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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 février 2025 |
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Sixième Symphonie de Mahler par le Boston Symphony Orchestra sous la direction d’Andris Nelsons au festival de Salzbourg 2015.
Salzbourg 2015 (5) :
Mahler en pleine santé
Interprétation rutilante de la Sixième Symphonie de Mahler par la formation de prestige du Massachusets sous la houlette de son jeune directeur musical Andris Nelsons. Une exécution exhibant une machine ultra professionnelle, étourdissante de virtuosité, malgré une esthétique sonore pas toujours idéalement mahlérienne.
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Contraste on ne peut plus abrupt entre la Neuvième par les Wiener et Barenboïm hier et cette venue du Boston Symphony dans la même salle pour le même répertoire. Est-ce l’habitude d’entendre in loco les couleurs viennoises si adaptées à ces symphonies Mitteleuropa ? Toujours est-il qu’il faut quelques minutes pour se mettre dans le bain d’une esthétique sonore radicalement différente, tranchante comme l’acier, nette et anguleuse.
D’ailleurs, la mise en place assourdissante de l’orchestre, chacun répétant ses traits à qui mieux mieux, les percussions y compris, dans un brouhaha tel que la régie devra répéter la diffusion des consignes sur l’extinction des téléphones portables une fois les lumières éteintes, n’aide pas vraiment à la concentration. Et pourtant, loin de toute déperdition d’énergie, le Boston Symphony attaque le thème de marche de la Sixième de Mahler dans les starting blocks !
Si les cordes y affichent une discipline extraordinaire, son fin et tendu, dans une disposition de l’aigu vers le grave dont on n’a guère l’habitude en Autriche, et si les tutti sonnent avec un grain juste assez musculeux, on est d’emblée gêné par des interventions de trompette à l’esthétique inadaptée : brillantissime, clinquante, attaques et sons quittés de manière athlétique, façon générique de la Fox.
On exagère à peine ce détail qui avait ruiné le premier enregistrement de la Sixième par Bernstein avec le New York Philharmonic, car le phénomène dérange beaucoup moins dans la Dixième de Chostakovitch par Nelsons et le BSO qui vient de sortir au disque. De même, par delà une précision d’embouchure phénoménale, on reste sceptique devant une sonorité de tuba claire, solistique, pas assez souterraine.
C’est que les instrumentistes américains continuent à préférer la superposition des timbres aux mixtures plus entrelacées dont les Européens se sont fait une spécialité. Et même si dans le genre, l’exécution sait révéler de la finesse dans les nuances ténues, loin des caricatures de brass band en rut, cette manière sportive d’aborder Mahler, d’une santé un rien univoque, demande un temps d’adaptation.
Une tendance que renforce par endroits la battue flagellatoire d’Andris Nelsons, défendant notamment un Scherzo (en deuxième position, béni soit le chef letton !) cubiste, à la Solti, harcelant sans cesse le texte, outrant les sonorités extrêmes, du piccolo au contrebasson, avec une forme de frénésie joyeuse plus proche de Till l’espiègle que des zones d’ombres délétères de la Seconde École de Vienne. Pour autant, dans le genre, le pari est gagné, grâce à l’incroyable engagement de l’orchestre, dont les premiers violons savent résister, et avec quelle classe, aux assauts de l’harmonie les plus fournis.
Si l’on ressort du Großes Festspielhaus avec un sentiment très positif, c’est que Nelsons sait du reste habiller les thèmes féminins d’un rubato millimétré, d’une énergie intérieure prévenant tout amollissement, et ménager des transitions de toute beauté, aux sonorités inouïes – tenues des vents translucides d’une évidente modernité dans le Finale.
Enfin, la formation bostonienne affiche Ă notre sens des bois sans concurrence dans le Nouveau Monde : flĂ»te en manteau d’Arlequin, hautbois doucement mĂ©lancolique, cor anglais sublime d’ambiguĂŻtĂ©, tirant vers le Largo de la Neuvième de Dvořák, clarinette basse subtile, fragile, loin des cornes de brume.
La mécanique du chef letton, qui vient d’être prolongé à la tête de l’orchestre jusqu’en 2022, fonctionne de toute façon à plein, les musiciens lui mangeant dans la main, vif et intraitable dans les raclements des basses sur rythme de marche, aidé aussi par deux timbaliers cognant avec l’exacte puissance nécessaire, très expressif dans un Andante moderato superbement conduit, n’oubliant jamais le combat intérieur livré par le compositeur.
Alors oui, on tire sans doute ce soir plus du côté d’une superbe exécution orchestrale, pleine de santé et de force (des critères que d’aucuns jugeront inappropriés à la Symphonie Tragique), que de l’expérience humaine, noire et douloureuse, qu’avait donnée à vivre Michael Gielen dans la même salle il y a deux ans, mais ne boudons pas notre plaisir devant une aussi somptueuse phalange, tenue par l’un des plus admirables chefs du moment.
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 24/08/2015 Yannick MILLON |
 | Sixième Symphonie de Mahler par le Boston Symphony Orchestra sous la direction d’Andris Nelsons au festival de Salzbourg 2015. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 6 en la mineur, « Tragique »
Boston Symphony Orchestra
direction : Andris Nelsons |  |
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