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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Nouvelle production de l’Or du Rhin de Wagner dans une mise en scène de Dieter Dorn et sous la direction d’Ingo Metzmacher au Grand Théâtre de Genève.
Ring Genève (1) :
Retour aux sources
Prologue prometteur au Ring genevois que cet Or du Rhin affichant une volonté de retour aux sources de la fable et de la simplicité à travers une mise en scène de Dieter Dorn ne faisant pourtant aucun cadeau aux Dieux. En fosse, la battue dégraissée à l’extrême d’Ingo Metzmacher impose sa fluidité de conversation en musique à un plateau de belle tenue.
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Après plusieurs décennies d’expérimentations, de déstructuration-restructuration dans la veine du Regietheater toujours en cours à Bayreuth, le vétéran Dieter Dorn, pourtant habitué aux lectures sociales des natifs de l’ex-RDA, a jugé salutaire de retrouver une certaine simplicité, de revenir aux fondamentaux du conte, du théâtre narratif pour fêter le bicentenaire de la naissance de Wagner dans le nouveau Ring du Grand Théâtre de Genève.
Partant, un plateau anthracite vide servira de cadre à cette lecture de l’Or du Rhin où viendront se greffer quelques éléments de décor, à la manière du théâtre de tréteaux, avec son lot de matériaux modestes – tulles, caisses en carton, tissus volontiers kitsch, montgolfière cheap – et un souci constant de limpidité narrative, sans délaisser de vrais trucs de théâtre – les disparitions d’Alberich sous son heaume, sa transformation, pour une fois crédibles, la sortie des profondeurs à vue des poutres métalliques du Nibelheim.
Mais retour aux sources ne rime pas forcément avec absence de travail critique. Pour preuve, ces images de guerre, cette chute initiale depuis les cintres d’une caisse dont sortira l’écheveau des Nornes, annonçant clairement la couleur, cette clique de Dieux à la petite semaine qui ne cessent de se comporter avec inconséquence. Et si Kupfer avait déjà dressé à Bayreuth un portrait peu flatteur des rentiers du Walhalla, Dorn, lui, enfonce le clou.
Ainsi, rarement aura-t-on vu pareille bande d’ahuris, Freia reine des nunuches mal cachée dans son carton éventré, faisant rouler ses pommes dans le caniveau en trébuchant, Fricka s’essayant à une prise de kung-fu pour passer ses nerfs sur un Loge joufflu, comme sorti d’une boîte gay faussement interlope, qui exhibe sous son cuir et t-shirt transparent une généreuse bedaine.
Pour autant, ce ton moqueur, cette effronterie vis-à -vis des personnages, doublés d’une direction d’acteurs plutôt efficace, ne virent jamais à la parodie ou au règlement de comptes, et enrichiraient même d’aspects de comédie, d’ironie tragique un prologue du Ring déjà copieux en enjeux dramatiques.
Dans la fosse, Ingo Metzmacher vise lui aussi à une certaine épure, à l’aide d’une pâte sonore fine, d’une totale transparence, cherchant du côté de la mélodie de timbres et d’un climat straussien de conversation en musique, façon Capriccio, où le murmure a toute sa place. Rien de révolutionnaire en soi, Karajan et Boulez ayant déjà tenté de dégraisser le mammouth wagnérien en leur temps. Mais c’était alors à la tête de phalanges de vraie tradition germanique.
L’Orchestre de la Suisse romande, lui, toujours incertain de cuivres, sonne plutôt avec un galbe qu’on pourrait qualifier de français, une clarté en phase avec la volonté de nettoyage scénique. Et si l’on pense un temps vivre un Rheingold proche du record de vitesse – les deux premiers tableaux –, les tempi classiques du Nibelheim et la scène IV – notamment la lenteur émerveillée d’une admonestation d’Erda senza vibrato – laissent au final une représentation modérément alerte de deux heures vingt.
Sur ce tapis d’eau pure, la distribution tend à réussir le pari de formats humains, à l’exception de géants vraiment riquiqui, Fasolt à la voix d’ours en peluche et Fafner carrément ténorisant. Y tirent leur épingle du jeu le Loge di grazia, nettement plus Svanholm que Zednik, de Corby Welch, le Mime prometteur de couinements d’Andreas Conrad, l’Alberich bien mordant, au métal juste assez noir de John Lundgren, et la Fricka très accrochée d’Elena Zhidkova.
On passera plus vite sur des Filles du Rhin ternes, sur l’émission chaotique de l’Erda pourtant captivante de Maria Radner, reine de la longueur des consonnes et de la suspension prophétique, et sur l’aspect un rien poussif du Wotan de Tom Fox, médiocre germaniste mais de belle autorité, notamment dans un haut registre que ne laisserait présager un médium très éraillé. La suite en novembre…
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Grand Théâtre, Genève Le 18/03/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de l’Or du Rhin de Wagner dans une mise en scène de Dieter Dorn et sous la direction d’Ingo Metzmacher au Grand Théâtre de Genève. | Richard Wagner (1813-1883)
Das Rheingold, prologue au festival scénique Der Ring des Nibelungen (1869)
Livret du compositeur
Orchestre de la Suisse romande
direction : Ingo Metzmacher
mise en scène : Dieter Dorn
décors & costumes : Jürgen Rose
éclairages : Tobias Löffler
Avec :
Tom Fox (Wotan), Thomas Oliemans (Donner), Christoph Strehl (Froh), Corby Welch (Loge), Andreas Conrad (Mime), Alfred Reiter (Fasolt), Steven Humes (Fafner), John Lundgren (Alberich), Elena Zhidkova (Fricka), Agneta Eichenholz (Freia), Maria Radner (Erda), Polina Pasztircsák (Woglinde), Stéphanie Lauricella (Wellgunde), Laura Nykänen (Flosshilde). | |
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