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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Nouvelle production de la Traviata de Verdi mise en scĂšne par Andrea Breth et sous la direction d’ÁdĂĄm Fischer au ThĂ©Ăątre de la Monnaie, Bruxelles.

Entre méprise et mépris

À l’automne 2010, Andrea Breth noyait KĂĄt’a KabanovĂĄ dans l’hybris d’Elektra. MalgrĂ© ce contre-sens aux confins de l’hermĂ©tisme, l’encre noire, le sens du sordide avec lesquels elle affirmait sa poĂ©tique singuliĂšre cimentaient un propos d’une implacable cohĂ©rence. Dans la Traviata, la grande dame du thĂ©Ăątre allemand s’est semble-t-il trompĂ©e de cible, sinon de sujet.
 

Théùtre royal de la Monnaie, Bruxelles
Le 21/12/2012
Mehdi MAHDAVI
 



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  • La tragĂ©die de Violetta rĂ©duite Ă  un rĂ©quisitoire contre la prostitution, assimilĂ©e Ă  ses dĂ©rives, ou bien plutĂŽt contre l’hypocrisie des hommes, malades de leurs perversions – hormis les trois solistes, pas une femme sur le plateau, puisque les choristes chantent depuis la fosse, comme pour enfoncer le clou ? Le manichĂ©isme de cette vision Ă  de quoi surprendre de la part d’Andrea Breth.

    Constamment sur le fil de la bien-pensance, osons mĂȘme dire d’un fĂ©minisme assez caricatural – lire absolument le tĂ©moignage de Sonia Verstappen, Entre mĂ©prise et mĂ©pris, reproduit dans la programme, pour se prĂ©munir contre les raccourcis trop simplistes –, sa mise en scĂšne entretient une forme de confusion entre le scandale qu’elle dĂ©nonce et la polĂ©mique qu’elle a suscitĂ©e chez les spectateurs des premiĂšres reprĂ©sentations.

    À la demande de Peter de Caluwe, des voix, et pas des moindres – Warlikowski, Py, Castellucci, emblĂšmes de sa programmation au ThĂ©Ăątre de la Monnaie – se sont Ă©levĂ©es pour dĂ©fendre la libertĂ© artistique. Nouvelle confusion. Car le public bruxellois en a vu d’autres, accueillant avec enthousiasme, ou du moins intĂ©rĂȘt, des propositions bien plus radicales – certaine MĂ©dĂ©e qui y fut dĂ©voilĂ©e sans heurt a connu depuis des rĂ©actions autrement plus hostiles.

    Ce n’est donc pas le rĂ©alisme cinĂ©matographique avec lequel Andrea Breth montre la violence d’un certain milieu qui a choquĂ©, non plus que l’orgie froide, triste, dĂ©sertĂ©e par le dĂ©sir du II – d’autant qu’en matiĂšre de bondage lyrique, le deuxiĂšme acte de Parsifal par Romeo Castellucci sur la mĂȘme scĂšne Ă©tait bien plus Ă©loquent –, mais la prĂ©sence chez Flora d’une petite fille, traitĂ©e comme un objet de fantasme parmi d’autres. Sans doute n’est-il pas inutile d’attirer l’attention sur l’ñge de ces jeunes femmes, pour certaines Ă  peine sorties de l’enfance, livrĂ©es Ă  la prostitution. Mais c’est en Belgique raviver une plaie trop rĂ©cente que d’agiter ainsi le spectre de la pĂ©dophilie, qui plus est Ă  mauvais escient.

    Car si Verdi a bel et bien tendu un miroir Ă  son public en s’emparant d’un « sujet actuel Â», la tragĂ©die de cette dĂ©voyĂ©e victime de la morale – qui en dĂ©pit de la permissivitĂ© de l’époque continue de prĂ©valoir, le tĂ©moignage de Sonia Verstappen faisant de nouveau foi – est suffisamment prĂ©gnante pour ĂȘtre jouĂ©e ici et maintenant, sans chercher Ă  en dĂ©tourner l’attention au profit de la vĂ©ritĂ© sociĂ©tale qu’Andrea Breth revendique comme pour exprimer un trop-plein de conscience politique.

