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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Création de Slutchaï d’Oscar Strasnoy dans une mise en scène de Christine Dormoy et sous la direction du compositeur à l’Opéra de Bordeaux.
L’absurde en opéra
Le très prolifique compositeur franco-argentin Oscar Strasnoy (42 ans) crée à Bordeaux son nouvel opéra, Slutchaï. Entre causticité, dérision et humour, il narre la vie quotidienne dans le Leningrad des années 1930-1940. Cette miniature sciemment décousue d’une heure vingt associe dans un genre hybride le théâtre de l’absurde et le théâtre musical.
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Une petite fille en blanc court mécaniquement ; un grand drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau tombe brutalement ; des vieilles accrochées à leur fenêtre par excès de curiosité chutent à terre et sont balayées sur ordre de la Milice qui veut une chaussée parfaitement nettoyée.
Cet univers grinçant, acide et pré-surréaliste est celui d’Oscar Strasnoy. Slutchaï, opéra dont le titre peut se traduire par Coïncidence, est tiré de textes épars d’un poète satirique russe, Danii Harms (1905-1942), interdit par le pouvoir soviétique et mort de faim dans un asile psychiatrique.
Après le dur et désopilant Cachafaz tiré de la pièce de Copi qui, en 2010, avait fait rire jaune le public de l’Opéra Comique, Oscar Strasnoy est devenu l’un des compositeurs quadragénaires les plus célébrés : l’an dernier Radio France lui a consacré son impressionnant festival Présences accueilli avec une certaine réserve par le public et la critique.
Strasnoy est de retour où on ne l’attendait guère, dans cette ravissante bonbonnière Louis XVI qu’est le Grand Théâtre de Bordeaux pour le festival d’avant-garde Novart. C’est Christine Dormoy, directrice de la compagnie théâtrale le Grain, installée en Aquitaine, qui a eu l’idée de réunir Strasnoy et Harms.
Le texte est composé de minuscules tranches de vie de ces laissés pour compte du régime stalinien qui planifiait tout et ne craignait rien moins que le fortuit et le hasard. La mise en scène est inventive et efficace avec une vidéo qui s’intègre parfaitement au récit : sur un écran quadrillé sont morcelées, étranglées, ces vies dans la promiscuité de logements communautaires.
« Je suis né au sein d’une famille de juifs agnostiques fuyant la barbarie et le monde européen », dit Oscar Strasnoy originaire de Buenos Aires, qui a fait ses études musicales à Paris avant de vivre à Berlin. À travers son métissage culturel, littéraire et musical, on reconnaît des influences qui vont de Stravinski à Bartók, de Ligeti à Berio.
Après la foisonnante et luxuriante partition de Cachafaz, celle de Slutchaï est un peu décevante. Elle paraît un rien pauvrette, fluette, avec ses treize musiciens dont un clarinettiste, un accordéoniste et un DJ. La petite formation ponctue le huis clos dans lequel sont plongés les héros de ces faits divers. Elle souligne le grotesque d’un univers qui fait souvent songer à celui de Gogol. Elle décrit la solitude de l’individu face à la société, à l’État totalitaire. Elle est parfois émouvante mais toujours en retrait des situations narratives.
Les interprètes sont parfaitement typés et efficaces avec de jolies voix comme celles d’Isabel Soccoja ou des trois hommes, les barytons Thomas Dolié, Jean-Manuel Candenot et la basse Vincent Pavesi. Beaucoup de situations sont cocasses. On aimerait rire de cette dérision comique. On n’y parvient pas toujours.
Prochaines représentations les 27, 28 et 29 novembre
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