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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Macbeth de Verdi dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty et sous la direction de Kwamé Ryan à l’Opéra de Bordeaux.
La revanche de Martinoty
Lisa Karen Houben (Lady Macbeth)
À l’automne, à la Bastille, avec une mise en scène pour le moins contestable du Faust de Gounod, Jean-Louis Martinoty s’était engoncé dans l’enchevêtrement des images et des concepts. L’hiver venu, le metteur en scène livre à Bordeaux un pugnace et fascinant Macbeth de Verdi, dont il souligne le côté machine infernale avec un visuel à la Jérôme Bosch.
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Jeux de miroirs, sorcières en véritables Janus à deux visages, massacre gore, Martinoty s’en donne à cœur-joie dans cet opéra, machine infernale sur la tyrannie du pouvoir. Il excelle dans les références plastiques d’hier et d’aujourd’hui, jusqu’au malaise que produisent de monstrueuses créatures imaginées à partir de Bellmer ainsi que d’un héritier de Jérôme Bosch, le plasticien Jacques Brissot.
Homme d’art et de spectacle, Martinoty, qui fut directeur de l’Opéra de Paris jusqu’à l’ouverture de la Bastille, anime une conception humaniste et cultivée de l’art lyrique. Sa mise en scène expressionniste, avec des chanteurs-acteurs toujours mobilisés, est aussi efficace que l’intense direction du chef bordelais Kwamé Ryan. Celui-ci propulse le spectateur jusqu’à l’angoisse d’une tragédie racontée par Shakespeare comme un « conte dit par un idiot et qui ne signifie rien ».
Ces mots en anglais et en français, comme tant d’autres, d’un texte magnifique, jalonnent des pages de garde qui environnent le cadre de scène. Un arbre la tête en bas, les héros sanguinolents, les enfants massacrés : Martinoty va jusqu’à l’overdose poignante de l’horreur.
Dans cette intense plongée, il est accompagné par les voix. Si l’orchestre propulse la musique de Verdi dans l’acoustique magnifique de cette salle, les chanteurs sont un peu en retrait. Macbeth, c’est surtout, impérieuse dominatrice, Lady Macbeth.
Intrigant, voluptueux, avide de pouvoir jusqu’aux crimes, ce soprano dramatique a été souhaité par Verdi comme une voix laide, aussi monstrueuse et déphasée que le personnage, aussi perméable aux divers registres, aussi abyssale dans les graves que coupante dans les aigus. On a beaucoup glosé là -dessus.
L’Autrichienne Natasha Petrinsky – dont la beauté du médium avait fasciné Bruxelles en Clytemnestre – ayant fait défaut, il fallut trouver une autre voix. Le rôle est-il donc impossible ? Sa remplaçante est l’Américano-néerlandaise Lisa Karen Houben. Silhouette longiligne, magnifique, elle ferait l’honneur des podiums comme top model. Elle s’implique à fond dans le spectacle.
Elle est souvent émouvante, mais sa voix qui vacille dans tous les registres va bien au-delà de cette laideur que préconisait Verdi pour cette diabolique héroïne : sincère ou fabriquée ? Cette présence fascine et déroute par des stridences, des notes incontrôlées qui vont tantôt jusqu’à l’intolérable, tantôt jusqu’à l’exploit. Tout l’opposé est le Macbeth de Tassis Christoyannis. Le baryton grec qui fut le Valentin du Faust de Paris est là tout en nuances, magnifique.
Cette production bordelaise sera heureusement reprise sur d’autres scènes, notamment à Nancy avec une autre distribution. Elle marque l’intense volonté des directeurs des opéras de région de se démarquer et de s’affirmer face à la toute puissance des scènes parisiennes. Pari réussi.
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