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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Nouvelle production de la Favorite de Donizetti dans une mise en scène de Valérie Nègre et sous la direction de Paolo Arrivabeni au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Spectacle rescapé
Des mauvaises fées se sont penchées sur la naissance de ce retour en grâce après vingt ans d’absence à Paris de la Favorite, opéra français de Donizetti qui devait être l’un des points forts de la saison du centenaire du TCE. Le résultat est juste décent, peu convaincant et fort décevant. Le public n’aura d’ailleurs pas manqué de manifester son mécontentement.
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Circonstances atténuantes : le projet conçu autour d’un fort quatuor de chanteurs s’est vu privé progressivement de trois de ses principaux atouts, Sophie Koch et Celso Albelo ayant renoncé à leurs rôles. Reste donc Ludovic Tézier, baryton vedette certes mais dont la présence avec la nouvelle donne est plutôt propice à un déséquilibre.
Le metteur en scène initialement prévu a également été remplacé. Annonce faite avant le spectacle pour prévenir que la grippe ayant sévi comme ailleurs sur le plateau du Théâtre des Champs-Élysées, les répétitions ne se sont pas passées dans des conditions idéales.
Si les effets de la grippe sont imprévisibles et se retrouvent dans le chant du mezzo-soprano Alice Coote (Leonor), surtout dans la première partie avec des passages de registres difficiles et des séquelles sur le timbre, ils appellent à l’indulgence.
Mais le travail de l’équipe chargée de la réalisation du spectacle est plutôt navrant. L’impressionnante brochette de ses responsables, menée par le metteur en scène Valérie Nègre (qui se recommande comme une collaboratrice de Patrice Chéreau) a été copieusement huée par le public traditionnellement sage du Théâtre des Champs-Élysées.
Sifflements à la fois injustifiés car il n’y a dans ce spectacle rien, à l’aune d’aujourd’hui, qui soit de nature à choquer le public bourgeois de l’avenue Montaigne qui en a vu d’autres. Mais certainement mérités pour la vacuité du travail de Valérie Nègre : mise en scène sans idée, direction d’acteur quasi inexistante, traitement des chœurs à la limite de la parodie.
On est en droit de se demander en quoi un dramaturge (Guillaume Poix) a été utile à ce ratage. Les costumes transposés du quatorzième au dix-neuvième siècle (idée d’une originalité furieusement éculée) sont mal pensés et plutôt laids. Quant au froid décor high tech pour lequel on a cherché la sculptrice new-yorkaise Andrea Blum, il a le mérite de ne pas encombrer la scène et pourra resservir dans de nombreuses occasions… principalement pour des versions de concert !
Musicalement, on l’a dit, le plateau est déséquilibré, avec Alice Coote affaiblie mais sans avoir le type vocal de Leonor, plutôt la plus investie dramatiquement, surtout dans le dernier acte face à un Ludovic Tézier (Roi Alphonse XI) au matériau vocal somptueux mais comme toujours n’entrant pas vraiment dans la peau des personnages qu’il incarne. Le ténor belge Marc Laho a certes les moyens vocaux écrasants de Fernand mais sans la noblesse ni vraiment de charisme vocal.
Reste une direction d’orchestre assez forte. Paolo Arrivabeni, bon chef de fosse, insuffle à l’Orchestre national de France ce qu’il faut de fibre dramatique et tire parti de ses bonnes individualités. Les chœurs aussi (Radio France renforcés par ceux du Théâtre des Champs-Élysées) ne déméritent pas, malgré les efforts de la chorégraphe Sophie Tellier (privée du traditionnel ballet du II) pour les rendre ridicules en les faisant évoluer comme des chœurs d’opérette.
Bilan plutôt maigre pour un spectacle attendu et que l’on espérait succéder dignement au Don Pasquale monté la saison dernière par Denis Podalydès. Et surtout frustration totale en ce qui concerne la compréhension du fait que la Favorite, dont les dialogues frisent souvent le ridicule comme le surtitrage a permis de l’apprécier à des nombreuses reprises, ait été au temps de sa création un des tubes de l’opéra romantique à la française.
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