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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Nouvelle production de l’Enfant et les Sortilèges de Ravel et du Nain de Zemlinsky dans une mise en scène de Grzegorz Jarzyna et sous la direction de Martyn Brabbins à l’Opéra de Lyon.

Deux visages de la cruauté
© Bertrand Stofleth

À l’approche du terme d’une saison donnant leur chance à nombre d’ouvrages rares et passionnants, et avant une Carmen très attendue, l’Opéra de Lyon a confié son diptyque Ravel-Zemlinsky au metteur en scène polonais Grzegorz Jarzyna. Un spectacle dont on retiendra avant tout le travail scénique axé sur la tragédie dans le Nain de Zemlinsky.
 

Opéra national, Lyon
Le 19/05/2012
Yannick MILLON
 



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  • Alors que l’Enfant et les sortilèges est presque toujours couplé à l’Heure espagnole, même s’ils n’ont au fond de commun que Ravel, l’Opéra de Lyon préfère associer à l’univers enfantin de Colette celui de la cruauté d’Oscar Wilde à travers le Nain de Zemlinsky. Le rapprochement, pas inédit, fonctionne par la cohérence de deux visions complémentaires de l’apprentissage de la compassion.

    Grzegorz Jarzyna a ménagé certains ponts entre les deux ouvrages, notamment les mêmes hauts troncs d’un fond de scène en forêt de résineux, et une princesse aux atours identiques. Mais le parallèle s’arrête là, tant la mise en scène du Nain s’avère plus cohérente que celle de l’Enfant, cette dernière basée sur un postulat capillotracté.

    On y voit ainsi, dès l’entrée en salle, la caravane d’une équipe de série télé s’atteler aux préparatifs d’une journée de tournage, et la comédienne principale renâcler à gagner son poste, incommodée par un mal de crâne. Toute la première partie, jouée dans de faux décors d’intérieur, sera logiquement contrepointée par un filmage en temps réel.

    On peine pourtant tout du long à trouver un véritable intérêt à la chose, tandis qu’à la scène du jardin, délaissant presque entièrement le postulat initial pour le seul univers du livret, la magie fonctionne à plein, avec sa cohorte d’animaux et créatures illustrant à merveille le parcours initiatique d’un enfant enfin conscient du mal qu’il a occasionné.

    Une demi-réussite donc, d’autant que l’exécution musicale, faute d’une horlogerie parfaitement huilée, n’est pas inoubliable. On sait la maniaquerie de Ravel à soigner sa dramaturgie sonore et ses alliages de timbres impitoyables, dépassant ici un orchestre en difficulté – hautbois jamais loin du couac, instabilité des vents, son d’ensemble assez rêche.

    La battue vive de Martyn Brabbins vire parfois au survol – un épisode de la princesse courant la poste –, et dessert un plateau assez moyen, dont le défaut d’élocution dû entre autres à une tendance à surchanter, est cruellement souligné par l’absence de surtitrage.

    Un Enfant très crédible mais faisant claquer les consonnes sans parvenir à la limpidité, une Horloge aux aigus étranglés, un Fauteuil braillard, une Princesse à voyelle unique composent ainsi une équipe qui ne rend jamais justice à la finesse de déclamation attendue. Il n’est au fond que François Piolino, Théière so chic et Vieillard jubilatoire de stridences élégantes, et une Maîtrise parfaitement réglée, pour se hisser à la hauteur de la partition.

    © Bertrand Stofleth

    Par chance, la partie musicale du Nain sera d’un tout autre niveau. Et notamment l’orchestre, métamorphosé dans le lyrisme postromantique et les chatoiements de Zemlinsky. Brabbins trouve d’ailleurs le ton de ce conte cruel en menant son monde tambour battant, soulignant à chaque instant le malaise qui sous-tend la féérie.

    La distribution, n’étaient un Don Estoban réduit à une trémulation de gorge et une Ghita à la dureté rédhibitoire, d’autant plus dommageable qu’elle est le seul personnage du livret à éprouver de la compassion face à la laideur, offre des profils vocaux idoines.

    Qui pourrait croire d’ailleurs que cette Donna Clara peste jusqu’à l’hystérie, avec sa rousseur et ses éclats à la Patricia Petibon, est la même soprano qui chantait la fragilité brisée de Mélisande à l’Opéra Comique il y a quelques mois ? Un tour de force pour une Karen Vourc’h toujours aussi magnétique en scène.

    Face à des caméristes ondoyant telles des Filles du Rhin, le Nain de Robert Wörle émeut par ses déchirements et ce timbre clair, un peu nasillard – il est l’un des Monostatos les plus recherchés –, ce format limite pour ce rôle inchantable qui confère une aura immédiate à un personnage touchant par ses aigus conquis de haute lutte.

    La mise en scène joue l’indécence d’une cour frivole, matérialiste en diable – les décapotables, le mauvais goût vestimentaire généralisé – au milieu de laquelle une Infante clairvoyante sur ses sentiments sincères mais honteux, telle une Isolde espagnole, préfère sacrifier le Nain qui a su la bouleverser que d’assumer son inavouable humanité.

    Quant au rôle-titre, le metteur en scène n’en rajoute pas dans le côté Cour des miracles et s’en tient au seul surpoids du chanteur, rendant d’autant plus poignant aux yeux contemporains le rejet dont il est l’objet dans un monde où l’image de mode photoshopée est devenue une nouvelle dictature.




    Opéra national, Lyon
    Le 19/05/2012
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de l’Enfant et les Sortilèges de Ravel et du Nain de Zemlinsky dans une mise en scène de Grzegorz Jarzyna et sous la direction de Martyn Brabbins à l’Opéra de Lyon.
    Maurice Ravel (1875-1937)
    L’Enfant et les sortilèges, fantaisie lyrique en deux parties (1925)
    Livret de Colette
    Alexander von Zemlinsky (1871-1942)
    Der Zwerg, conte tragique en un acte op. 17 (1922)
    Livret de Georg Christian Klaren d’après l’Anniversaire de l’Infante d’Oscar Wilde

    Maîtrise, Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Lyon
    direction : Martyn Brabbins
    mise en scène : Grzegorz Jarzyna
    décors : Magda Maciejewska
    costumes : Anna Nykowska Duszynska
    éclairages : Jacqueline Sobiszewski
    vidéo : Bartek Macias
    préparation des chœurs : Alan Woodbridge & Karine Locatelli

    Coproduction avec l’Opéra de Bavière

    Avec :
    Ravel : Pauline Sikirdji (l’Enfant), Majdouline Zerari (Maman / la Tasse chinoise / la Libellule), Heather Newhouse (la Princesse / la Bergère / la Chauve-souris), Mercredes Arcuri (le Feu / le Rossignol), Antoinette Dennenfeld (la Chatte / l’Écureuil), Élise Chauvin (la Chouette / la Pastourelle), Joanna Curelaru (un Pâtre), Simon Neal (le Fauteuil / l’Arbre), Jean-Gabriel Saint-Martin (l’Horloge comtoise / le Chat), François Piolino (la Théière / le Petit Vieillard / la Rainette)
    Zemlinsky : Karen Vourc’h (Donna Clara), Lisa Karen Houben (Ghita), Simon Neal (Don Estoban), Robert Wörle (le Nain), Mercredes Arcuri (Première camériste), Heather Newhouse (Deuxième camériste), Majdouline Zerari (Troisième camériste), Sharona Applebaum (Première jeune fille), Marie-Ève Gouin (Deuxième jeune fille)

     


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