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CRITIQUES DE CONCERTS 10 octobre 2024

Première soirée du festival Puccini+ de l’Opéra de Lyon, avec une Tragédie florentine de Zemlinsky mise en scène par Georges Lavaudant et dirigée par Bernhard Kontarsky, et Gianni Schicchi de Puccini mis en scène par David Pountney et dirigé par Gaetano d’Espinosa.

Festival Puccini+ (1) :
Affreux, sales et méchants…

© Bertrand Stofleth

Pour cet éclatement du Triptyque de Puccini agrémenté de premières parties consacrées à d’autres opéras en un acte du XXe siècle à l’Opéra de Lyon, le premier volet propose en contrepoint du huis-clos suffocant mais chichement régi d’une Tragédie florentine de Zemlinsky la comédie macabre de Gianni Schicchi dans une réalisation scénique qui fait mouche.
 

Opéra national, Lyon
Le 30/01/2012
Yannick MILLON
 



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  • Fidèle Ă  ce qui est devenu une tradition au fil du mandat de Serge Dorny, l’OpĂ©ra de Lyon s’attache Ă  proposer chaque annĂ©e des ouvrages en un acte mis en regard dans une mĂŞme soirĂ©e, avec des formules d’abonnement sortant de la routine de la plupart des théâtres.

    À cheval sur janvier et février, l’Opéra Nouvel propose donc cette saison deux manières d’aborder son festival autour de Puccini : le Triptyque en une même représentation, ou bien étalé sur trois soirées augmentées chacune d’un ouvrage germanique rare puisé dans le vivier du répertoire moderne, avec des correspondances de sujet que les trois ouvrages du maestro di Lucca n’offrent même pas entre eux.

    Faute de metteur en scène unique pour le cycle (si David Pountney signe les Puccini, deux metteurs en scène se partagent les opéras allemands), il était question que l’excellent Lothar Koenigs dirige les six ouvrages du festival. Alors que le travail de répétitions avait commencé, le chef allemand dut se retirer en raison de problèmes de santé. Manifestement, l’Opéra de Lyon a su rebondir en confiant les opéras italiens au jeune Gaetano d’Espinosa et les ouvrages germaniques au vétéran Bernhard Kontarsky.

    © Bertrand Stofleth

    Dans la touffeur orchestrale straussienne de la Tragédie florentine de Zemlinsky, celui-ci aurait tendance à gommer les effluves de Salomé – musicales mais aussi littéraires, dans les descriptions d’étoffes, de parfums – au profit d’une pâte sonore moins chatoyante, plus dramatique, tendue vers la catastrophe finale et laissant filtrer en permanence la perfidie des trois protagonistes.

    Geste enlevé, tutti électriques, la fosse porte nettement plus la production que la mise en scène terne de Georges Lavaudant (créée in loco en 2007), délaissant la direction d’acteurs au point de provoquer quelques rires aux deux dernières répliques censées traduire un retournement d’une violence psychologique typique de Wilde.

    Un décor de guingois bien éclairé, une table d’agapes qui ferait une pierre tombale très design ne rattrapent pas des ombres projetées sans grand intérêt et des personnages mal campés – les névroses d’une Bianca à la Tim Burton, chevelure les doigts dans la prise, à peine ébauchées, un Simone rien moins qu’inquiétant, un Guido aussi peu séduisant que le mari officiel.

    Le plateau, relativement énergisé par un orchestre qui ne le couvre jamais, est très convenable – Gun-Brit Barkmin plus dans le Sprechgesang que dans un chant guère en rondeur, Martin Winkler d’une homogénéité monolithique mais d’un timbre qui est plutôt d’un Baron Ochs, et Thomas Piffka peu attentif au style mais aux aigus conquérants.

    L’Italie d’Ettore Scola

    Changement total de climat pour le Gianni Schicchi de David Pountney, faisant feu de tout bois en transposant l’action dans l’Italie de l’après-guerre. Jeunes amoureux gentiment dévergondés à l’époque des premiers bikinis et des blousons de cuir, pendant que les anciens s’affairent à leur histoire d’héritage, peinture familiale façon Ettore Scola, chaque rôle finement caractérisé, les gags fusent dans cet astucieux décor de coffres-forts géants soulignant la vénalité du clan Donati, prêt à tout pour empocher le magot du défunt Buoso, qu’on fera rouler en bas du lit au sens propre.

    Une petite heure de théâtre savoureux, tout à fait dans l’esprit de la comédie italienne, sans vulgarité ni outrances. Aussi bien que la mise en scène, la direction de Gaetano d’Espinosa joue la machinerie d’horloge, les rouages huilés, avec des accents et un orchestre plein d’aspérités, d’humour grinçant, propulsant sans la moindre mièvrerie des envolées dépourvues de guimauve.

    Sans couleur d’authentique birbone, Werner Van Mechelen compose un Schicchi finaud, en voix claire, dont la mobilité en scène compense le manque de stature vocale – un sol aigu court. La Lauretta en couettes d’Ivana Rusko sert bien son air, où elle affiche une vocalité guère plus latine que son babbo, avec un timbre de diamant brut qui lorgne plutôt vers l’Europe centrale.

    En revanche, le Rinuccio beau gosse du Français Benjamin Bernheim possède la couleur ensoleillée qui sied au jeune amoureux, d’une vraie italianità. Reste à trouver la stabilité dans la tenue du troisième registre, à ancrer un rien une émission qui craque souvent au moment de quitter la note. Aussi détaillés en voix qu’en scène, les comprimarii offrent une galerie de portraits superbement variée. Vivement la suite !




    Opéra national, Lyon
    Le 30/01/2012
    Yannick MILLON

    Première soirée du festival Puccini+ de l’Opéra de Lyon, avec une Tragédie florentine de Zemlinsky mise en scène par Georges Lavaudant et dirigée par Bernhard Kontarsky, et Gianni Schicchi de Puccini mis en scène par David Pountney et dirigé par Gaetano d’Espinosa.
    Alexander von Zemlinsky (1871-1942)
    Eine florentinische Tragödie, opéra en un acte (1917)
    Livret du compositeur d’après Oscar Wilde

    Orchestre de l’Opéra national de Lyon
    direction : Bernhard Kontarsky
    mise en scène : Georges Lavaudant
    décors & costumes : Jean-Pierre Vergier
    Ă©clairages : Fabrice Kebour

    Avec :
    Martin Winkler (Simone), Gun-Brit Barkmin (Bianca), Thomas Piffka (Guido Bardi).

    Giacomo Puccini (1854-1928)
    Gianni Schicchi, opéra en un acte (1918)
    Livret de Giovacchino Forzano

    Orchestre de l’Opéra national de Lyon
    direction : Gaetano d’Espinosa
    mise en scène : David Pountney
    décors : Johan Engels
    costumes : Marie-Jeanne Lecca
    Ă©clairages : Fabrice Kebour

    Avec :
    Werner Van Mechelen (Gianni Schicchi), Ivana Rusko (Lauretta), Natascha Petrinsky (Zita), Benjamin Bernheim (Rinuccio), Wynne Evans (Gherardo), Agnes Selma Weiland (Nella), Tom Nermel (Gherardino), Lynton Black (Betto), Paolo Battaglia (Simone), Wolfgang Newerla (Marco), Kathleen Wilkinson (La Ciesca), Paolo Stupenengo (Maître Spinelloccio), Maxim Kuzmin-Karavaev (Amantio di Nicolao), Kim Kwang Soun (Pinellino), Dominique Beneforti (Guccio).

     


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