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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Nouvelle production de la Petite Renarde rusĂ©e de Janáček dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Friedemann Layer Ă  l’OpĂ©ra du Rhin.

La suffragette des sous-bois

Sa proximité avec la reprise du petit bijou d’André Engel à Lyon conférait une dimension d’attente supplémentaire à la Petite Renarde de Robert Carsen à Strasbourg. Loin du glamour et du papier glacé chers au Canadien, le spectacle offre son lot de subtil onirisme, un très beau plateau mais une direction toujours aussi prosaïque.
 

Opéra du Rhin, Strasbourg
Le 08/02/2013
Yannick MILLON
 



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  • Ă€ l’inverse d’AndrĂ© Engel qui l’étendait sur un cycle complet de saisons, Robert Carsen, omettant au passage certaines espèces animales, resserre l’action de sa Petite Renarde rusĂ©e sur une demi-annĂ©e, de l’automne au premier refleurissement, avec le dĂ©cor unique de tertres dissimulant autant de terriers, successivement couvert de feuilles mortes, d’un drap de neige, puis dĂ©nudĂ© sur la seule herbe du retour printanier.

    Une scénographie inclinée entourée de la cage de scène de l’Opéra de Strasbourg, qui varie en reflétant les teintes de ce joli relief et permet de dissimuler au mieux les aménagements d’accessoires à vue, tout en invitant à ne jamais oublier l’illusion théâtrale dans un ouvrage qui abat les frontières entre monde humain et règne animal.

    Mais la grande force de ce Robert Carsen-là, contrairement à d’autres vus ces dernières saisons, où l’esthétisme glamour finissait par l’emporter sur un vrai travail scénique, est son habileté à décortiquer les saillies politico-sociales d’un livret regorgeant de clins d’œil.

    Sa Renarde, gigotant, sautillant tout son saoul, d’une corporalité fauve, est ainsi ouvertement revendicatrice, féministe jusqu’au bout des pattes, presque le soutien-gorge au bout du bâton, façon suffragette des sous-bois, n’hésitant pas à pisser dans le terrier du blaireau pour l’en déloger.

    De même, le metteur en scène profite de l’ambiguïté du rapport entre le Garde-Forestier et sa petite captive pour instiller une dimension psychanalytique, dans une scène d’amour issue de l’imaginaire du chasseur, et négocie au mieux les rôles sociaux des personnages humains du II, souvent point faible d’autres mises en scènes.

    Mais chez des bêtes bien souvent plus fines que les hommes, l’animalité n’est jamais loin, ainsi des dizaines de renards venus fêter dignement, comme les humains, les justes noces de notre couple de renards, et qui ne peuvent s’empêcher de forniquer dans tous les sens au tomber de rideau du II.

    Au niveau musical, on dĂ©plorera comme dans la majoritĂ© des volets de ce cycle Janáček de l’OpĂ©ra du Rhin la battue prosaĂŻque de Friedemann Layer, qui annone l’introduction avec une consternante apathie et ne trouve un semblant de sens dramatique qu’à partir de la scène des poules.

    Mais contrairement Ă  l’Affaire Makropoulos et Jenůfa, le volume sonore apparaĂ®t cette fois maĂ®trisĂ©, avec comme dommage collatĂ©ral une rythmique plan-plan et toujours l’extrĂŞme fragilitĂ© de l’Orchestre symphonique de Mulhouse – attaques des vents nĂ©gligentes, flĂ»te solo qui craque, cordes rĂŞches, fĂ©brilitĂ© globale –, auquel seul un timbalier Ă©loquent et carrĂ© parvient Ă  donner de l’éclat.

    Par bonheur, le plateau n’est guère perturbé par la fosse. Presque vingt ans après la production Hytner au Châtelet, Hannah Esther Minutillo est toujours un Renard au beau matériau androgyne, aux élans mâles ardents, face à la Renarde vif-argent de Rosemary Joshua, timbre moins exceptionnel que les Tsallagova ou Eerens récemment entendues mais mobilité en scène, caractère tourbillonnant qui font mouche.

    Sans doute parmi les mieux chantants, le Garde-Chasse de Scott Hendricks fait briller un timbre superbement mordant et une jeunesse rendant son attirance pour la Renarde encore plus troublante d’interaction entre espèces, face au braconnier Harašta d’une parfaite rustrerie, veule et bien populaire, de Martin Bárta. Les seconds rôles s’illustrent également par leur justesse de caractérisation, chien comme coq aux timbres individualisés.

    Alors qu’on pensait le cycle Janáček-Carsen de l’OpĂ©ra du Rhin terminĂ©, on apprend qu’il sera prolongĂ© par De la maison des morts en ouverture de saison prochaine. On en jubile dĂ©jĂ  !




    Opéra du Rhin, Strasbourg
    Le 08/02/2013
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de la Petite Renarde rusĂ©e de Janáček dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Friedemann Layer Ă  l’OpĂ©ra du Rhin.
    Leoš Janáček (1854-1928)
    Přihody Lyšky Bystroušky, opĂ©ra en trois actes (1924)
    Livret du compositeur d’après le feuilleton de Rudolf TěsnohlĂ­dek

    Maîtrise et Chœurs de l’OnR
    Orchestre symphonique de Mulhouse
    direction : Friedemann Layer
    mise en scène : Robert Carsen
    décors & costumes : Gideon Davey
    Ă©clairages : Robert Carsen & Peter Van Praet
    préparation des chœurs : Philippe Utard & Michel Capperon

    Avec :
    Rosemary Joshua (la Renarde), Hannah Esther Minutillo (le Renard), Scott Hendricks (le Garde-Chasse), Corinne Romijn (la Femme / le Hibou), Gijs Van der Linden (l’Instituteur), Enric Martinez-Castignani (le Curé / le Blaireau), Martin Bárta (Harašta), John Pumphrey (Pásek), Sophie Angebault (Madame Paskova / le Pivert), Aline Martin (Lapák), Anaïs Mahikian (le Coq / le Geai), Nathalie Gaudefroy (la Poule).

     


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