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CRITIQUES DE CONCERTS 26 avril 2024

RĂ©cital de Yuja Wang dans le cadre de Piano**** Ă  la salle Pleyel, Paris.

Yuja Wang, l’enchanteresse
© Esther Haase

Quand une pianiste géniale se met au service de compositeurs de génie, quand elle peut tout se permettre et se le permet avec autant d’assurance que d’humilité pour le plus grand bonheur de ceux qui l’écoutent… et la regardent, quand Schubert, Scriabine et Balakirev se retrouvent aussi bellement aimés la même soirée…
 

Salle Pleyel, Paris
Le 07/10/2014
Claude HELLEU
 



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  • Elle ose tout et sĂ©duit et ravit de la première Ă  la dernière minute d’un programme exceptionnel, dès son entrĂ©e sur scène, Ă©paules et bras dĂ©nudĂ©s moulĂ©e dans un fourreau rouge ouvert jusqu’au haut d’une jambe droite admirable, la dĂ©marche tranquille et assurĂ©e sur les talons aiguilles de dix centimètres d’escarpins noirs comme la doublure d’une traĂ®ne relevĂ©e par la main gauche avec une dĂ©sinvolture exquise, noirs comme les cheveux qui couronnent cette crĂ©ature de rĂŞve dont la tenue paraĂ®t aussi naturelle que le jeu qui va nous Ă©blouir.

    À peine assise, droite, immobile, elle retrouve Schubert. Des lieder extraits du Chant du cygne et de la Belle meunière transcrits par Liszt à la grande Sonate pour piano en la majeur, la douceur du toucher alliée à son idéale fermeté épure l’expressivité sans cesse renouvelée du compositeur.

    Poésie du climat pour nous y introduire. Sous les couleurs pastel et chatoyantes du piano, la délicatesse du Message d’amour, la meurtrissure de Séjour, le dialogue entre Le Meunier et le ruisseau, l’émotion, la tristesse, la tendresse, l’espérance se confient. Yuja Wang chante avec autant de naturel que d’inspiration et suit Schubert dans sa progression vers la dernière année de sa vie et l’immense sonate écrite deux mois avant sa mort et néanmoins rayonnante d’énergie, qu’elle enchaîne aux trois pièces précédentes.

    Hardiesse de son entrée. Les harmonies changeantes éclairées dans toutes leurs subtilités s’allient aux rythmes volontaires. La sonorité lumineuse irradie la limpidité des traits, leur détachement, les contrastes aérés. De l’extrême grave du clavier aux tessitures les plus élevées, l’aisance technique de la pianiste peut tout se permettre et ne s’en prive pas, aussi bien mise au service de sa pénétration des moments de contemplation qu’engagée à donner tout son sens à la vigueur amoureuse de la vie d’un homme qui se sait condamné.

    Bouleversante entrée dans un Andantino où se mêlent le poids de la douleur et de la rébellion. Balancement d’une inexorable désolation rompu par une improvisation visionnaire. Déchaînement d’une agitation apocalyptique magnifiquement habitée. Retour à ces notes portées vers la sérénité au-dessus de l’abîme entrevu.

    Avant que la légèreté succède à la gravité dans un Scherzo au staccato irrésistiblement capricieux entre ombres et lumière. Profitons du présent, amusons-nous, dansons, que la joie de vivre triomphe et que l’Allegretto final la prolonge. État de grâce où s’insère la prescience de sa fin. Le drame ne peut s’oublier. Mais d’ici sa fatalité, que la paix revienne.

    Sa virtuosité incroyablement perlée, son audace à pénétrer, caresser, griffer, frapper, aimer, Yuja Wang les met maintenant au service de Scriabine. Du Prélude pour la main gauche, éblouissante démonstration d’une insolente aisance, à la Sonate Messe noire, le parcours est saisissant. Passion étourdissante du Prélude op. 11 n° 8, Fantaisie op. 28 aux arpèges démesurés, à la richesse polyphonique tourbillonnante, Prélude op. 37 n° 1 d’un romantisme frémissant, Deux Poèmes énigmatiques : le cheminement nous envoûte jusqu’au Poème satanique, ainsi l’appelait son auteur.

    Murmure indécis, langueur naissante, évocations mystérieusement inquiétantes, la tension monte vers le jaillissement d’une sensualité fiévreuse puis dangereusement caressante et empoisonnée. Sous la liberté sonore, les fusées de notes, les trilles timbrés à l’infini, les silences abyssaux découvrent et creusent une morbidité dont la jeune interprète exacerbe la magie secrète. Avant d’interroger sa menace pour mieux lui faire face.

    La conclusion de ce récital d’une beauté rare, c’est un Islamey jamais encore entendu à ce point transcendé. Déplacements périlleux, martèlements haletants, arpèges diaboliquement égrenés, les deux mains également puissantes et souples se jouent des périls de la Fantaisie orientale, la parant de toutes ses séductions dans un tempo hallucinant. Yuja Wang, toujours aussi fraiche et apparemment impassible, la rejouera en troisième bis… encore plus rapide !




    Salle Pleyel, Paris
    Le 07/10/2014
    Claude HELLEU

    RĂ©cital de Yuja Wang dans le cadre de Piano**** Ă  la salle Pleyel, Paris.
    Franz Schubert (arrangement : Liszt)
    Liebesbotschaft
    Aufenthalt
    Der MĂĽller und der Bach
    Franz Schubert (1797-1828)
    Sonate pour piano en la majeur D959
    Alexandre Scriabine (1872-1915)
    Prélude pour la main gauche en ut# mineur op.9 n° 1
    Prélude op. 11 n° 8 en fa# mineur
    Fantaisie op. 28 en si mineur
    Prélude op. 37 n° 1 en sib mineur
    Deux poèmes op. 63
    Sonate n° 9 op. 68 « Messe noire Â»
    Milli Balakirev (1837-1910)
    Islamey, fantaisie orientale op. 18
    Yuja Wang, piano

     


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