de costumes disparates.
Également signé par Bruno Schwengl, le dispositif scénique minimaliste n’évoque Vérone ni de près ni de loin, sans la rigueur d’une véritable stylisation épurée, mais il est fonctionnel. De son côté, sacrifiant à son péché mignon de batailles inutiles et, surtout, interminables comme pour ses Huguenots par ailleurs estimables, Arnaud Bernard impose une longue bagarre entre les deux clans rivaux en lever de rideau.
Les duels reprennent bruyamment alors que la musique commence. Peu préoccupé d’une direction d’acteurs véritable, laissant le couple vedette livré à sa seule intuition, le metteur en scène semble ne s’être soucié que des joutes opposant partisans des Capulet et des Montaigu, afin de justifier la présence sur le plateau d’un escadron de quatorze escrimeurs, vêtus de blanc, comme les choristes coiffés de chéchias rouges.
Entre les chemises de nuit et les couvre-chefs des uns et des autres, on se croirait plutôt à Alger, malgré les costumes d’inspiration Renaissance des principaux protagonistes. Si l’on apprécie la sobriété décorative de la chambre de Juliette (un lit) et le tombeau final permettant de se concentrer sur l’essentiel, le cérémonial surchargé et pompeux des noces de Juliette avec Pâris est parfaitement inutile sinon ridicule.
Pour sa prise de rôle, il est évident que Patrizia Ciofi n’a pas bénéficié du soutien dramatique et plus encore musical dont elle avait besoin. Alors que sa Manon en Avignon et son Ophélie sur cette même scène avaient ravi, on la sent ici trop souvent peu à l’aise, incertaine, d’autant dans son air d’entrée que dans Je veux vivre. Petit à petit, elle gagne en assurance sans jamais atteindre la plénitude de ses moyens habituels : on ne la retrouve égale à elle-même que par instants, dans certaines phrases élégiaques.
Si la diva italienne cherche encore sa Juliette, c’est aussi parce que Luciano Acocella, qui aborde pour la première fois un ouvrage français, ne trouve pas ses marques dans la partition de Gounod, stylistiquement très différente du répertoire italien où on l’apprécie d’habitude. Lui aussi est hésitant, parfois trop sec, énergique ou rapide et peine à trouver le délicat équilibre exigé par cette musique d’une extrême subtilité.
Grande voix franche et généreuse, beau physique et bon français, le jeune ténor roumain Teodor Ilincai pourrait être un excellent Roméo s’il était plus investi et s’il chantait avec plus d’élégance et de raffinement. Il a tendance à passer en force, voire à claironner alors que, à l’occasion, il est capable de vraies nuances qui ne sont que rarement au rendez-vous.
En dangereuse difficulté dans son air d’entrée où il semble à bout de souffle, Jean-Philippe Lafont est plus à l’aise lors de ses interventions ultérieures, mais le baryton toulousain n’a rien à gagner avec ce Capulet trop débonnaire, père aimant débordé par les événements qu’on lui fait jouer, sans souci de crédibilité.
Eduarda Melo est un charmant Stefano et Isabelle Vernet une Gertrude truculente. On apprécie Mercutio (Pierre Doyen) et Pâris (Frédéric Leroy), Tybalt (Bruno Comparetti) ne déméritant pas. Mais le plus beau chant de la soirée comme le plus idiomatique est celui de Nicolas Testé dont le Frère Laurent magistral domine une soirée totalement déséquilibrée.
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Opéra, Marseille Le 14/10/2011 Monique BARICHELLA |
| Nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod dans une mise en scène d’Arnaud Bernard et sous la direction de Luciano Acocella à l’Opéra de Marseille. | Charles Gounod
Roméo et Juliette, opéra en cinq actes (1867)
Livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après l’œuvre de Shakespeare
Coproduction avec l’Opéra de Lausanne et l’Opéra royal de Wallonie
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Marseille
direction : Bruno Acocella
mise en scène : Arnaud Bernard
décors et costumes : Bruno Schwengl
Ă©clairages : Patrick MĂ©eĂĽs
Avec :
Patrizia Ciofi (Juliette), Eduarda Melo (Stefano), Isabelle Vernet (Gertrude), Teodor Ilincai (Roméo), Jean-Philippe Lafont (Capulet), Pierre Doyen (Mercutio), Nicolas Testé (Frère Laurent), Bruno Comparetti (Tybalt), Cyril Rovery (le Duc), Philippe-Nicolas Martin (Gregorio), Frédéric Leroy (Paris). | |
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