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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Récital du violoncelliste Gautier Capuçon et du pianiste Frank Braley dans la série des Grande Solistes à la salle Pleyel, Paris.
Le violoncelle en majesté
Compagnons de route éprouvés, Gautier Capuçon et Frank Braley ont mis à la salle Pleyel leur talent et leur habitude d’un vrai travail commun au service d’un programme équilibré couvrant en quatre œuvres quelques deux cents ans d’histoire du violoncelle. De Beethoven à Britten, même splendeur du son et même maîtrise des styles.
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On connaît l’anecdote célèbre de ce grand violoniste qu’un admirateur félicitait pour l’exceptionnelle qualité de son instrument et qui, lui tendant son violon répondit : « Essayez ! ». Ainsi, même si le violoncelle que joue Gautier Capuçon, un Matteo Goffriter de 1701 aux couleurs brunes mordorées incroyables, est à l’évidence un instrument d’exception, ne minimisons pas l’art du virtuose qui en tire des sons d’une pareille beauté.
Car ce qui aura marqué avant tout cette belle soirée de musique de chambre aura été cette perfection sonore, gratifiante sans faiblesse, dans tous les styles, dans toutes les tessitures et dans tous les effets techniques les plus pointus utilisés par les quatre compositeurs. Partenaire parfait, Frank Braley a su affirmer sa personnalité en totale fusion avec celle de Gautier Capuçon.
Le violoncelle jusqu’alors instrument de continuo, n’avait pas émergé comme véritable instrument soliste, notamment grâce à l’attention que lui avait porté Bach, depuis bien longtemps, quand Beethoven composa cette première sonate qu’il qualifie d’ailleurs « pour clavecin ou pianoforte avec violoncelle obligé ».
Un quart de siècle plus tard, c’est pour l’arpeggione, instrument hybride à la vie brève, que Schubert écrit sa Sonate en la mineur qui passera très vite au répertoire du violoncelle romantique. Ces deux partitions sont donc, chacune à sa manière, des jalons significatifs dans l’évolution de l’instrument et dans son implantation aux côtés du violon comme véritable soliste, d’autant que Schubert n’écrira rien d’autre pour le seul violoncelle.
Avec une grande lucidité, les deux interprètes ont su dans cette première partie du concert caractériser tout ce qui peut faire la différence entre le langage d’un Beethoven encore jeune et celui d’un Schubert à quatre ans seulement de la mort. Chez le premier, il y a une volonté dominante de mettre en valeur l’instrument en tant que tel, d’en montrer les possibilités, le message expressif ne frappant pas par sa profondeur ni par son originalité.
Il y a de belles phrases qui chantent avec chaleur, de la virtuosité et le son riche et charnu de Gautier Capuçon met tout cela bien en valeur. Chez Schubert, on est beaucoup plus dans un discours où le mal-être romantique est au premier plan, ce qui rend forcément l’œuvre plus intéressante, plus parlante à la sensibilité. Capuçon et Braley savent alors trouver d’autres sonorités, d’autres phrasés, d’autres équilibres, conformes à cette écriture nettement différente.
La deuxième partie du programme nous ramène au XXe siècle avec Debussy et Britten. Deux partitions à la forte personnalité, celle de Debussy exploitant mille ressources souvent ignorées de l’instrument, celle de Britten répondant à un souhait de Rostropovitch et donc inspirée par cet interprète hors du commun.
Gautier Capuçon domine de façon magistrale les écueils assez pervers qui jalonnent la sonate de Debussy, une fois encore sans jamais que le son perde sa musicalité ni sa séduction. Frank Braley assume tout aussi bien le rôle difficile dévolu au piano par Debussy qui voulait qu’il soit ici juste assez présent pour exister sans surtout prendre le pas sur le violoncelle. Un vrai défi relevé avec classe.
Quant à la Sonate op. 65 de Britten, elle requiert des interprètes une malléabilité et une versatilité aussi habiles que celles demandées à un chanteur dans un cycle de Lieder. La dénomination de ses cinq mouvements, Dialogo, Scherzo, Elegia, Marcia et Moto perpetuo, suffisent à évoquer la variété de tempi, d’humeurs et de couleurs qui est exigée des interprètes.
Intelligemment, avec astuce et goût, les deux instrumentistes redent pleinement justice à toutes les intentions la musique de Britten, compositeur dont on ignore chez nous encore beaucoup certaines richesses.
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Salle Pleyel, Paris Le 11/02/2014 GĂ©rard MANNONI |
| Récital du violoncelliste Gautier Capuçon et du pianiste Frank Braley dans la série des Grande Solistes à la salle Pleyel, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour violoncelle et piano n° 1
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour arpeggione et piano
Claude Debussy (1862-1918)
Sonate n° 1 pour violoncelle et piano
Benjamin Britten (1913-1976)
Sonate pour violoncelle et piano op. 65
Gautier Capuçon, violoncelle
Frank Braley, piano | |
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