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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Daphné de Strauss dans une mise en scène de Patrick Kinmonth et sous la direction de Hartmut Haenchen au Théâtre du Capitole, Toulouse.
Au ras des pâquerettes
Très rarement représentée, la tragédie bucolique Daphné de Richard Strauss, créée à Dresde en 1938, marque avec pertinence au Capitole de Toulouse le cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur. Avec une vraie splendeur de la partie orchestrale mais aussi une mise en scène au manque total d’inspiration.
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Oublions pour une fois le contexte politique de la création, en pleine Allemagne nazie, pour ne voir dans Daphné que l’une des plus belles réalisations lyriques de Richard Strauss. Une œuvre particulièrement difficile à représenter pourtant, ne serait-ce que pour ce qu’elle exige de ses interprètes – orchestre, chœurs et solistes – afin de trouver ses justes équilibres. Pour un tel sujet mythologique, Dionysos et Apollon, la violence et la sérénité, l’énergie tellurique et le rayonnement solaire, doivent être présents à parts égales et s’harmoniser avec un raffinement de tous les instants.
C’est sur l’opposition des contraires et leur sublimation que repose la magnificence de cette « tragédie bucolique » qui, dans son essence même, est au cœur de ce que, depuis ses tout débuts, l’opéra a pu produire de plus magique et de plus fort. Autant dire qu’en programmant Daphné, le Théâtre de Capitole mettait la barre très haut. Par malchance, les trois premiers rôles prévus à l’origine (Camilla Tilling, Alfred Kim, Maximilian Schmitt) ont dû être remplacés ; ce qui ne pouvait que créer des difficultés supplémentaires pour la parfaite réalisation de cet ambitieux projet.
Ce qui n’a pas changé heureusement, c’est l’orchestre et son chef. Hartmut Haenchen, qui avait déjà dirigé à Toulouse Elektra (2010) et Tannhaüser (2012) réussit, à la tête d’une formation symphonique de tout premier ordre, à traduire souverainement la subtilité et la puissance du discours straussien. Sans jamais forcer le trait et en conservant toujours la luminosité qu’exige un tel ouvrage.
Responsable à la fois des décors, des costumes et de la mise en scène, Patrick Kinmonth est loin, dans son domaine, d’obtenir des résultats aussi probants. Choisir pour cadre unique une sombre caverne, faite de roches grisâtres et d’eau stagnante, nous semble déjà un contresens par rapport à un sujet mythologique que l’on imaginerait plus volontiers sur fond d’oliviers et de ciel bleu.
La référence voulue aux Bergers d’Arcadie, le célèbre tableau de Poussin, n’est qu’effleurée ici et ne nous vaut, aux premières mesures de l’ouvrage, que quelques figures vivantes bien inutiles. Plus grave, les déplacements sur scène se font le plus souvent de manière confuse. Ajoutons qu’il ne suffit pas pour évoquer la frénésie d’une fête bachique de donner des tuniques couleur lie de vin à des danseurs et de les faire se rouler pêle-mêle dans une grande flaque d’eau. La scène finale, lorsque Daphné se transforme en arbre, ne trouve pas non plus une traduction visuelle très convaincante.
De la distribution, on retient en premier Andreas Schager, qui affronte avec une vaillance rare et une élégance souveraine la tessiture meurtrière d’Apollon. Passant sans problème au-dessus d’un orchestre puissant, sa voix s’impose sans peine apparente et avec, quels que soient les pièges qui l’attendent, une aisance remarquable. Un ténor héroïque comme on n’en rencontre guère de nos jours.
Vaillant lui aussi mais avec nettement moins de souplesse et un timbre nettement plus ingrat, Roger Honeywell campe un Leukippos plus agressif que sensible. À l’autorité vénérable de Franz-Josef Selig (Peneios) répond la sombre présence d’Anna Larsson (Gaea). Tous les autres rôles ainsi que le chœur n’appellent que des éloges.
Reste le rôle-titre sur lequel repose tout l’opéra. Claudia Barainsky, qui mène depuis plusieurs années une carrière solide dans les théâtres allemands, a tout à la fois le métier et l’endurance que l’on peut attendre d’elle. Présente sur scène pratiquement du début jusqu’à la fin, elle effectue un parcours sans faute, qui se termine par une scène finale particulièrement émouvante. Lui manquent pourtant la prestance physique, le rayonnement vocal et surtout cette personnalité hors normes qui feraient d’elle une Daphné mémorable.
Un grand succès public néanmoins pour cet opéra que l’on redécouvre toujours, que ce soit au disque ou plus rarement sur une scène, avec un immense bonheur.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 25/06/2014 Pierre CADARS |
| Nouvelle production de Daphné de Strauss dans une mise en scène de Patrick Kinmonth et sous la direction de Hartmut Haenchen au Théâtre du Capitole, Toulouse. | Richard Strauss (1864-1949)
Daphne, tragédie bucolique en un acte op. 82 (1938)
Livret de Joseph Gregor
Chœur et Orchestre national du Capitole
direction : Hartmut Haenchen
mise en scène, décors & costumes : Patrick Kinmonth
Ă©clairages : Zelina Hughes
chorégraphie : Fernando Melo
préparation des chœurs : Alfonso Caiani
Avec :
Franz-Josef Selig (Peneios), Anna Larsson (Gaea), Claudia Barainsky (Daphné), Roger Honeywell (Leukippos), Andreas Schager (Apollo), Patricio Sabaté (Premier Pâtre), Paul Kaufmann (Deuxième Pâtre), Thomas Stimmel (Troisième Pâtre), Thomas Dear (Quatrième Pâtre), Marie-Bénédicte Souquet (Première Servante), Hélène Delalande (Deuxième Servante).
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