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CRITIQUES DE CONCERTS 10 décembre 2024

Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Herbert Blomstedt, avec la participation du pianiste Till Fellner à la salle Pleyel, Paris.

Le talent et la maîtrise

Confrontation de générations pour ce concert Beethoven-Strauss de l’Orchestre de Paris réunissant le chef Herbert Blomstedt proche de ses quatre-vingt-cinq ans et le pianiste Till Fellner, qui aborde la quarantaine. Talent et maîtrise de leur art sont aussi évidents pour l’un que pour l’autre dans les deux extrémités du grand romantisme allemand.
 

Salle Pleyel, Paris
Le 12/01/2012
GĂ©rard MANNONI
 



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  • Moins spectaculaire que le cinquième, moins immĂ©diatement sĂ©duisant que le troisième, le Quatrième Concerto pour piano de Beethoven est peut-ĂŞtre le plus poĂ©tique, le plus discrètement lyrique. Il exige des interprètes une sensibilitĂ© très affinĂ©e et surtout la capacitĂ© de trouver l’exacte mesure d’un langage Ă  la fois nouveau et raisonnable, diffĂ©rente mais lisible dans l’instant.

    Ce type de page romantique est en fait l’expression de tout un contexte fait de croisements multiples entre expériences et impressions subjectives, personnelles, connaissance d’un monde littéraire et culturel ambiant, voire des idées philosophiques ou même politique du temps. Formé à Vienne, élève notamment de Brendel, de Maisenberg, prix Clara Haskil, Till Fellner fut forcément imprégné très tôt des éléments de cette culture. Nous en transmettre les données semble spontané chez lui.

    Jeu clair, toucher solide sans outrances ni violences, sonorité polychrome et toujours très expressive, il entre avec aisance dans le jeu du dialogue très particulier que le piano établit avec l’orchestre dans ce concerto. Plus qu’un dialogue, d’ailleurs, c’est souvent un cheminement où les deux voix se mêlent, avancent ensemble.

    Tout cela est parfaitement beethovénien, musical, intelligent, sensible. Ce n’est pas la plus grande interprétation que l’on ait entendue, mais une approche d’une beauté et d’une vérité qui séduisent, intéressent, touchent la sensibilité et nous font entendre ce que l’on peut imaginer comme la parole même du compositeur. Chef et orchestre sont des partenaires qui ont compris l’enjeu et mettent aussi dans la balance le poids de leur talent et de leur art.

    Le chef, d’ailleurs, va en deuxième partie nous gratifier d’une somptueuse démonstration de direction avec Une vie de héros de Richard Strauss, qu’il dirige sans partition. Cet étonnant poème symphonique autobiographique qui exige une énorme masse orchestrale se déploie à la fois dans toute sa puissance et dans toute sa subtilité.

    L’Orchestre de Paris y est magnifique d’investissement, de qualité sonore, d’homogénéité. Quelle beauté des cuivres, vivement acclamés par le public, mais aussi de la petite harmonie ! Blomstedt sait aussi bien déchaîner les grandes envolées extraverties de la partition que détailler la délicate structure de passages proches d’une écriture de musique de chambre.

    C’est vraiment un vaste moment de splendide musique orchestrale, restituée par un maître qui en connaît tous les secrets et nous les révèle avec générosité. Violon solo de l’Orchestre de Paris, Roland Daugareil assume avec panache la tâche difficile d’évoquer la personnalité de Madame Strauss, dans le célèbre duo violon-orchestre du troisième épisode.

    On sait qu’avec ces splendeurs sonores, Strauss a tenu à maintes reprises à faire cohabiter un regard critique et non dénué d’humour sur lui-même en héros, défi parfaitement réussi même si l’on sait que l’humour est l’une des choses les plus difficiles à faire passer par la musique symphonique non caricaturale.

    L’un de ces beaux concerts donc, équilibrés, équilibrants, qui procurent une sensation de plénitude longue à s’effacer après que l’on ait quitté la salle.




    Salle Pleyel, Paris
    Le 12/01/2012
    GĂ©rard MANNONI

    Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction d’Herbert Blomstedt, avec la participation du pianiste Till Fellner à la salle Pleyel, Paris.
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Concerto pour piano n° 4 en sol majeur op. 58
    Till Fellner, piano
    Richard Strauss (1864-1949)
    Ein Heldenleben op. 40
    Roland Daugareil, violon solo
    Orchestre de Paris
    direction : Herbert Blomstedt

     


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