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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Nouvelle production de l'Enlèvement au Sérail de Mozart dans une mise en scène de Zabou Breitman et sous la direction de Philippe Jordan à l'Opéra de Paris.
Un Enlèvement grand public
Cette nouvelle production de l'Enlèvement au sérail marque le retour du Singspiel mozartien à l'Opéra de Paris après trente ans d'absence. Le parfum de la nouveauté y cède rapidement la place à une impression de déjà -vu et d'abus de bonnes recettes, d’autant que la direction de Philippe Jordan s’avère bien rectiligne.
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Mozart n'a pas facilité les choses aux metteurs en scène. Comment appréhender aujourd'hui une œuvre dont la langue, la forme, le sujet semblent – a priori – faire obstacle à un succès public comparable à des ouvrages comme Don Giovanni ou la Flûte enchantée ? Il bien loin désormais le temps des modeuses turqueries, avec leur cortège de fascination et de peurs mêlées – l'Empire Ottoman était de nouveau aux portes de Vienne une petite centaine d'années avant que Mozart ne compose sa partition.
Pour ses premiers pas dans le monde de la mise en scène d'opéra, Zabou Breitman signe une réalisation sans grand enjeu polémique, avec un soin prononcé pour le divertimento et l'humour bon enfant. Ne connaissant pas l'œuvre avant qu'on lui fasse la proposition de la mettre en scène, elle a tiré du livret les angles et les ressorts traditionnels du théâtre et de la culture populaires et grand public.
Son Belmonte ne déparerait pas dans un tome inédit des aventures de Tintin ou bien sur grand écran aux côtés de Rudolph Valentino. L'univers fantasmagorique du cinéma muet fait d'ailleurs partie des sources d'inspiration principales de cette scénographie. Avant que n'éclate l'ouverture, d'amusantes saynètes filmées racontent le rapt des quatre occidentaux avec fermeture à l'œillet, gros plans sur les regards pâmés et les mimiques outrées façon Chaplin ou Lubitsch.
Les choses se gâtent assez vite, notamment quand on découvre en pleine lumière le très lourd et très encombrant décor de Jean-Marc Stehlé (décor jumeau de l'inoxydable Barbier de Séville qui avait si longtemps tenu l'affiche).
Les chanteurs se prêtent de bon cœur à ce joyeux assemblage de joyeusetés où rien ne nous est épargné, entre Topkapi en carton-pâte, mendiant efflanqué fumeur de narguilé et danseuses du ventre qui se trémoussent… Le livret de Johann Gottlieb Stephanie est criblé tout du long par les très visibles et très pesants panneaux de signalisation du comique de situation (et de répétition).
Pulsée au pas de charge par une direction d'orchestre rectiligne et plus soucieuse de la carrure que de l'épaisseur des notes, la musique trouve dans les chanteurs des bonheurs inégaux. La palme va sans hésiter aux piquantes et délicieuses Erin Morley (Konstanze) et Anna Prohaska (Blonde).
La première se débarrasse assez vite des scories techniques qui plombaient son Ach ich liebte pour libérer une ligne vocale à l'admirable legato. Prohaska allie à merveille les talents d'actrice (la jeune captive qui se rebelle) et l'expression d'un chant à la précision redoutable. La prise de rôle de Bernard Richter en Belmonte n'est pas une réussite absolue. Habitué à pousser ses aigus, il peine à tenir la distance et surjoue constamment ce qui devrait au contraire nécessiter plus de subtilité.
Le Pedrillo de Paul Schweinester, quant à lui, se retrouve rapidement sur la touche, faute de moyens et d'endurance. Si l'on ajoute un pacha Selim assez neutre (Jürgen Maurer), tranchant avec un excellent Osmin (le truculent Lars Woldt), la soirée s'inscrit globalement dans la catégorie des bons moments pas forcément inoubliables.
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