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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Sixième Symphonie de Mahler par l’Orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg sous la direction de Michael Gielen au festival de Salzbourg 2013.

Salzbourg 2013 (6) :
Danse macabre

© Wolfgang Lienbacher

Interprétation abyssale de noirceur et de modernité pour cette Sixième Symphonie de Mahler que Michael Gielen, l’un des derniers dinosaures de la direction d’orchestre, conduit à quatre-vingt six ans telle une infernale danse de mort, dans une lenteur tétanisante. L’Orchestre de Baden-Baden und Freiburg, qui joue sa survie, s’y surpasse à chaque mesure.
 

GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
Le 21/08/2013
Yannick MILLON
 



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  • Cet Ă©tĂ©, Salzbourg propose, en plus des habituels concerts du Philharmonique de Vienne et de prestigieuses formations invitĂ©es, rien moins qu’une intĂ©grale des symphonies de Mahler rĂ©partie entre six orchestres et sept chefs. Difficile de faire son choix, y compris pour le critique, devant telle plĂ©thore.

    Plutôt que les maillons star system (Dudamel, Rattle), nous avons choisi cette Sixième par l’un des grands hérauts mahlériens de notre époque, l’anti-médiatique Michael Gielen, quatre-vingt-six ans, qui a œuvré toute sa carrière durant, comme la majorité des défenseurs du répertoire contemporain, à la tête d’orchestres de seconde catégorie.

    Après ses cycles mahlériens exemplaires des années 1990, dont une intégrale discographique Hänssler très cotée pour son modernisme et sa maestria structurelle se fait encore l’écho, on était curieux de ce que ce dinosaure de la direction d’orchestre pouvait encore avoir à dire au soir de sa vie sur l’un de ses répertoires de prédilection.

    Ambiance un peu particulière d’ailleurs pour ce concert où dans la nuit qui tombe sur Salzbourg flottent des banderoles devant le Großes Festspielhaus, alertant le public sur la situation critique de l’orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg, qu’un plan de restrictions budgétaires prévoit de fusionner avec celui de la radio de Stuttgart.

    Le directeur du festival Alexander Pereira profite de l’occasion pour monter sur scène afin d’expliquer brièvement la catastrophe que représente ce plan de rigueur qui signifierait la disparition d’un orchestre ayant créé un nombre incalculables d’œuvres depuis sa naissance au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et de lancer un appel aux dons.

    Est-ce ce climat délétère qui donne l’impression que l’orchestre joue comme si sa vie en dépendait ? Car cette Sixième Symphonie restera dans les mémoires par la puissance écrasante de la conception d’un Gielen qui a considérablement ralenti ses tempi, en redoublant d’énergie pour ne pas faire subir à Mahler le sort du Bruckner exsangue de Thielemann il y a dix jours dans la même salle.

    Presque une heure quarante – la durée habituelle de la Troisième Symphonie –, malgré un Andante très moderato, cela donne une idée de la lenteur du chef autrichien dirigeant désormais assis, et observant tout de même la reprise du premier mouvement. Avec une alacrité, une acuité analytique absolue, le vieux maestro creuse, burine la pâte sonore dans une lecture d’une noirceur dantesque, traquant la moindre dissonance, la moindre attaque de cuivres bouchés, le moindre raclement des contrebasses.

    La tension est extrême et continue, et l’on s’étonne que le tempo ne fasse pas fléchir les instrumentistes, mais l’énergie provient tellement de l’intérieur de la battue, de ces gestes verticaux qui flagellent la matière dès que la rigueur rythmique tendrait à se relâcher que la machine avance tel un rouleau compresseur.

    Par ailleurs, Gielen a toujours su déceler dans Mahler les stigmates d’une autodérision typiquement juive, poussée ici jusqu’au sarcasme : bassons goguenards, petite clarinette écharpée, xylophone de danse macabre, mais dans une esthétique sonore large, suffocante presque, au tapis de cordes très ramassé, aux percussions et cuivres aiguisés à loisir – les deux timbaliers du Finale, d’une violence lapidaire.

    L’orchestre de la SWR n’a certes pas la plastique ou la sûreté des plus grandes phalanges internationales mais une image sonore un peu datée, comme ce hautbois très années 1980 avec son large vibrato, y compris lorsqu’il donne le la, mais les limites se transforment ici en atouts face à la volonté terroriste du chef de créer un enfer sonore, qui fera plier un troisième hautbois contraint à sortir de scène à deux reprises.

    Alors on pourra ergoter sur un volume parfois écrasant, dans une salle où l’on est plus habitué à avoir l’oreille flattée par les délices des Wiener, et sur une rigueur absolue que certains qualifieront de raideur, mais la partition a rarement autant fait sens, dans son anticipation de la Seconde École de Vienne et particulièrement d’Alban Berg.

    Qu’importe si l’on ressort de la salle avec les oreilles qui sifflent ? On n’avait jamais entendu en direct la Sixième dans cette vérité morbide, sans concession, jusqu’au-boutiste dans son rythme de marche qui n’a rien de Radetzky, là où tant de chefs jouent la démonstration parfaitement huilée, virtuose, mais au fond bien vide. Et dire que le Großes Festspielhaus était clairsemé…




    GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
    Le 21/08/2013
    Yannick MILLON

    Sixième Symphonie de Mahler par l’Orchestre de la SWR Baden-Baden und Freiburg sous la direction de Michael Gielen au festival de Salzbourg 2013.
    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 6 en la mineur
    SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg
    direction : Michael Gielen

     


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