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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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L’Histoire du Soldat de Stravinski et El Amor brujo de De Falla dans une mise en scène de Jacques Osinski et Jean-Claude Gallotta et sous la direction de Marc Minkowski à l’Opéra Comique, Paris.
Ballets banals
Sur la scène de l’Opéra Comique, Igor Stravinski et Manuel De Falla sont rapprochés au cours d’un spectacle gentiment alerte qui ne répond guère au caractère ambigu de l’Histoire du Soldat ni aux sortilèges andalous de l’Amour sorcier mais témoigne des potentialités du travail collégial réalisé au sein de la MC2 de Grenoble.
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Airs de marche. Ambiance immédiate, créée par les sept instrumentistes dans la fosse : violon, contrebasse, clarinette, basson, trompette, trombone et percussions des Musiciens du Louvre Grenoble sous la direction de Marc Minkowski. Le récitant, assis à une table côté jardin, commence à conter l’histoire du soldat qui rentre chez lui, quinze jours de congé qu’il a.
Le soldat, balourd debout maintenant face au public, ouvre son sac, va toujours fouillant dans ses pauvres affaires et sort son violon – du bon marché. Il faut toujours l’accorder. Le Diable surgi veut pourtant l’acheter. Plaisir des mots. Le merveilleux texte de Ramuz est parfaitement dit. Chaque phrase porte. Les trois acteurs, Johan Leysen, le récitant, Alexandre Steiger, le soldat, et Arnaud Simon, un diable lui aussi juvénile et sympathique, pourquoi pas, vivent l’aventure pleine des rebondissements heureux et malheureux liés à la possession de ce petit violon.
Autour du soldat, seul et coupé de la réalité par un encadrement en forme de boîte au centre de la scène, l’imagination de Jean-Claude Gallotta projette des danseurs vêtus de noir censés illustrer l’expressivité de la musique de Stravinski. Des garçons pour commencer, puis des filles, onze au total, interviennent sur tous les moments musicaux.
Bonds, galipettes, entrechats, la jeunesse s’en donne à cœur joie sur une chorégraphie sans grande diversité où la seule note de couleur viendra dans la période de bonheur du soldat quand sa danse avec la princesse conquise par le tango, la valse et le ragtime musicalement irrésistibles inspirés là à Stravinski apporte la blancheur de sa robe.
Cette mise en scène guère inventive réalisée par Jacques Osinski et Jean-Claude Gallotta banalise l’humour et la poésie des sonorités troublantes subtilement mêlés à la naïveté du héros et à la malignité du diable.
Les danseurs du Groupe Émile Dubois / Centre chorégraphique national de Grenoble se retrouvent plus logiquement dans la Suite de ballet avec chant de Manuel De Falla, El Amor brujo. D’abord conçu sous la forme d’un spectacle scénique total pour chant, mélodrame, danse, pantomime et ensemble instrumental, créé en 1915 à Madrid, cet Amour sorcier devient un spectacle chorégraphique créé à Paris en 1925 – en même temps que l’Histoire du Soldat.
Dans les deux œuvres, l’innovation du genre, tableaux musicaux contrastés, textes sans contrainte sur la musique, la même époque, les effectifs instrumentaux voisins, encore que celui d’El Amor brujo soit plus important, les sources populaires, ces rapprochements devraient parallèlement souligner l’originalité de chacune. Or ce n’est pas le cas.
Après avoir ressuscité stimulations et provocations de la musique de Stravinski, si les Musiciens du Louvre Grenoble donnent vie aux accents et à l’âpreté d’une musique charnellement andalouse, à la couleur du cante jondo essentiel à son pouvoir, les danseurs se répètent sur une chorégraphie passe-partout du même style que la précédente.
On court, on virevolte, on lève les bras, un genou, parfois toute la jambe, on s’accroupit – un cours de gym. Des couples se forment – figures et passes du bon vieux boogie-woogie d’autrefois –, se séparent, les femmes en petites robes noires, seuls les hommes ont droit à des chemises différentes.
Au milieu de ce désordre apparaît à différentes reprises la gitane Candelas, l’héroïne du drame qui n’en est pas plus un ce soir qu’elle n’est gitane, charmante Olivia Ruiz au demeurant. Voix de tête, sourcils froncés et bouche hargneuse expriment sur le même ton furieux douleurs et colères d’avoir perdu son amant. Les gestes pour accompagner l’amour évoqué semblable au feu follet manquent de lascivité. Seule la joie finale détend le joli minois.
Privé de son essence tragique et de son caractère magique, ce spectacle d’une jeunesse en fête sous la protection des cheveux blancs d’un Marc Minkowski souriant nous frustre de ses sortilèges.
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 07/04/2014 Claude HELLEU |
| L’Histoire du Soldat de Stravinski et El Amor brujo de De Falla dans une mise en scène de Jacques Osinski et Jean-Claude Gallotta et sous la direction de Marc Minkowski à l’Opéra Comique, Paris. | Igor Stravinski (1882-1971)
L’histoire du Soldat
Johan Leysen, récitant
Alexandre Steiger, le soldat
Arnaud Simon, le diable
Alexane Albert, la princesse
Manuel de Falla (1876-1946)
El Amor brujo
Olivia Ruiz, Candelas
Johan Leysen, récitant
Groupe Émile Dubois / Centre chorégraphique national de Grenoble
Les Musiciens du Louvre Grenoble
direction : Marc Minkovski
mise en scène : Jacques Osinski
chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
décors : Christophe Ouvrard | |
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