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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Samson et Dalila de Saint-Saëns dans une mise en scène de Patrick Kinmonth et sous la direction de Michel Plasson au Grand Théâtre de Genève.
Sur les rails de l’Histoire
Entre le folklore bigarré d’une certaine tradition et une actualisation à haut risque, Patrick Kinmonth a choisi d’inscrire Samson et Dalila dans une perspective historique. Mais l’esthétisme de sa mise en scène contamine la fosse, où Michel Plasson sacrifie le théâtre à la transparence. Pas au point toutefois de refréner l’héroïsme vibrant du Samson d’Aleksandrs Antonenko.
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Tout directeur d’opéra désireux de monter Samson et Dalila de Saint-Saëns, dont le nombre de représentations a largement chuté ces dix dernières années, est confronté à deux écueils majeurs : la distribution des rôles-titres, qui depuis la disparition, ou la retraite, des grands monstres sacrés du siècle dernier, relève de l’exploit, et la question du genre – opéra ou oratorio –, qui met les metteurs en scène au pied du mur.
Pour la création au Grand Théâtre de Genève de cette coproduction avec la Deutsche Oper de Berlin, Tobias Richter a au moins déniché la perle rare, fût-elle exotique, en la personne d’Aleksandrs Antonenko, lion superbe et généreux de l’ultime reprise d’Otello de Verdi à la Bastille, qui en Samson frise l’évidence. Non seulement par la stature, héroïque, le bronze, inépuisable, et l’aigu, souple et éclatant, mais aussi une palette dynamique vibrante dans la scène de la meule.
Si elle surpasse bien des titulaires de Dalila par la finesse d’un chant qui ose murmurer ses graves plutĂ´t que de recourir au registre de poitrine, Małgorzata Walewska ne se hisse pas tout Ă fait sa hauteur. Car cette voix profonde, au vibrato ample mais contrĂ´lĂ©, plus contralto – et maman – que mezzo – et putain –, manque de sĂ©duction et plus encore de venin pour traduire les ambivalences du personnage.
Pour la dernière fois, puisque cette production marque ses adieux à la scène, Alain Vernhes donne une leçon de style et de diction, ultime représentant sans doute d’un certain chant français à l’émission claire et franche. Et si le souffle plus d’une fois le trahit, le baryton français confère au Grand Prêtre de Dagon le tranchant d’un timbre à l’autorité intacte. Celle-là même, peut-être, qui manque à l’Abimélech de Jean Teitgen, dont les moyens conséquents pâtissent d’une certaine indolence.
La baguette de Michel Plasson n’est certes pas des plus énergisantes, enlisée dans cette recherche de transparence qui semble avoir définitivement viré à l’obsession chez ce défenseur émérite de l’opéra français. Quelle absence de souffle et de ferveur au I – le chœur du Grand Théâtre de Genève en subit aussi les conséquences, dont l’idiome est comme vidé de substance –, de volupté menaçante et plus encore d’urgence au II – ah ! ce duo de la haine qui à un tel tempo ne peut pas assouvir grand-chose…
Et puis cette bacchanale, parodie d’un orientalisme clinquant, dont la vulgarité pourtant délibérée est absolument gommée. Nul n’avait peut-être jamais obtenu de l’Orchestre de la Suisse Romande de telles irisations, mais à quoi bon lorsque le drame – et qu’il soit biblique n’y change rien – est à ce point négligé ? En cela, la scène imite d’ailleurs la fosse.
La transposition à l’époque de la composition, durant le siège de Paris, au cœur donc de la guerre franco-prussienne de 1870 où résonne l’écho de l’oppression du peuple hébreux par les Philistins, est assurément pertinente, mais reflète d’abord la réflexion d’un esthète. Car Patrick Kinmonth, décorateur et costumier des plus beaux spectacles de Robert Carsen, Katia Kabanová en tête, fige la fresque sans même parvenir à animer le finale, où le théâtre s’effondre à un rythme trop mesuré pour que l’image fasse effet.
Opéra ou oratorio ? Si l’écran blanc qui au I encombre les trois quarts de l’espace scénique demeure énigmatique en dépit des explications du metteur en scène auquel « il s’est imposé comme une représentation de la présence ineffable, insondable, irreprésentable (dans la culture juive), même vide, de Dieu », les voies de chemin de fer perdues dans la pénombre où se décèle, inévitable, la destination finale, inscrivent Samson et Dalila dans une perspective historique vertigineuse.
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Grand Théâtre, Genève Le 19/11/2012 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production de Samson et Dalila de Saint-Saëns dans une mise en scène de Patrick Kinmonth et sous la direction de Michel Plasson au Grand Théâtre de Genève. | Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Samson et Dalila, opéra en trois actes (1877)
Livret de Ferdinand Lemaire
Chœur du Grand Théâtre de Genève
chef de chœur : Ching-Lien Wu
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Michel Plasson
mise en scène, décors et costumes : Patrick Kinmonth
décors et costumes : Darko Petrovic
Ă©clairages : Manfred Voss
chorégraphie : Jonathan Lunn
Avec :
Małgorzata Walewska (Dalila), Aleksandrs Antonenko (Samson), Alain Vernhes (le Grand PrĂŞtre de Dagon), Jean Teitgen (AbimĂ©lech), Fabrice Farina (un Messager philistin), Brian Bannatyne-Scott (un Vieillard hĂ©breu), RĂ©mi Garin (Premier Philistin), Khachik Matevosyan (Deuxième Philistin). | |
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