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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Giulio Cesare de Haendel dans une mise en scène de Frédéric Andrau et sous la direction de Rinaldo Alessandrini à l'Opéra de Toulon.
Giulio Cesare chez Fellini
Giulio Cesare de Haendel débarque à Toulon, scène peu habituée à l'univers baroque. Sous la direction efficace de Rinaldo Alessandrini, l'orchestre local adopte des couleurs inusitées et porte avec succès un plateau vocal de premier choix. Seules les options en demi-teinte de la mise en scène de Frédéric Andrau viennent freiner notre enthousiasme.
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On peut tout à fait lire le Giulio Cesare de Haendel comme le miroir de la rencontre de deux mondes et de leur double décadence. Si la cohérence du parti pris ne se dément pas, sa mise en image mérite quelques précautions dont, visiblement, Frédéric Andrau ne s'est guère embarrassé. En puisant dans le catalogue de personnages du fantastique et baroque Satyricon fellinien, le metteur en scène choisit une couleur d'ensemble qui évacue toute lecture politique et relation au monde contemporain. Cet entre-deux se tient à bonne distance des options généralement applicables à l'opera seria haendélien, à savoir une reconstitution historique ou bien la transposition du drame dans le monde contemporain.
Est-ce à dire qu'une telle approche recueille les inconvénients et ne constitue pas une issue crédible ? C'est le souvenir de Fellini qui interfère sans cesse, tel un masque que l'on serait venu plaquer sur la musique de Haendel. Impossible de discerner l'Empereur sous les traits du soudard ripaillant avec ses proches en arborant en permanence une improbable et énigmatique protubérance abdominale. Les très étymologiques louves du lupanar romain s'acclimatent parfaitement aux sables de l'Égypte, tandis que la perversité du souverain local se satisfait assez piteusement d'un exhibitionnisme à deux sesterces.
La production de Moshe Leiser et Patrice Caurier à Salzbourg jouait elle aussi la carte de l'humour et de la dérision, mais dans un registre très personnel qui n'interposait pas entre l'œuvre et la lecture un univers référentiel qui laisse autant de pistes ouvertes. C'est sans doute cette confusion entre satire et comique qui entrave cette mise en scène paradoxalement peu perturbante et somme toute assez consensuelle.
Le plateau se distingue par une présence éminemment féminine, à commencer par le rôle-titre interprété par la contralto Sonia Prina. Les éléments techniques ne sont pas au sens strict la première des qualités d'une voix qui brille surtout par une présence scénique et théâtrale redoutable. Les agilités usent souvent du staccato pour masquer des intonations approximatives quand le tempo se fait trop rapide. Faibles reproches en comparaison avec la belle noirceur du timbre et la puissante élégance de la ligne.
La Cléopâtre de Roberta Invernizzi négocie les difficultés pyrotechniques mais chante à fleur de notes des airs comme Se pietà ou Piangero qui exigent davantage de brillance et de légèreté. Monica Bacelli (Sesto) emporte la palme de la sensibilité et de la caractérisation. La Cornelia de Teresa Iervolino met en avant une ligne très pure mais assez neutre dans le chatoiement du timbre. La belle autorité de la Nireno de Benedetta Mazzucato tranche avec les imprécisions de Daniela Pini en Tolomeo. Les deux voix masculines tirent leur épingle du jeu, le Curio de Pierre Bessière s'appuyant sur des qualités d'émission remarquables et l'Achilla de Riccardo Novaro sur le jeu d'acteur à toute épreuve.
Du côté de la fosse, on admire le périlleux alliage entre direction baroque et instruments modernes. Rinaldo Alessandrini connaît son affaire et prend la précaution de confier le continuo à un clavecin, deux théorbes et violoncelle baroque, sans doute pour ne pas déséquilibrer excessivement la couleur des nombreux récitatifs. À l'exception de certains passages joués sur cors naturels, la franchise des attaques rappelle l'absence de cordes en boyau, même si la conduite des phrasés et des articulations camoufle habilement la présence d'un orchestre moderne.
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