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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Récital du violoniste Renaud Capuçon et de la pianiste Khatia Buniatishvili dans le cadre des Grands Solistes à la salle Pleyel, Paris.
Ă€ tour de rĂ´le
Tel un vieux couple qui a appris à cohabiter plutôt qu’à fusionner, Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili s’effacent à tour de rôle afin de ne pas empiéter sur la présence de l’autre et lui laisser toute liberté de sa musicalité. Mais quand l’accouplement arrive, alors il y en a un qui doit se battre pour ne pas disparaître…
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Un programme divers et séduisant, où les moments se suivent et se ressemblent. Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili ont trouvé une forme d’entente. Dans une grande attention à l’autre, chacun s’efface au bon moment. Au point d’obliger parfois l’auditeur à tendre l’oreille vers la pianiste quand c’est elle qui prend soin de ne pas couvrir le violoniste.
Ainsi dans les Quatre pièces romantiques pour violon et piano de Dvořák. Le violon chante la Cavatine d’ouverture, son lĂ©ger vibrato accompagnĂ© par un piano totalement effacĂ©. Quand celui-ci prend le pouvoir dans un Allegretto qui se dramatise, le violon donne l’impression de le suivre de son mieux.
La Romance rend au violon sa prééminence. L’expressivité plaintive du phrasé, pas toujours net, s’accentue dans l’Élégie. Ses répétitions y tournent en rond autour d’une tristesse mélodramatique. Le piano, là encore des plus discrets, l’empêchera-t-il de s’y noyer ? L’interprétation de ce soir uniformise « ces petits joyaux du romantisme national tchèque » (Pierre-Emile Barbier) sous son affliction.
Dans la Sonate pour violon et piano n° 3 de Grieg, le duo tend à une équivalence des voix que le violon ne réussit pas à imposer. Ni surprise ni émotion ne renouvellent la succession de nuances répétitives dont les intentions conflictuelles et la mélancolie se banalisent dans un sombre systématisme. Crescendo, forte, decrescendo, piano, à nouveau crescendo, etc.
Après cet Allegro molto ed appasionato qui ne l’est guère, c’est le piano qui ouvre l’Allegretto espressivo alla Romanza et nous introduit, la sonorité claire, dans un lyrisme rayonnant de calme. Le violon reprend la mélodie, se plaisant à des alanguissements tremblotants, le piano n’apporte rien à ce jeu uniforme et la lenteur du mouvement, heureusement coupée d’un air de danse inspiré du folklore norvégien, tourne bientôt à la fadeur.
Même si la partition de certaines œuvres de musique de chambre favorise l’alternance des interprètes, il y a toujours des moments de fusion. L’énergie du finale Allegro animato confirme la différence de puissance des deux protagonistes. Dès que le piano se déchaîne, le violon peine à suivre, ses traits se brouillent, ses basses disparaissent, ses aigus ne sont pas toujours justes. Seul son médium s’épanouit et connaît alors des expressions de toute beauté, notamment dans l’éclat d’une fin dont la passion impose l’union des protagonistes.
L’interaction des sonorités de la célèbre Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck soutient une expressivité aussi mystérieuse que prenante, vénérée des chambristes. Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili la simplifient parfois en excès inutiles. Harmonies au piano, mélodie du violon, modulation des thèmes, échanges, réunion, leur sensibilité à l’imploration du premier mouvement la charge d’effets.
La nervosité des doubles croches au clavier, le lyrisme du violon, le rythme haletant, imposent un dialogue violemment passionné dans l’Allegro suivant. Quand les réactions se superposent, estompant leurs nuances et se mélangeant plus ou moins, elles ne s’en élèvent pas moins dans un même élan à la conviction contagieuse.
L’expressivité du tandem connaît son plus bel épisode dans le troisième mouvement, et tant pis si l’intensité du climat final s’appuie quelque peu lourdement sur des étais bien plantés. L’ovation du public salue l’interprétation brillante d’un chef-d’œuvre auquel on peut préférer une atmosphère plus richement pudique.
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Salle Pleyel, Paris Le 13/10/2014 Claude HELLEU |
| RĂ©cital du violoniste Renaud Capuçon et de la pianiste Khatia Buniatishvili dans le cadre des Grands Solistes Ă la salle Pleyel, Paris. | AntonĂn Dvořák (1841-1904)
Quatre pièces romantiques pour violon et piano, op. 75b
Edvard Grieg (1843-1907)
Sonate pour violon et piano n° 3 en ut mineur, op. 45
CĂ©sar Franck (1822-1890)
Sonate pour violon et piano en la majeur
Renaud Capuçon, violon
Khatia Buniatishvili, piano | |
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