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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Reprise de Falstaff de Verdi dans la mise en scène de Dominique Pitoiset, sous la direction de Daniel Oren à l’Opéra de Paris.

Un Falstaff sans éclat
© Mirco Magliocca

Créée en 1999, cette mise en scène de Dominique Pitoiset n’avait guère fait alors l‘unanimité. Avec une distribution plus terne, elle convainc encore moins aujourd’hui et marque une entrée discrète de l’Opéra de Paris dans l’année Verdi. Un nouveau Falstaff aurait sans doute mieux valu qu’une troisième Flûte enchantée.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 09/03/2013
Gérard MANNONI
 



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  • Le premier problème de cette production est sans doute de se situer sur la scène de l’Opéra Bastille. Le plus intimiste des opéras de Verdi se perd dans cet espace trop vaste que Dominique Pitoiset et le décorateur Alexandre Beliaev cherchent vainement à meubler.

    Quand ils y parviennent, comme au dernier acte, c’est au prix d’un fatras et d’une confusion absolus. Sinon, les personnages s’éparpillent, se cherchent, ce qui ne facilite pas l’homogénéité musicale des multiples et redoutables ensembles. Les accessoires paraissent inutiles, même quand ils sont décoratifs comme la sublime et omniprésente voiture 1900.

    Car, rappelons-le, l’action est ici située au tout début du XXe siècle. Pourquoi pas ? Cela ne gêne guère et en tout cas bien moins que cette impression permanente de plein air devant un décor unique malgré ses légers déplacements.

    Mi-garage, mi-laundry du nom de Quickly, ce qui est plutôt rigolo, il a l’inconvénient d’être vraiment triste dans ses camaïeux de marron et de créer un climat misérabiliste, genre trottoir du vieux Londres qui n’a rien à voir avec la gaîté de la musique ni l’air campagnard de Windsor. Il en va de même des costumes, sans style ni couleur. Même le côté hénaurme du héros se perd dans ce lieu mal habité.

    Mais cela passerait peut-être s’il y avait la moindre direction d’acteur. Or, vide abyssal en la matière. On se contente d’une suite de petits déplacements sur notes, de petits gestes convenus, les moments où le coup de théâtre devrait être un feu d’artifice se trouvant gâchés par d’inutiles complications, malle contenant Falstaff que l’on monte au deuxième étage pour la jeter dans Tamise, ce qui est contraire à la rapidité de la musique à cet instant, ou encore paravent dissimulant Fenton et Nannette et où Ford croit que se cache Falstaff, se transformant soudain en une sorte de guignol où les deux jeunes gens passent la tête pour chanter.

    Quant à la féerie nocturne et sylvestre du tableau final, elle est inexistante, se déroulant toujours devant les mêmes murs, sur lesquels, il est vrai, les formes d’un arbre sont projetées.

    Tant pour la transposition dans le temps que pour le travail d’acteur réalisé par exemple avec Véronique Gens sur Alice Ford, la production d’Angers-Nantes de Patrice Caurier et Moshe Leiser en 2011 reste une référence. Totalement XXe, elle était infiniment plus fidèle à la musique de Verdi et au texte de Boïto que cette superficielle évocation d’un Londres improbable.

    Et puis, la direction musicale sans imagination de Daniel Oren n’arrange rien. L’orchestre sonne bien, comme toujours, mais n’est jamais poussé à mettre en relief toute la diversité de l’invention verdienne dans le domaine des couleurs, des rythmes et d’une orchestration qui va du très grand orchestre à la musique de chambre. C’est prudent, linéaire, sans engagement, et peu stimulant pour des chanteurs déjà scéniquement livrés à eux-mêmes.

    Dans le rôle-titre, Ambrogio Maestri s’impose avec éclat, envers et contre tout, la projection vocale et le style compensant la côté convenu du personnage qu’on lui impose et qui perd toute saveur picaresque. Mais il existe musicalement et vocalement. Le Ford d’Arthur Rucinski n’est pas mal chanté mais trop lilliputien pour ne pas disparaître dans la mêlée générale de l’action. On admire davantage la vaillance toujours présente de Raúl Gimenez en Cajus mais on est assez déçu par le Fenton d’un Paolo Fanale peu à l’aise ici et qui tend à forcer ses moyens.

    Chez les dames, c’est la Nannetta d’Elena Tsallagova qui séduit le plus, voix fraîche et limpide, mais a-t-on jamais entendu une mauvaise Nannette ? C’est un rôle en or, dans une tessiture idéale pour tout jeune soprano. Encombrée par des moyens trop importants, Svetla Vassileva lutte vainement avec tout ce qui pétille dans le rôle d’Alice Ford mais passe bien la rampe dans les ensembles.

    Le rôle de Meg Page n’est certes pas très valorisant, mais une Nan Merriman savait le mettre en relief, ce qui n’est pas le cas de Gaëlle Arquez. Légère déception avec la Quickly de Marie-Nicole Lemieux, tonique et brillante scéniquement, mais confrontée à un rôle écrit pour l’essentiel sur le redoutable passage de la voix de contralto et qui ne met pas en valeur le quart de ses plus belles qualités. Mais au moins, elle en a la truculence et des graves qui peuvent rivaliser avec ceux de l’inégalable et inégalée Fedora Barbieri.

    Alors, si, malgré tout, l’incroyable vitalité de la musique de Verdi résiste à tant d’épreuves et apporte bien des joies, on reste frustré par le manque de densité d’un spectacle qui ne met en exergue ni les aspects festifs ni les implications sociales profondes, multiples et parfois contradictoires, de cette comédie de mœurs inspirée par Shakespeare.




    Opéra Bastille, Paris
    Le 09/03/2013
    Gérard MANNONI

    Reprise de Falstaff de Verdi dans la mise en scène de Dominique Pitoiset, sous la direction de Daniel Oren à l’Opéra de Paris.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Falstaff, commedia lirica en trois actes (1893)
    Livret d’Arrigo Boïto d’après The Merry Wives of Windsor et des scènes de Henry IV de Shakespeare

    Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : Daniel Oren
    mise en scène : Dominique Pitoiset
    décors : Alexandre Beliaev
    costumes : Elena Rivkina
    éclairages : Philippe Albaric
    préparation du chœur : Patrick Marie Aubert

    Avec :
    Ambrogio Maestri (Sir John Falstaff), Arthur Rucinski (Ford), Paolo Fanale (Fenton), Raúl Gimenez (Dottore Cajus), Bruno Lazzaretti (Bardolfo), Mario Luperi (Pistola), Svetla Vassileva (Mrs Alice Ford), Elena Tsallagova (Nannetta), Marie-Nicole Lemieux (Mrs Quickly), Gaëlle Arquez (Meg Page).

     


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