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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Récital du pianiste Nicholas Angelich au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le maître du son
Magnifique récital de Nicholas Angelich dans la série Piano aux Champs-Élysées de Jeanine Roze. Avec Ravel et Moussorgski, le pianiste américain s’est montré un extraordinaire jongleur de sonorités, comme on en entend rarement. Avec en plus, la technique digitale foudroyante qu’on lui connaît. Une soirée exceptionnelle.
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La salle du Théâtre des Champs-Élysées était bien pleine mais il eût fallu qu’elle contienne un pourcentage important d’apprentis pianistes ou de pianistes qui ne se croient plus apprentis et parcourent déjà souvent le monde. Nicholas Angelich leur aurait montré ce que vraiment jouer du piano veut dire, au-delà d’un déferlement torrentiel de notes, dont il est certes capable, mais en allant tellement plus loin !
Deux parties dans ce programme. La première consacrée à Ravel, avec trois extraits des Miroirs, les Valses nobles et sentimentales et la version piano de la Valse. Les Oiseaux tristes nous mettent d’emblée dans un climat sonore d’une pureté, d’un raffinement et d’une exactitude ravélienne absolus.
Sont-ce des doigts qui enfoncent des touches ou les ailes de quelque volatile féerique qui effleurent directement les cordes ? Avec Alborada del gracioso, on reste dans les interrogations. Comment le pianiste parvient-il à reproduire dans ce ruissellement de notes et ces chocs de rythmes l’impression d’un orchestre, avec les mêmes contrastes de couleurs et d’intensité, mais une fluidité plus grande et surtout une nature de son à la fois limpide, chatoyante, sensuelle et homogène, sans la moindre brutalité.
Assez phénoménal, d’autant que c’est vraiment le son rêvé pour Ravel, qui n’est pas celui de Debussy ni finalement d’aucun autre. Une magie sonore à l’état pur, le vrai langage requis pour ces pages. Tout comme pour les Valses nobles et sentimentales qui suivent une Vallée des cloches aux appels aussi présents que semblant venir d’un autre monde.
L’interprétation des Valses relève d’un autre type de travail, plus intériorisé, presque intellectuel mais tout aussi ravélien dans son résultat, comme un peintre impressionniste pourquoi pas, peut varier d’expression d’une toile à l’autre tout en restant dans le même rapport à l’univers et à lui-même.
Et bien sûr, avec la Valse, traitée dans un flot de sensualité avec la touche de morbidité adéquate, le côté Bal des vampires d’une Vienne décadente, c’est de nouveau un piano orchestral puissant mais soyeux, nous emportant dans ce tourbillon finalement assez effrayant.
En deuxième partie, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski allaient bien nous surprendre. Avait-on jamais entendu l’œuvre approchée avec pareil approfondissement du rapport de l’image et du son dans une démarche souvent plus philosophique, voire métaphysique que picturale ? Un peu de l’esprit des Variations Goldberg savamment injecté dans la musique de Moussorgski.
Chaque pièce n’est-elle pas en effet autant un instant de réflexion sur la nature humaine, sur les joies et les regrets de la vie, sur ses petites merveilles, ses grandeurs et ses tragédies ? La Promenade récurrente semble chaque fois un profond retour sur soi-même, une prise de distance avec l’événement immédiat, pour déboucher en fin de parcours sur une Grande porte de Kiev comme on ne l’entend jamais, loin de tout tapage, de toute lourdeur, mais dans le climat mordoré des cloches du sacre de Boris.
Et tout cela pensé dans une recherche sonore consciente que c’est Ravel qui y a trouvé assez de ressemblance avec son propre monde pour en réaliser une orchestration.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 11/06/2013 Gérard MANNONI |
| Récital du pianiste Nicholas Angelich au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Maurice Ravel (1875-1937)
Oiseaux tristes
Alborada del gracioso
La Vallée des cloches (extraits de Miroirs)
Valses nobles et sentimentales
La Valse
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux d’une exposition
Nicholas Angelich, piano | |
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