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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Reprise de la Cenerentola de Rossini dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle sous la direction de Riccardo Frizza à l’Opéra de Paris.
Un champagne madérisé
Grisante, flot de bulles, la musique de Rossini doit monter à la tête tel un champagne. Sa virtuosité bannit la lourdeur, le chant syllabique impose la transparence. Cette reprise de Cenerentola à Garnier nous frustre de ses ravissements. Tout italien qu’il soit, le chef Riccardo Frizza martèle la partition, et les années ont éventé la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle.
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D’un si joli conte la fantaisie va nous ravir. Cendrillon devenu La Cenerentola, c’est le chef-d’œuvre de Charles Perrault champagnisé par la musique de Rossini. Jean-Pierre Ponnelle est célèbre pour ses mises en scène du compositeur italien. Personnages comiques et airs bouffes interprétés pour le meilleur de leur pétulance nous attendent au Palais Garnier.
Las… Le temps peut abîmer les bons crus. Allégresse de l’ouverture ? Le bel entrain de l’excellent orchestre de l’Opéra national de Paris suit la direction appuyée de Riccardo Frizza. Sa lourdeur perdurera tout au long de l’œuvre et trop souvent couvrira les voix.
Puis apparaît le château délabré de Don Magnifico, un trompe l’œil en grisailles sinistres aux chambres et à l’âtre intégrés – chambres pour les deux sœurs et leur père au-dessus, cheminée pour Cendrillon. Ce décor se voudrait maison de poupée, sauf que de poupée il n’y a point, mais deux chipies dont le ridicule devrait nous faire sourire.
Or l’application des gestes en affadit toute originalité, celle-ci du reste fort relative. Une Cendrillon imposante mais la voix légère et joliment timbrée, Marianna Pizzolato, devenue compatissante pour un mendiant chassé par les deux sœurs, Clorinda et Thisbé, Claudia Galli et Anna Wall peu audibles en ce début de soirée, l’annonce d’un prince venu chercher mariage, un père mal réveillé, Don Magnifico lui aussi lourdement caricaturé : l’histoire commence platement.
Arrive Don Ramiro sous les traits de son valet, le jeune Maxim Mironov, timbre clair et maintien encore un peu raide. Coup de foudre entre le prince-valet et Cendrillon. HĂ©las, les sentiments ne sont pas plus contagieux que le comique. Temps suspendu ici simplement lent.
Le valet faux prince Dandini entre enfin. Face à ses prétendantes déclarées, les deux sœurs rivalisant d’une sottise qui ne prête guère à rire, Nicola Alaimo pimente leurs échanges, sûr de lui, clairement volubile. La comédie s’accélère en vue du bal où sera consacrée l’élue. Cependant que Marianna Pizzolato, servante laissée pour compte, s’affirme touchante, vocalises naturelles émergeant de l’orchestre.
On connaît la suite, l’intervention d’Alidoro, conseiller du prince en guise de bonne fée lui aussi déguisé. Adrian Sampetrean remplit son rôle avec la majesté qui convient. Palais, fête, mascarade… Finale du I d’un entrain impérissable. Allégresse, pétulance et décalages se soucient peu du détail. La bonne humeur triomphe.
Et les scènes se succèdent, plus ou moins drôles, plus ou moins émouvantes, volubiles, virtuoses ou précipitées au II. Le célèbre duo de Don Magnifico, où le baryton-basse Bruno de Simone trône sous de multiples facettes sans grande diversité face à un Dandini jouissant de la sottise de son interlocuteur, est loin de répondre au récit de Stendhal, quand « les spectateurs, étouffant de rire et s’essuyant les yeux » vivaient un moment mémorable.
Ainsi va son train sans surprise l’opéra de Rossini dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle, reprise depuis 1974 par Grischa Asagaroff, comme nous le précise l’excellent programme réalisé autour de la personnalité du compositeur et riche en témoignages. La bouffonnerie ne grise ni ne choque, ponctuée de moments de rêve conformistes, les chanteurs réussissent à vivre leurs personnages malgré l’indifférence du chef à leur égard.
La consécration de Cendrillon est celle de Marianna Pizzolatto, la voix épanouie chaude et légère dans ses vocalises de générosité et de pardon.
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