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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris du Roi Arthus de Chausson dans une mise en scène de Graham Vick et sous la direction de Philippe Jordan.

Un roi en chemise
© Andrea Messana

L’entrée du Roi Arthus au répertoire de l’Opéra de Paris permet enfin de découvrir le seul drame lyrique d’Ernest Chausson, un siècle après sa création au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. À Paris, l’œuvre n’avait été donnée intégralement que dans une version de concert dirigée par Armin Jordan en 1981 à Radio France. De père en fils, l’héritage est idéal.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 16/05/2015
Claude HELLEU
 



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  • Grand et bel homme parmi les autres, le Roi Arthus cĂ©lèbre son retour de guerre triomphal. Sur le plateau bucolique de l’OpĂ©ra Bastille, Thomas Hampson doit d’entrĂ©e glorifier Ă  pleine voix, d’oĂą un vibrato qui disparaĂ®tra, la victoire de ses Chevaliers de la Table Ronde sur les Saxons et les mĂ©rites dont tĂ©moigna son si brave, si cher et fidèle Lancelot.

    Autour des héros, chevaliers bardes paysans de tous temps ont piètre mine, attifés de fringues sans époque, brandissant des épées incongrues là avant de baisser la garde et retrouver une vie domestique. D’où la construction ridicule d’une moitié de maison cerclée d’autres épées plantées comme des piquets. Amenée à bout de bras sur un divan rouge tel qu’Ikea n’en voudrait pas, y prend place la reine Genièvre.

    Au-delà de toute légende, la mise en scène de Graham Vick banalise à l’extrême l’apparence et l’environnement de ce trio des plus convenus, un couple et l’amant de Madame, fût-elle épouse de roi. Nous voici dans le drame éternel de l’amour et de la trahison. Or peu à peu s’instaure une compassion inattendue pour les piètres personnages dont le sens de l’honneur disparaît sous le souci d’une respectabilité mise à mal par l’adultère et le mensonge. Les rêves, l’égoïsme et leur combat vont atteindre la dimension du drame tel que le voulait Ernest Chausson quand il compose son unique opéra et en écrit le livret, dix années durant attentif à ses moindres nuances, musicales et psychologiques.

    C’est que, donné pour la première fois à l’Opéra de Paris, son interprétation les révèle toutes. Sous la direction de Philippe Jordan, l’Orchestre de l’Opéra atteint cette légèreté et cette plénitude du son propre à l’art du compositeur. La richesse de la partition se révèle dans toute sa souplesse. Sans renier Wagner et son influence, Chausson affirme un lyrisme dont la concision et l’élégance sont typiquement français. Préludes, interludes, liaisons orchestrales palpitantes atteignent des apogées d’expressivité, parties intégrantes d’une progression dramatique que les voix habitent.

    © Andrea Messana

    Thomas Hampson, seul idéaliste et généreux, irradie sa noblesse d’âme, plus forte que toute souffrance. Au cœur de sa solitude, son dialogue avec Merlin, un Peter Sidhom mystérieux et troublant, nous garde suspendus à leur quête éternelle. Et l’apothéose de son pardon final à l’ami traître ne saurait s’affirmer plus élevée.

    Traître pitoyable mais irrésistible amoureux, ce Lancelot. Quand Genièvre s’échappe de sa maison préfabriquée pour le retrouver dans un carré de fleurs en plastique où les amants s’étreignent, se roulent à plaisir, si leurs hyperboles extatiques subissent l’ombre du célèbre duo de Tristan et Isolde, elles s’imposent sous le timbre enflammé de Roberto Alagna.

    De Sophie Koch devenue folle de plaisir émergent les clameurs gorgées de bonheur, le reste de ses propos disparaissant dès que moins projetés. Cependant l’écuyer de Lancelot veille anxieusement sur ce couple délirant. Stanislas de Barbeyrac ajoute une vraie présence à ce climat risible.

    Les autres seconds rôles de la distribution masculine sont comme lui à la hauteur de leur mission, donner vie à l’entourage des trois héros. Parmi eux, le ténor Cyrille Dubois est un laboureur doté d’une grâce solaire. Alexandre Duhamel prend les noirceurs de l’envieux Mordred, que Lancelot surpris en pleins ébats n’a pas réussi à tuer. S’ensuivent dénonciations, rivalités, conflits moraux et guerriers où Lancelot et Genièvre se déchirent.

    Celle-ci prend du temps à s’imposer. Jeune femme un peu trop minaudière, possessive, exclusive, bref, un tantinet garce, Sophie Koch, hors ses aigus splendides, n’est pas souvent compréhensible. Jusqu’au départ de son amant, où la merveilleuse interprète de mélodies retrouve dans la solitude un phrasé lumineux et des nuances pianissimo pour affronter son désespoir et s’étrangler de ses cheveux.

    Lancelot est allé rejoindre son roi. Lancelot est passé par tous les stades de la passion, du remords, de la honte. Lancelot mourra sur le champ de bataille. Roberto Alagna est Lancelot, totalement, viscéralement. L’aisance envoûtante de cette voix dont pas un mot ne se perd s’accompagne d’une présence physique absolue. Avec un tel artiste, la narration est un élément essentiel de l’action. C’est grâce à cette humanité transcendée par la musique que le Roi Arthus prend possession d’un public que n’atteint plus le misérabilisme des décors. Et se révèle un grand opéra du patrimoine français.




    Opéra Bastille, Paris
    Le 16/05/2015
    Claude HELLEU

    Entrée au répertoire de l’Opéra de Paris du Roi Arthus de Chausson dans une mise en scène de Graham Vick et sous la direction de Philippe Jordan.
    Ernest Chausson (1855-1899)
    Le Roi Arthus, drame lyrique en trois actes et six tableaux (1903)
    Livret du compositeur
    Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : Philippe Jordan
    mise en scène : Graham Vick
    décors & costumes : Paul Brown
    Ă©clairages : Adam Silverman
    préparation des chœurs : José Luis Basso

    Avec :
    Sophie Koch (Genièvre), Thomas Hampson (Arthus), Roberto Alagna (Lancelot), Alexandre Duhamel (Mordrel), Stanislas de Barbeyrac (Lyonnel), François Lis (Allan), Peter Sidhom (Merlin), Cyrille Dubois (le Laboureur), Tiao Matos (un Chevalier), Ugo Rabec (un Écuyer), Vincent Morell, Nicolas Maris, Julien Joguet, Florent Mbia (Soldats).

     


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