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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 septembre 2024 |
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Hymne à la paix, le War Requiem de Britten fustige toutes les guerres. Dès les premiers accords du Requiem aeternam, un climat de désolation s’installe. Un glas émerge de l’orchestre, lancinant : le public retient son souffle.
Cette émotion partagée par toute une salle sera soutenue jusqu’aux dernières mesures. Elle n’appartient qu’aux œuvres de haute spiritualité comme la Messe en si de Bach, la Missa solemnis de Beethoven ou le Requiem de Verdi lors de certaines exécutions exceptionnelles. La soirée de ce 8 juin est de ce niveau.
Le plateau du TCE est presque trop petit pour accueillir l’orchestre, le chœur et les solistes mais, précisément, cette concentration favorise la puissance du message. La soprano Erin Wall est près du grand chœur, derrière l’orchestre comme l’exigeait Britten, et lorsque sa voix jaillit, elle incarne la pureté salie par la guerre.
La Maîtrise de Radio-France est loin derrière, au balcon : une implantation qui rajoutera de la puissance à ses interventions, exceptionnelles d’intensité et d’une homogénéité impeccable sous la direction de Sofi Jeannin.
Un demi-siècle après sa création le 30 mai 1962 en la cathédrale de Coventry enfin reconstruite après sa destruction totale en novembre 1940 par l’aviation allemande, le War Requiem possède toujours le même impact : il secoue profondément ses auditeurs et met tous ses musiciens dans une sorte de transe émotionnelle.
Le génie dramatique de Britten s’exprime dans cette œuvre par l’osmose entre la rigueur liturgique de l’Office des morts mélangé aux poèmes bouleversants de Wilfred Owen, poète mort dans les tranchées de la Grande Guerre. Requiem de guerre selon son titre, mais surtout œuvre pacifiste incarnant les convictions profondes de son auteur.
La gestique d’Andris Nelsons, à la fois précise et minimale, est fascinante. Le chef letton et directeur musical de l’Orchestre symphonique de Birmingham est à l’affut du moindre détail rythmique qu’il suggère du bout des doigts, sculptant littéralement les timbres en gestes éloquents mais discrets, et possède surtout une qualité d’attention presque intimiste à l’égard des chanteurs dont il laisse la voix se développer naturellement dans le tempo de la poésie, des mots et de l’émotion qu’ils suscitent.
Les intonations et la couleur du ténor Mark Padmore ont quelque chose de surnaturel, il ose des pianissimi jusqu’à l’extrême extinction du souffle. La puissance alliée à la tendresse font du baryton Hanno Müller-Brachmann un personnage accablé par le poids de la guerre, et lorsque les deux soldats qu’ils incarnent se rejoignent dans le sommeil éternel du Libera me final, un vent glacial semble souffler dans la salle, juste avant le long silence que chacun s’est imposé après de telles émotions.
Diffusion sur France Musique le mardi 2 juillet 2013 Ă 20h
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 08/06/2013 Olivier BERNAGER |
| War Requiem de Britten par le Chœur et l’Orchestre symphonique de Birmingham sous la direction d’Andris Nelsons au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Benjamin Britten (1913-1976)
War Requiem, op. 66
Erin Wall, soprano
Mark Padmore, ténor
Hanno MĂĽller-Brachmann, baryton-basse
Maîtrise de Radio-France
préparation : Sofi Jeannin
Chœur symphonique de Birmingham
préparation : Simon Hasley
Orchestre symphonique de Birmingham
direction : Andris Nelsons | |
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