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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Nouvelle production de la Flûte enchantée de Mozart dans une mise en scène de Jens-Daniel Herzog et sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2012.
Salzbourg 2012 (1) :
Grand Corps Malade
Premier spectacle du mandat d’Alexander Pereira à Salzbourg, la Flûte enchantée selon Jens-Daniel Herzog s’essouffle vite en ne tranchant jamais entre veine comique et arrière-plans grinçants. Un peu chichement chantée pour le lieu, la production est surtout l’occasion du triomphe du Concentus Musicus de Nikolaus Harnoncourt.
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Le véritable événement de l’ouverture lyrique de Salzbourg 2012 est la présence pour la première fois en fosse in loco dans un opéra de Mozart du Concentus Musicus de Nikolaus Harnoncourt, ce dernier s’y étant jusqu’alors toujours produit à la tête de formations sur instruments modernes.
L’occasion de mesurer à quel point le groupe pionnier du renouveau baroque de l’après-guerre n’a plus rien à envier aux phalanges à l’ancienne les mieux sonnantes : aux oubliettes les couinements préhistoriques et les scories des débuts, au profit d’une évidence sonore exceptionnelle dans le dernier Mozart.
On goûtera d’autant plus la plénitude automnale des vents, et notamment les couleurs de crépuscule, juste assez tristes et dans le fond typiquement maçonniques des bois, mais aussi le tranchant des trompettes et timbales, et de cordes sachant tout autant arrondir leurs tenues – une ouverture d’anthologie, une Marche des prêtres à la douce lumière.
À bientôt 83 ans, Harnoncourt n’a rien perdu de sa capacité d’analyse, pas plus qu’il n’a abdiqué son incessante quête pour une pratique historiquement informée, même s’il prend aujourd’hui nettement plus le temps de poser la respiration, de phraser sans crispation.
Cette Flûte lente évoque donc souvent la « musique de l’avenir » chère au chef autrichien dans une continuité, un art de fixer la ligne d’horizon presque wagnériens. Et si comme d’habitude Harnoncourt exige qu’on renonce au confort de la tradition, ce n’est que pour mieux délivrer une interprétation personnelle et forte, loin du tout venant.
Dans sa tentative de guérir le grand corps malade de l’interprétation mozartienne d’une certaine paresse intellectuelle, le vieux sage est partiellement rejoint par le metteur en scène Jens-Daniel Herzog, dont le travail exploitant habilement l’espace du Manège des rochers mais s’épuisant dans la durée a du moins le mérite de retourner au conte originel de Liebeskind et à son histoire de talisman dérobé.
Herzog conçoit le monde normatif de Sarastro comme une secte de blouses blanches se livrant à l’intimidation, à l’interrogatoire, au culte du gourou, tandis qu’en négatif les Trois Dames œuvrent pour la Croix rouge, et des Knaben à la calvitie suspecte semblent atteints de progéria.
Il est jusqu’aux animaux et à Papagena d’être le produit d’expériences scientifiques, les premiers fruit de quelque clonage hasardeux, la seconde téléguidée, perf et potence à bout de bras. Si le monde de la pensée unique et le culte de l’arbitraire de l’odieux Sarastro trouvent donc ici écho, on regrette que le metteur en scène ne creuse plus profond son sillon.
Car loin de négliger la vis comica du Singspiel – les gags touchant à un Papageno marchand ambulant de volatiles estourbis, déjà en mode langes et landaus avec sa Papagena à peine séduite –, il n’approfondit in fine ni la comédie ni les arrière-plans cruels et grinçants.
Le dénouement retombe ainsi comme un soufflé : Tamino ravit son médaillon à un Sarastro en venant aux mains avec la Reine de la nuit, et s’en sert de hochet, rejoignant avec Pamina le second couple pour se livrer aux mêmes joies simples de la natalité. Curieux tomber de rideau d’un second acte qui n’aura cessé de s’enliser.
La distribution, correcte en soi, reste tout de même faible pour Salzbourg. On déplorera, outre une Première Dame au vibrato chaotique et un Orateur sans soutien, la tendance excessive au Sprechgesang chez Manostatos (orthographe originelle paraît-il), et dans une moindre mesure chez Papageno, le talent de comédien inné de Markus Werba dépassant toujours largement son art du chant.
Dans le combat entre les forces des ténèbres et celles de la lumière, le Sarastro somptueusement phrasé de Georg Zeppenfeld dame sans mal le pion à la Reine de la nuit bien anecdotique de Mandy Fredrich, qui passe la représentation à lorgner vers le diapason des orchestres modernes dans une intonation constamment trop haute.
Le primo coppio offre finalement le meilleur : Pamina délicate, en voix parfois un rien pincée de Julia Kleiter, même si de Sophie Karthäuser à Marlis Petersen en passant par Genia Kühmeier et Malin Hartelius, les mozartiennes du moment la dépassent toutes en termes de radiance ; Tamino sexy de Bernard Richter, à l’émission nature du jardin, très ouverte, mais qui gagnerait à ne pas pousser un instrument dont on a bien compris qu’il peut porter loin.
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Felsenreitschule, Salzburg Le 04/08/2012 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de la Flûte enchantée de Mozart dans une mise en scène de Jens-Daniel Herzog et sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Salzbourg 2012. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die Zauberflöte, opéra en deux actes KV 620 (1791)
Livret d’Emanuel Schikaneder d’après Lulu ou la Flûte enchantée d’August Jacob Liebeskind
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Concentus Musicus Wien
direction : Nikolaus Harnoncourt
mise en scène : Jens-Daniel Herzog
décors & costumes : Mathis Neidhardt
Ă©clairages : Stefan Bolliger
préparation des chœurs : Ernst Raffelsberger
Avec :
Georg Zeppenfeld (Sarastro), Bernard Richter (Tamino), Mandy Fredrich (Königin der Nacht), Julia Kleiter (Pamina), Sandra Trattnigg (Erste Dame), Anja Schlosser (Zweite Dame), Wiebke Lehmkuhl (Dritte Dame), Tölzer Knaben (Drei Knaben), Markus Werba (Papageno), Elisabeth Schwarz (Papagena), Rudolf Schasching (Manostatos), Martin Gantner (Sprecher), Lucian Krasznec (Erster Geharnischter / Erster Priester), Andreas Hörl (Zweiter Geharnischter). | |
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