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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Belle Hélène d’Offenbach dans une mise en scène de Giogio Barberio Corsetti et Pierrick Sorrin, sous la direction de Lorenzo Viotti au Théâtre du Châtelet, Paris.
Hélène au goût du jour
Antiquité et modernité cohabitent sur la scène du Châtelet. Décors et interprètes se dédoublent et se retrouvent sur le plateau et sur les gigantesques écrans qui le supplantent souvent. Le pari technique, réussi, souligne plus ou moins heureusement les facéties de ce grand classique de la parodie qu’est la Belle Hélène d’Offenbach.
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L’âge n’atteint pas la Belle Hélène, reine de Sparte immortelle depuis son enlèvement par Pâris il y a quelques siècles et si souvent ressuscitée. La verve musicale de l’opéra-bouffe éponyme que lui consacre Offenbach et les facéties inusables du livret de Meilhac et Halévy offrent une de ses réincarnations les mieux troussées. Une parodie aux exagérations rocambolesques qui réclame une vivacité haute en couleurs.
Ainsi en est-il sous la direction de Lorenzo Viotti, attentif à ne rien occulter de la partition spirituelle mais aussi puissante selon les moments d’Offenbach. L’Orchestre Prométhée accompagne d’une palette de timbres éloquemment diversifiée des chanteurs qui se doivent d’être aussi bon comédiens. Or le spectacle n’a pas la même évidence pour le regard que pour l’écoute.
Sommes-nous dans une salle de théâtre lyrique ou au cinéma ? Avec l’omniprésence de trois écrans géants surplombant les chanteurs, on ne sait plus quelle attention privilégier. Giogio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin revendiquent « un film d’animation en direct, sous les yeux du spectateur qui voit tout, l’image finale sur grand écran et, sur scène, le processus de fabrication » (une table de mixage sur le côté de la scène).
Ces écrans envahissent l’espace. Les héros y doublent de stature, leurs visages en gros plan, les astuces d’une mise en scène parallèle à celle sur le plateau la pimentent, les décors évoluent et la qualité de l’image et des détails qu’elle révèle, la proximité des surtitres juste au-dessus ô combien nécessaires à la compréhension d’un texte qui demeure la clef de nos sourires, toute cette évidence visuelle prend le pas sur ce qui se passe plus bas.
Évidemment, quand on réussit à monter et descendre de l’un à l’autre des niveaux, on apprécie le jeu entre les deux directs, à la fois si proches et légèrement décalés. L’humour ne s’y prive d’aucune fantaisie. Ainsi Hélène endormie rêvant de Pâris interdit (mais présent) appelle-t-elle son père au secours, et les émois de sa mère Leda sommeillant près du Cygne qui la bécote et la caresse voluptueusement avant de la posséder se projettent sur le sommeil de Gaëlle Arquez juste en dessous.
Elle aussi sensuelle dans sa réalité endormie, sinon mi-altière mi-cocotte au fil de ses contrariétés, la mezzo-soprano campe une Hélène déterminée. Sa beauté doit triompher de tous et de tout. La voix se projette, s’adapte aux circonstances, ce qu’elle chante se lit au-dessus des agrandissements de son expressivité. Pour la conquérir, le ténor Merto Sungu met du temps à imposer le désir de Pâris. Trouver l’équilibre entre un minimum d’émotion et le burlesque des situations n’est pas évident, mais tout est bien qui finit bien entre ce couple.
Autour d’eux, les rois incarnent des caricatures commandées par une direction d’acteurs avare de nuances. L’abattage du baryton Marc Barrard en Agamemnon, roi d’Argos, est le plus crédible. Gilles Ragon joue un Ménélas, roi de Sparte époux d’Hélène, qui mérite vraiment d’être cocu. Kangmin Justin Kim force le trait d’Oreste, fils d’Agamemnon qui se met sans cesse en avant des courtisans et suivants, eux aussi grands agités, où l’intervention des danseurs n’ajoute rien tant la chorégraphie de Raphaëlle Boitel est inexistante. L’entrain du Chœur du Châtelet, en revanche, rappelle à chacun de ses grands airs l’éloquence spirituelle de la musique d’Offenbach.
Achille, roi de Phtiodide, alia Mark van Arsdale, Ajax I, roi de Salamine, alias Raphaël Brémard, Ajax II, roi des Locriens, alias Franck Lopez, ne se singularisent guère les uns des autres. Sur cette Cour aux incidents loufoques plus ou moins drôles règne le grand augure de Jupiter, Calchas. Jean-Philippe Lafont y trouve un rôle à sa mesure, cynique faussement débonnaire.
Dans une Grèce anachroniquement antique où cohabitent péplums et maillots de bain, cette Belle Hélène complète le répertoire d’opérettes, opéra-bouffes, comédies musicales brillamment voulu par Jean-Luc Choplin, le directeur du Théâtre du Châtelet. Et conforte en ce lieu la spécificité de genre ainsi remis à l’honneur pour le bonheur du public.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 02/06/2015 Claude HELLEU |
| Nouvelle production de la Belle Hélène d’Offenbach dans une mise en scène de Giogio Barberio Corsetti et Pierrick Sorrin, sous la direction de Lorenzo Viotti au Théâtre du Châtelet, Paris. | Jacques Offenbach (1819-1880)
La Belle Hélène, opéra-bouffe en trois actes
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy
Chœur du Châtelet
Orchestre Prométhée
direction : Lorenzo Viotti
mise en scène, scénographie et vidéo : Giorgio Barberio Corsetti & Pierrick Sorin
costumes : Cristian Taraborrelli
Ă©clairages : Gianluca Cappalletti
Avec :
Gaëlle Arquez (Hélène, reine de Sparte), Merto Sungu (Pâris, fils de Priam, roi de Troie), Gilles Ragon (Ménélas, roi de Sparte), Marc Barrard (Agamemnon, roi d’Argos), Jean-Philippe Lafont (Catchas, grand augure de Jupiter), Kangmin Justin Kim (Oreste, fils d’Agamemnon), Mark van Arsdale (Achille, roi de Phtiotide), Raphaël Brémard (Ajax I, roi de Salamine), Franck Lopez (Ajax II, roi des Locriens), Jennifer Michel (Bacchis, suivante d’Hélène), Je Ni Kim (Parthoenis, courtisane), Olivier Podesta ( Philocôme, rôle parlé), Renaud de Rugy (Eutjyclès, rôle parlé). | |
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