    DĂšs lors – et sans prĂ©tendre lui opposer le moindre scrupule dĂ©risoire –, la metteur en scĂšne oublie d’ĂȘtre poĂšte, et prĂ©fĂšre rĂ©gler ses comptes. Giorgio Germont devient ainsi le vĂ©ritable protagoniste de l’opĂ©ra, dans la mesure oĂč son statut cristallise les nĂ©vroses de la sociĂ©tĂ©, moins pĂšre qu’homme mis Ă  nu dans sa lutte contre ses propres dĂ©sirs, dont son fils lui renvoie l’image forcĂ©ment refoulĂ©e.

    Comme en Macbeth puis en Luna, et toujours aussi peu verdien de couleur, de tessiture et de ligne, Scott Hendricks fait une composition saisissante, avec cette force expressive qui lui est propre, et qu’il tend tel un palimpseste aux metteurs en scĂšne pour qu’ils la poussent jusqu’au paroxysme, ici expressionniste, lĂ  intĂ©riorisĂ© jusqu’à la dĂ©mence.

    Pour sa gueule d’ange, quiconque donnerait Ă  SĂ©bastien GuĂšze tous les Rodolfo, les RomĂ©o du monde lyrique sans prendre la peine l’écouter. Partant, le jeune tĂ©nor français se laisse dĂ©border par son enthousiasme juvĂ©nile, oubliant de doser ses Ă©clats – au point que l’aigu plus d’une fois dĂ©tonne, quand il ne frĂŽle pas l’accident –, et surtout de prĂ©server un instrument auquel il conviendrait de laisser le temps de mĂ»rir Ă  l’abri d’emplois trop large pour ce timbre di grazia, qui ferait merveille, peut-ĂȘtre, dans ces rĂŽles mozartiens gĂ©nĂ©ralement privĂ©s de chaleur latine.

    C’est justement en mozartienne que Simona Ć aturovĂĄ, annoncĂ©e souffrante et donc avec un surcroĂźt de prudence, aborde Violetta. AgilitĂ© cristalline, timbre gracieux, musicalitĂ© dĂ©licate, la soprano slovaque rĂ©vĂšle une prĂ©sence sensible, et comme une maturitĂ© frĂȘle, qui rendent son incarnation constamment touchante, mais jamais bouleversante.

    Comme indiffĂ©rent Ă  sa fragilitĂ©, alors mĂȘme qu’il donne l’impression d’ĂȘtre aussi attentif au plateau que peut l’ĂȘtre un vieux routier des fosses d’opĂ©ra, ÁdĂĄm Fischer cravache, burine l’orchestre verdien, et surcharge le drame d’intentions qui en nivellent paradoxalement les nuances psychologiques. Celles-lĂ  mĂȘme que savait rendre l’infinie palette de gris de Sylvain Cambreling, pourtant si vivement contestĂ© Ă  Paris.

    Mais alors Christoph Marthaler racontait, sans pour autant faire l’impasse sur les maux du siĂšcle, la dĂ©chĂ©ance d’une Piaf tombĂ©e du nid.




    Théùtre royal de la Monnaie, Bruxelles
    Le 21/12/2012
    Mehdi MAHDAVI

    Nouvelle production de la Traviata de Verdi mise en scĂšne par Andrea Breth et sous la direction d’ÁdĂĄm Fischer au ThĂ©Ăątre de la Monnaie, Bruxelles.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    La Traviata, opéra en trois actes (1853)
    Livret de Francesco Maria Piave d’aprĂšs la Dame aux camĂ©lias d’Alexandre Dumas fils

    ChƓurs et Orchestre symphonique de la Monnaie
    direction : Ádåm Fischer
    mise en scĂšne : Andrea Breth
    décors : Martin Zehetgruber
    costumes : Moidele Bickel
    Ă©clairages : Alexander Koppelmann

    Avec :
    Simona Ć aturovĂĄ (Violetta ValĂ©ry), SĂ©bastien GuĂšze (Alfredo Germont), Scott Hendricks (Giorgio Germont), SalomĂ© Haller (Flora Bervoix), Carole Wilson (Annina), Dietmar Kerschbaum (Gastone, visconte de LetoriĂšres), Till Fechner (Barone Douphol), Jean-Luc Ballestra (Marchese d’Obigny), Guillaume Antoine (Dottor Grenvil), Gijs Van der Linden (Giuseppe).

     


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