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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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RĂ©cital de la pianiste Elisabeth Leonskaja dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris.
Passions russes secrètes
Discrète, Elisabeth Leonskaja demeure l’une des dernières grandes représentantes de la tradition de piano russe. À la salle Pleyel et sous le patronage de Piano****, sans surprise, elle nous a offert une vision originale et affirmée de grands chefs-d’œuvre romantiques et expressionniste de la littérature pianistique.
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Il est des artistes dont on aime parler, qu’on aime écouter, qui métamorphosent le sacramentel récital de piano en une expérience liturgique intime, exigeante et unique. Ces musiciens se tiennent loin des feux de la presse et des mirages de la mode. Ils ont construit leur carrière sur une vision et une manière. La grande Leonskaja, éminente figure de la grande tradition de l’école de piano russe, en fait partie.
Quelques sièges vides, un public un peu plus « barbe fleurie » que d’habitude, témoignent de la singularité de cette soirée : comment imaginer que la pianiste géorgienne, partenaire fidèle de Sviatoslav Richter, eût posé un pied sur une scène de concert qui ne soit pas à guichet fermé ?
L’intéressant couplage de la Sonate n° 4 en la mineur D537 et de la grave Quinzième (et inachevée) sonate D840 est d’autant plus subtil qu’il permet d’asseoir la vision coloriste de la pianiste. Les tempi rapides, notamment dans l’Allegretto quasi andantino, les détentes originales, les nuances toujours affirmées mais jamais déclamées, peuvent surprendre. Parfois même, ces choix artistiques pourraient dérouter, sans jamais trahir ni corrompre les partitions. Le son est projeté, l’architecture des œuvres limpide.
Les mêmes commentaires s’apposent à son interprétation de la Sonate op. 1 d’Alban Berg, joyau expressionniste teinté d’éclats romantiques. La pianiste impose une vision délibérément constructiviste de l’œuvre, c’est-à -dire où la structure prime sur l’élan, le mouvement postromantique pourtant si évident dans la partition. C’est que, peut-être, Leonskaja l’envisage déjà comme un manifeste expressionniste, un prélude aux futures grandes pièces dodécaphoniques du compositeur viennois.
La partie la plus intéressante du concert se situe finalement en deuxième partie avec la Sonate n° 1 en fa# mineur op. 11 de Robert Schumann. Difficile, elle l’est à maints égards : c’est une œuvre de jeunesse touffue, dense, aux multiples aspérités thématiques qui s’entrelacent indéfiniment jusqu’à la dernière mesure. Quatre mouvements amples et longs la construisent, et annoncent déjà le Schumann crépusculaire de la maturité. C’est justement cette dimension que choisit de développer la pianiste russe, et l’on suit avec beaucoup d’attention sous ses doigts les grands mouvements qui sous-tendent la sonate et finissent par lui donner cohérence et force.
Généreuse, elle l’est tout autant par les trois bis offerts : de Chopin l’Étude op. 25 n° 12 et le Nocturne op. 27 n° 2, enfin le Rondo du sou perdu de Beethoven, tout aussi virtuoses et sans concession, à la Richter. Puissance et engagement de l’école russe à son meilleur niveau.
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Salle Pleyel, Paris Le 12/05/2014 Florent ALBRECHT |
| RĂ©cital de la pianiste Elisabeth Leonskaja dans le cadre de Piano**** Ă la salle Pleyel, Paris. | Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en la mineur D 537
Sonate en ut majeur « Reliquie » D 840
Alban Berg (1885-1935)
Sonate op. 1
Robert Schumann (1810-1856)
Sonate n° 1 en fa# mineur op. 11
Elisabeth Leonskaja, piano | |
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