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CRITIQUES DE CONCERTS 05 octobre 2024

Nouvelle production de la Force du destin de Verdi dans une mise en scène de Jean-Claude Auvray et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra de Paris.

Un destin douloureux
© Andrea Messana

Sans être un ratage absolu, cette nouvelle production de La forza del destino de Verdi à l’Opéra de Paris distille un ennui certain, essentiellement par la faute d’une distribution inadéquate, et malgré le très beau travail sur l’orchestre et les chœurs de Philippe Jordan, dans une production soignée de Jean-Claude Auvray.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 14/11/2011
Gérard MANNONI
 



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  • Faut-il absolument monter un ouvrage aussi périlleux que la Force du destin si l’on n’est pas certain d’avoir sous la main la distribution qu’il faut ? C’est la question que beaucoup se posaient à l’issue de ce spectacle très décevant côté vocal.

    Si l’on regarde sur le programme le curriculum vitae des principaux interprètes, c’est une longue liste de grands chefs, de grands théâtres, de grands partenaires et de grands rôles. Comme toujours et partout. Quand on commence à entendre ces mêmes artistes dans cet ouvrage, on se dit que leurs triomphes ont dû avoir lieu dans un tout autre répertoire, ou dans des salles moins hasardeuses que celle de la Bastille.

    Madame Violeta Urmana, par exemple, est sans conteste une des très belles voix actuelles. Cela en fait-il une Léonore ? Non. Ce qui sied à Lady Macbeth, peut-être dans à Brünnhilde ou à Isolde, n’est pas ce qui convient à ce personnage de victime absolue, velléitaire, religieuse, amoureuse passionnée mais contre-héroïne type.

    Les grandes Léonore que nous eûmes à Paris dans la précédente production avaient pour nom Martina Arroyo, Raina Kabaïvanska, Anna Tomowa-Sintow. Pour ne pas parler de celles qui y triomphèrent ailleurs, Montserrat Caballe, Renata Tebaldi, Leontyne Price.

    Des voix capables de douceur, d’aigus tour à tour puissants et veloutés, éthérés, d’un phrasé en souplesse, vivant de modulations. Le timbre clair et vigoureux en permanence de Violeta Urmana n’est pas dans son emploi et rien, scéniquement, ne peut compenser ce manque.

    Seules voix vraiment verdiennes à ses côtés, le Padre Guardiano de Kwangchul Youn et le Fra Melitone de Nicola Alaimo, un rôle en or de toute façon. Mais ni le timbre gris et l’émission étriquée de Zoran Todorovitch (Don Alvaro), ni les couleurs pâlichonnes et l’absence de mordant et d’italianité de Vladimir Stoyanos (Don Carlo) de plus sans la moindre prestance, ne sont à la hauteur de la situation, celle d’une nouvelle grande production très attendue à l’Opéra de Paris.

    On rêve encore des Domingo ou même des Cossutta et autres Capuccilli entendus ici. Tout comme Nadia Krasteva est à des années-lumière de tenir la place qui fut celle d’une Fiorenza Cossotto ou d’une Hanna Schwarz. Alors, faut-il faire avec ce que l’on a ou ne pas faire avec ce que l’on n’a pas ?

    Monter un opéra aussi périlleux que celui-ci n’est pas une obligation, sauf si l’on a la chance de découvrir LA distribution qu’il ne faut surtout pas manquer. Sinon, mieux vaut avoir la sagesse d’attendre. Il est des Verdi mois hasardeux.

    Restent quand même quelques éléments très positifs. Les Chœurs, d’abord, somptueux, donnant une leçon de présence et d’impact verdiens. Une vraie réussite musicale et scénique. L’orchestre aussi, absolument musical, harmonieux, beau à entendre, dans le détail comme dans l’ensemble, peut-être juste un peu trop onctueux dans les grands moments de passion, mais quelle belle formation et quel beau chef que Philippe Jordan !

    Pour la mise en scène, Jean-Claude Auvray a, avec raison, tourné radicalement le dos à tous les gadgets à la mode, cherchant à créer par les décors et l’usage de toiles très mobiles ce climat de drame passionnel et mystique, tumultueux par instants, intérieur et dépouillé à d’autres.

    Les décors d’Alain Chambon sont sobrement beaux, juste assez abstraits, juste assez figuratifs, très bien éclairés par Laurent Castaingt. Les costumes de Maria Chiara Donato sont ce qu’il faut, tantôt colorés et généreux, tantôt épurés. La direction d’acteurs est minimaliste – mais que peut-on faire d’autre ? – tandis que toutes les masses sont travaillées avec efficacité et intelligence.

    Est-ce enfin une bonne idée que de jouer la célèbre ouverture après le premier tableau ? Elle fut certes composée seulement pour la version milanaise, et il s’écoule un laps de temps important dans l’action entre les tableaux un et deux. Cela ne retire rien à l‘œuvre. Cela n’ajoute rien non plus au spectacle. Juste de quoi alimenter les conversations d’entracte.

    De tout cela, même si orchestre et chœurs sont un plaisir pour l’oreille et la sensibilité, même si l’œil trouve aussi dans l’ensemble de quoi se satisfaire, les scènes où l’ennui s’installe sont trop nombreuses pour que l’on ne sorte de la salle en trouvant cela un comble pour un drame aussi violent, mêlant passion charnelle et aspirations spirituelles dans le bouillonnement d’une musique sublime, sans doute l’une des plus bouleversantes et pleine de contrastes de Verdi.

    Amour, vengeance, mort, guerre, prière, mysticisme, tout se mêle ici dans un contexte de conflit politique et historique précis. Seules de vraies voix verdiennes peuvent rendre justice à tant de passion et de fureur.




    Opéra Bastille, Paris
    Le 14/11/2011
    Gérard MANNONI

    Nouvelle production de la Force du destin de Verdi dans une mise en scène de Jean-Claude Auvray et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra de Paris.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    La Forza del destino, melodramma en quatre actes (1862)
    Livret de Francesco Maria Piave

    Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : Philippe Jordan
    mise en scène : Jean-Claude Auvray
    décors : Alain Chambon
    costumes : Maria Chiara Donata
    éclairages : Laurent Castaingt
    préparation des chœurs : Patrick Marie Auber

    Avec :
    Mario Luperi (Il marchese di Calatrava), Violeta Urmana (Donna Leonora), Vladimir Stoyanov (Don Carlo di Vargas), Zoran Todorovitch (Don Alvaro), Nadia Krasteva (Preziosilla), Kwangchul Youn (Padre Guardiano), Nicola Alaimo (Fra Melitone), Nona Javakhidze (Curra), Christophe Fel (un Alcade), Rodolphe Briand (Mastro Trabuco), François Lis (Un Chirurgo).

     


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