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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Reprise de Les Capulet et les Montaigu de Bellini dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Bruno Campanella à l’Opéra de Paris.
Brillantes prises de rĂ´les
N’ayant pas pu ou pas voulu inviter des stars comme pour les précédentes reprises de cette production de 1996, l’Opéra de Paris a joué la carte de la prise de rôle in loco de Karine Deshayes en Roméo. Elle aurait dû avoir la Russe Ekaterina Siurina comme Juliette. Malade, cette dernière fut remplacée quasiment au pied levé par la jeune coréenne Yun Jung Choi. Une révélation confirmée.
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Les Capulet et les Montaigu, créé à Venise en 1830, n’est pas l’opéra le plus populaire de Bellini. Plus que tout autre, il est fait pour la beauté d’un chant romantique qui s’épanche en longues phrases sublimes qui naissent tranquillement d’une petite introduction orchestrale souvent à trois temps, ou qui s’organise en duos incroyables où les voix s’entrelacent, se séparent et s’entrelacent encore à l’infini.
Ce flot de sensibilité est mis en abyme par les interventions plus rudes de quelques voix d’hommes et surtout de chœurs guerriers d’une solide virilité. On n’est pas en permanence sur des sommets comme dans Norma ou I Puritani, mais quand les voix jouent bien ce jeu du bel canto, l’œuvre porte et le succès très vif remporté ce jeudi soir prouve son indiscutable efficacité dramatique.
Or, succédant à Patrizia Ciofi et à Anna Netrebko qui avaient tenu ce rôle lors de la dernière reprise en 2008, la jeune Coréenne Yun Jung Choi et Karine Deshayes qui succédait à Joyce DiDonato, ont parfaitement honoré le beau chant ici requis. La première est issue notamment de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris avec lequel on l’a entendue souvent.
En 2005, après un concert Mozart de l’Atelier, Mehdi Madhavi écrivait dans ces colonnes : « Un Non mi dir comme il s’en entend rarement, voix ample, timbre lumineux, style irréprochable, et vocalise ciselée, il lui reste sans doute à arrondir quelques angles et affiner certaines nuances mais la musicienne est déjà intense » Neuf ans plus tard, le travail a porté ses fruits. Toutes les qualités relevées sont toujours aussi frappantes et séduisantes et la voix a aujourd’hui cette facilité et cette malléabilité qui lui faisaient peut-être légèrement défaut alors.
Sa biographie ne nous dit pas si elle était prévue comme doublure ou si elle a déjà chanté ce rôle. On nous a seulement annoncé qu’elle avait été avertie l’après-midi même qu’elle chanterait le soir. Bel exemple, en plus de professionnalisme, car tout est absolument en place musicalement et scéniquement. Oui, vraiment irréprochable et très gratifiant à tous égards.
Quant à Karine Deshayes, elle n’a pas fini de nous étonner. Elle va de prise de rôle en prise de rôle sans faire d’erreur et continue son parcours sans faute. Après sa si belle Charlotte de Werther, elle change ici totalement de style, de personnage, porte la culotte avec abattage, manie l’épée comme un mec, silhouette convaincante, sans jamais chercher à forcer la dose dans le genre viril.
Et le chant est superbe. Tout est sous contrôle, le phrasé, qui se déroule sur le souffle comme l’archet mène le son du violon, la technique du passage si difficile à acquérir pour tant de mezzos, et l’art de ne poitriner que quand c’est indispensable. Musicienne comme pas deux, intelligente, Karine Deshayes est décidément une artiste exceptionnelle.
Sans être sacrifié, le rôle de Tebaldo est plus modeste, drôle de mélange entre le personnage shakespearien de Paris et de Tybalt car le livret, hormis sa conclusion, est une très libre interprétation de la tragédie originale, mais permet à Charles Castronovo de nous rappeler qu’il a l’une des plus jolies voix de ténor romantique actuelles. Paul Gay en colossal père tyrannique et cruel, Nahuel Di Pierro (Frère Laurent), lui aussi issu de l’Atelier Lyrique, complètent efficacement cette bonne distribution.
Les chœurs ont un investissement musical et théâtral généreux et sonnent avec le souci de faire avant tout de la musique. Sous la baguette de Bruno Campanella, l’Orchestre de l’Opéra nous a gratifiés d’une très subtile approche de cette partition riche en solos instrumentaux, notamment chez les vents, qui rivalisent de qualité sonore avec les voix. Et le public apprécie, manifestant bruyamment et longuement sa satisfaction, ce qui n’est pas si souvent le cas.
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