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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production du Chevalier à la rose de Strauss dans une mise en scène de Harry Kupfer et sous la direction de Franz Welser-Möst au festival de Salzbourg 2014.
Salzbourg 2014 (2) :
Le Chevalier alpestre
En cette année de cent cinquantenaire de la naissance de Richard Strauss, Salzbourg fête le compositeur bavarois avec une nouvelle production du Chevalier à la rose, titre parmi les plus emblématiques du festival. Dans une nouvelle production ultra consensuelle de Harry Kupfer, et avec la baguette tonitruante, si peu viennoise, de Franz Welser-Möst.
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Pour le critique habitué aux relectures nécessitant des lignes d’exégèse, la nouvelle production du Chevalier à la rose fêtant Richard Strauss à Salzbourg sera l’occasion d’une évocation scénique moins circonstanciée. Car bien loin en effet semble le temps où Harry Kupfer était à la pointe de la modernité (Parsifal berlinois, Ring futuriste de Bayreuth, Elektra viennoise).
L’ancien Est-allemand s’est considérablement assagi, au point qu’on a l’impression que ce Rosenkavalier ne lui inspire rien qui n’ait déjà été vu mille fois. Ce qui ne veut pas dire que sa mise en scène soit dénuée d’intérêt, mais hormis l’idée que le petit Mohammed, serviteur plus adolescent qu’enfant, en pince pour la Maréchale, on a ici affaire à une lecture hyperclassique.
À la singularité près d’une scénographie légèrement déstructurée, palais viennois Jugendstil réduit à ses portes et un grand miroir, sans toit ni murs, et quelques éléments (chaises, fauteuil, lit) façon Wiener Werkstätte. Sur le mur du fond de scène, au format cinémascope, des images en noir et blanc de toits et somptueux palais viennois, de jardins, d’allées, de parcs, offrent un contrepoint au parcours émotionnel des personnages.
La Kupfer touch se sent un peu plus devant certains costumes aux couleurs pas franchement élégantes (les complets-cuir violet puis orange-marron d’Octavian), ou dans une scène de l’auberge où l’on reconnaît la patte de son décorateur de toujours Hans Schavernoch, comme cette grosse baleine en métal trônant au-dessus de l’entrée.
Cette mise en scène on ne peut plus consensuelle est relayée par une exécution musicale accueillie d’une manière mesurée typiquement salzbourgeoise. Il faut dire que dans l’ensemble, ce Chevalier à la rose a quelque chose de gentiment provincial, à une exception qui n’est pas un détail : le jeu des Wiener Philharmoniker, un spectacle à eux seuls.
On ne dira jamais à quel point Salzbourg reste une expérience unique ne serait-ce que pour la présence en fosse du roi des orchestres (le hautbois aux mille facettes de Martin Gabriel, facétieux comme jamais), d’une évidence sonore de chaque instant, y compris lorsqu’il est fort mal dirigé. Car Franz Welser-Möst, pourtant autrichien, n’a vraiment pas Vienne dans le sang, battue raide et droite, rubato minimal.
S’il cherche à dramatiser le Rosenkavalier, à lui retirer des couches de kitsch, ce qui peut être une bonne idée, il oublie qu’il ne dirige pas la Symphonie alpestre et saute à pieds joints dans LE péché mortel : le matraquage sonore, réduisant trop souvent le plateau au mime. Un débordement patent dans chaque mezzo forte, surtout avec des voix plutôt légères, échouées sur la scène gigantesque du Grosses Festspielhaus. Adieu donc conversation en musique…
Atmosphère provinciale disions-nous, en raison d’une distribution de petits rôles façon Opéra de Zurich que le patron de Salzbourg Alexander Pereira a longtemps dirigé : une Annina et un Valzacchi confidentiels, une Marianne sans relief, un Chanteur italien étriqué, un Faninal ténorisant et sans projection. Bref, une cohorte de seconds rôles insuffisants pour Salzbourg.
Les Hauptrollen sont à peine mieux lotis. Günther Groissböck, ampleur très limitée, peine à faire goûter le patois viennois du Baron Ochs, et n’a surtout qu’une sorte de croassement étouffé en guise de quinte grave, tout l’inverse de la Sophie de Mojca Erdmann, victime d’un début de refroidissement, voix en tête d’épingle déployant des coloratures aigrelettes. L’Octavian de Sophie Koch, éblouissant en 2004 in loco pour Robert Carsen, apparaît bien abîmé, aigus blanchâtres, grave altéré, registres complètement déconnectés, malgré une adéquation toujours évidente avec le personnage et une irrésistible vis comica.
Il n’est guère d’inoubliable au final que la Maréchale de Krassimira Stoyanova. Pilier de l’Opéra de Vienne depuis vingt ans, la soprano bulgare est enfin employée à sa juste valeur dans la ville de Mozart. N’était une déclamation allemande plus acquise qu’innée, elle est exactement le personnage : vulnérable et amoureuse, pétrie d’états d’âme soudains, grandeur du sacrifice et dignité de chaque instant.
Elle est surtout l’une des rares de notre époque, avec Soile Isokoski ou Anne Schwanewilms, à avoir la souplesse vocale, le grand legato viennois, la capacité d’allègement dans le haut-médium à même de prodiguer des sons filés sans affectation et d’ineffables aigus pianissimo. Maigre moisson au final pour ce Chevalier qui se laisse regarder, et dont la captation saura sans doute rééquilibrer une balance plateau-fosse largement défaillante.
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 05/08/2014 Yannick MILLON |
| Nouvelle production du Chevalier à la rose de Strauss dans une mise en scène de Harry Kupfer et sous la direction de Franz Welser-Möst au festival de Salzbourg 2014. | Richard Strauss (1864-1949)
Der Rosenkavalier, Komödie für Musik en trois actes (1911)
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Salzburger Festspiele und Theater Kinderchor
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Franz Welser-Möst
mise en scène : Harry Kupfer
décors : Hans Schavernoch
costumes : Yan Tax
Ă©clairages : JĂĽrgen Hoffmann
vidéo : Thomas Reimer
préparation des chœurs : Ernst Raffelsberger & Wolfgang Götz
Avec :
Krassimira Stoyanova (Die Feldmarschallin), Günther Groissböck (Der Baron Ochs), Sophie Koch (Octavian), Adrian Eröd (Herr von Faninal), Mojca Erdmann (Sophie), Silvana Dussmann (Marianne Leitmetzerin), Rudolf Schasching (Valzacchi), Wiebke Lehmkuhl (Annina), Stefan Pop (Ein Sänger), Tobias Kehrer (Ein Polizeikommissar), Franz Supper (Der Haushofmeister bei der Marschallin), Martin Piskorski (Der Haushofmeister bei Faninal), Dirk Aleschus (Ein Notar), Roman Sadnik (Ein Wirt), Andreja Zidaric, Phoebe Haines, Idunnu Münch (Drei adelige Waisen), Alexandra Flood (Eine Modistin), Franz Gürtelschmied (Ein Tierhändler), Rupert Grössinger (Leopold), Won Cheol Song, Franz Gruber, Friedrich Springer, Jens Musger (Lakaien), Florian Boberski, Kiril Chobanov, Manuel Grabner, Helmut Höllriegl, Boris Lichtenberger, Christian Schläpfer (Lernenauischen), Liviu Burz (Hausknecht). | |
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